b) Les institutions de Bretton Woods au chevet de la
Cote d'Ivoire
La Banque Mondiale et le FMI mettent donc le pays
sous-ajustement structurel. Bernard Conte44 explique que, pour les
Institutions Financières Internationales, étant donné le
retard accumulé dans le processus d`ajustement, imputable en partie
à la France, il s`agit d`imposer un big push, une
libéralisation au pas de charge. Cette libéralisation a pour
objectif premier de défaire l`ancien système clientéliste.
Pour ce faire, il convient d`abord, d`ôter tout contrôle à
l`Etat sur la commercialisation des produits agricoles, lieu de pompage
principal de la rente. Ensuite poursuit-il, il s`agit de viser le volet
redistributif du clientélisme pour en réduire les
42. AKINDES Francis, Op.cit., p. 19
43. MEDARD J.-F. et FAURE Y.-A. (dir.), Op.cit.
44. CONTE Bernard : « La responsabilité du FMI et de
la Banque mondiale dans le conflit en Côte d`Ivoire »,
Études internationales, vol. 36, n° 2, 2005, p. 225.
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possibilités notamment à partir du secteur
public (rétrécissement du périmètre de
l`État, privatisations...) et de mettre sous contrôle
renforcé la dépense publique à l`aide des
conditionnalités liées à l`ajustement. Bernard Conte
relève par ailleurs que, tandis que l`introduction du marché,
caractérisé par des dysfonctionnements instrumentalisés
par les multinationales du Nord (et particulièrement
états-uniennes), a pour effet d`autoriser l`extraction d`un volume
maximal de rente et son drainage vers le centre capitaliste sans aucun effet
positif sur l`économie locale, la conséquence est l`accroissement
de la paupérisation. En effet, explique-t-il, malgré les
gaspillages, la corruption, la faible efficacité économique, le
système clientéliste antérieur permettait de retenir sur
le territoire national une part non négligeable de la rente dont la
diffusion, même restreinte, irriguait le tissu social à travers
les réseaux de solidarité familiale, tribale et ethnique. Pour
lui donc, en voulant privatiser les gains et socialiser les coûts, les
institutions de Bretton Woods ont une responsabilité à assumer
dans la crise ivoirienne. Décriant aussi le rôle des institutions
financières internationales, David Sogge45 conclut que
quelles qu`aient été les concessions mutuelles entre citoyens et
Etats, elles se sont mises à s`effriter. Comme prévu, la taille
de l`Etat a bel et bien été réduite ». Une analyse
que partage Bonnie Campbell46 qui estime que la Banque Mondiale et
le FMI notamment, auraient dû s`interroger sur la conception des
programmes mis en place et sur la compatibilité entre le processus
d`ajustement et le mode de régulation social, politique et
économique spécifique au pays. Face à cet échec et
à l`amplification des problèmes, la Côte d`Ivoire sombre et
suspend unilatéralement en 1987, le remboursement de sa dette
extérieure. Selon Denis Cogneau et Sandrine Mesplé-Somps,
l`une des manifestations de la crise des années 1980 et du
début des années 1990 est une chute drastique du niveau de vie de
l`ensemble de la population. Ils concluent que : « Dans le contexte
ivoirien de forte croissance démographique, le système
néocolonial de distribution de rentes ne peut se maintenir que si la
rente est en accroissement constant. L`épuisement progressif et
anticipé des rentes d`une part, la surveillance accrue des bailleurs de
fonds du pays d`autre part, vouaient toutefois le partage à devenir plus
serré et à fragiliser l`assise sociale des élites
politiques. La question de la succession du "père de la nation" a
accéléré la montée de la compétition
politique. Celle-ci a dégénéré dans une escalade de
comportements de corruption et de manipulation qui ont détruit tour
à tour le capital symbolique et la
45. SOGGE David, Les mirages de l'aide internationale,
Tunis, Groupe Céres Productions, 2003, p.168
46. CAMPBELL Bonnie : « Réinvention du politique en
Côte d`Ivoire et responsabilité des bailleurs de fonds
multilatéraux », Politique africaine, n° 78 - juin
2000 p.147
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Politique
légitimité de chacun des
prétendants47 ». Une autre explication à la crise
résiderait dans le rôle des entreprises multinationales.
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