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La CEDEAO dans la crise ivoirienne: 2002- 2007

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par Didier Parfait BAPIDI- MBON
Université Jean Moulin Lyon 3 - Master 2 en science politique 2010
  

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c) La crise sous le prisme des multinationales

Certains autres auteurs comme Yves Ekoue Amaizo48, trouve une autre explication (économique) à la crise ivoirienne et indexe directement les multinationales occidentales qui, après le démantèlement de la CAISTAB, se sont accaparées de la filière cacao-café. Ce changement souligne-t-il, a eu deux conséquences : les producteurs ont vu leurs revenus fondre de moitié, et les grandes sociétés multinationales spécialisées dans l`exportation - dont le Groupe Bolloré, Cargill, Archer Daniels Midland (ADM), Delmas Vieljeux (Socopao), Amjaro, Aig Fund, etc. - ont pris le contrôle des filières agricoles - cacao, café, coton, karité, hévéa -, poumons économiques du pays. Ici comme ailleurs, les institutions de Bretton Woods poussent à la substitution des monopoles d`Etat par des monopoles privés, qui font de la « responsabilité sociale » le cadet de leurs soucis. « Plus grave, ces multinationales post-coloniales se sont mises en tête de contrôler tout le secteur productif et de commercialisation des pays en voie de développement. Elles ont ainsi construit, en peu de temps et souvent avec la complicité (ou l`ignorance) des autorités locales, des « capacités d`influence » tant sur les dirigeants africains que sur certains des dirigeants des pays d`origine de ces multinationales. Comment ? Principalement en finançant les campagnes électorales et autres services, avec en retour, la capacité d`influer sur les décisions au sommet. Yves Ekoue Amaizo conclut que c`est ce système que l`équipe de M. Laurent Gbagbo a perturbé en remettant en cause les marges exorbitantes des sociétés multinationales par le recours à des appels d`offres internationaux ». Boubacar Boris Diop49 s`inscrit dans la même logique. La Côte d`Ivoire estime-t-il, n`en est pas là juste parce que Dioulas et Bétés ont découvert qu`ils ne peuvent plus vivre ensemble. Les intérêts français explique-t-il, représentent un tiers des investissements étrangers et 30 % du produit intérieur brut (PIB) ivoirien. Depuis 1960, grâce à des contrats léonins, les sociétés françaises rapatrient 75 % de la richesse produite. En 1994,

47. COGNEAU Denis et MESPLE-SOMPS Sandrine : « Les illusions perdues de l`économie ivoirienne et la crise politique », Afrique contemporaine - Eté 2003 p.96

48 . EKOUE AMAIZO Yves : « Crises et rébellions dans le « pré carré » français : Ce qui paralyse le pouvoir ivoirien », Le Monde Diplomatique, Janvier 2003

49. DIOP BOUBACAR Boris : « Fractures dans l`ex-empire colonial : Avertissement ivoirien à la Françafrique», Le Monde Diplomatique , mars 2005

Université Jean Moulin Lyon 3 Année académique 2009-2010 27

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le président Henri Konan Bédié, successeur désigné de Félix Houphouët-Boigny, tente de corriger ces anomalies par la rétrocession de contrats d`exportation de café et de cacao à des géants américains et d`une licence de prospection de pétrole à la compagnie américaine Vanco : il sera destitué par un coup d`Etat, fin 1999. M. Gbagbo chercha, lui aussi, à desserrer l`étau des entreprises françaises, dans un pays où Saur, EDF, Orange et Bouygues contrôlent les transports, l`eau, l`électricité et les voies de communication, tandis que la Société générale, la BNP et le Crédit lyonnais dominent le secteur bancaire. Une ouverture des marchés à la concurrence internationale a été amorcée : pour le troisième pont d`Abidjan et l`aéroport de San Pedro, Bouygues se révélait nettement moins compétitif que les Sud-Africains et les Chinois. Et la découverte d`un important gisement de pétrole à Jacqueville n`a pas été de nature à calmer les nerfs. Les pressions sur M. Gbagbo - soupçonné de vouloir se rapprocher des Etats-Unis - ont été si fortes qu`il a dû reculer fin 2004 et confirmer certains contrats français ». En l`absence d`un développement et d`une gestion auto-centrés, la création des richesses et la prise des décisions sont passées ou sont restées dans les mains des étrangers, justifiant ainsi leur main mise sur les économies africaines50. Mamadou Koulibaly semble adhérer à cette analyse et en élargit le champ d`application : « La situation actuelle de crise de la Côte d'Ivoire s'inscrit dans la philosophie de recolonisation de la Planète par les pays occidentaux. La globalisation des marchés à l'échelle mondiale n'a pas de dimension humaine. "Globalisation, oui, dans les pays développés mais monopolisation dans les pays pauvres d'Afrique". Elle (cette globalisation) vise, précise-t-il, à transformer les multinationales des pays déjà riches en entreprises transnationales en leur donnant un passeport universel pour devenir propriétaires des ressources des pays déjà pauvres, sans aucune référence à la liberté des marchés51 ». Le politique et l`économique en péril, une société suffocante, l`armée bien qu`elle aussi mal en point (crise de légitimité, exclusion des postes civils...), se croit obliger d`arrondir les angles. Elle ne fera qu`ajouter à la confusion.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault