2-Perspectives
Nous l`avons dit plus haut dans ce travail, à
l`origine, la CEDEAO avait une vocation d`intégration à base
économique mais les aléas et les vicissitudes de la vie de ses
membres l`ont amenée presque sans préparation, dans la gestion de
la sécurité collective. Son intervention dans quatre pays
(Liberia, Sierra Leone, Guinée-Bissau et Côte d`ivoire) a
précédé la théorie127. Les leçons
de ces diffringentes expériences doivent proprement être retenues
pour instaurer une « Pax West Africana » dans cette région
troublée affirment Adebajo Adekeye et Rashid Ismail. Pour le cas
ivoirien, les leçons retenues vont de la mauvaise organisation au manque
de financement en passant par le manque de logistique et d`expérience
des « casques verts » de la CEDEAO. Pour leur prise en compte, ces
leçons devraient épouser des perspectives managériales et
logistiques, et bénéficier du soutien des partenaires
extérieurs.
Dans une interview à Afrique Relance128, en
2004, Mohamed Ibn Chambas le Secrétaire exécutif (devenu
Commissaire en 2007) de la CEDEAO a reconnu implicitement les limites de
l`organisation en situations de crise. « Nous devons mener une action plus
préventive, anticiper et mettre en place des systèmes d'alerte
rapide. Nous renforçons nos capacités dans ce domaine. Nous
disposons maintenant de quatre bureaux régionaux, d'observatoires, qui
sont censés faire des analyses plus approfondies de la situation dans
les pays couverts par
126. BEDZIGUI Yann, Op.cit., p.173
127. ADEBAJO Adekeye and RASHID Ismail, « Pax West Africana
? Regional Security Mechanisms », Boulder and London : Lynne
Rienner, 2004,p.16
128. Afrique Relance, Vol.18#1, avril 2004, p. 12
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chaque bureau (...) Nous utilisons aussi le mécanisme
que constituent nos réunions de chefs d'Etat pour voir comment ils
peuvent se parler en toute franchise pour empêcher que les
situations ne dégénèrent.
Malheureusement, nous n'avons pas fait preuve du courage et de
détermination nécessaires pour intervenir au moment opportun afin
d'empêcher les situations de crise d'empirer ». Apprenant de ses
erreurs, la CEDEAO a commencé à se mouvoir plus rapidement et a
attire l`attention au moment opportun. Tout n`est certes pas parfait comme nous
avons essayé de le montrer mais grâce au volontarisme de plus en
plus affiché de ses membres, l`horizon va continuellement se
dégager pour plus d`efficacité autant sur le plan militaire que
de la gouvernance démocratique.
a) Plus d'efficacité sur le plan
sécuro-militaire
La crise ivoirienne revêt un aspect régional
indiscutable. Autant les rebelles que le pouvoir ont eu recours a un moment
donne ou a un autre aux mercenaires libériens ou sierra léonais
quasiment au chômage depuis le début d`accalmie dans leurs pays
respectifs. Ce phénomène s`accompagne d`une prolifération
des armes légères aux frontières qui de par leur
porosité restreignent leur contrôle. En plus des richesses
naturelles abondantes dans la sous-région, ces deux facteurs sont les
dénominateurs communs des guerres et crises qu`ont connues le Liberia,
la Sierra Leone, la Guinée-Bissau, la Guinée Conakry et la Cote
d`Ivoire. « L`évolution de la géostratégie
sous-régionale a conduit les acteurs collectifs, en particulier les
communautés économiques régionales (CER) à prendre
en compte la dimension sécuritaire de leur politique commune dans les
protocoles de coopération. Les récentes adaptations
institutionnelles conduites par la Cedeao et l`engagement d`une force militaire
ouest-africaine dans la crise politicomilitaire en Côte d`Ivoire sont
emblématiques de cette prise de conscience129 ». Dans le
cadre des réformes entamées au moins deux ans avant, les chefs
d`Etat et de gouvernement ont entériné en 2007 la transformation
du Secrétariat de la CEDEAO en une Commission qui devient un organe
décisionnel. Ses attributions sont ainsi renforcées pour prendre
des mesures visant la prévention, la gestion, le règlement des
conflits, le maintien de la paix et la sécurité dans la
sous-région. A cet effet, le système d`alerte précoce de
la CEDEAO connu sous le sigle ECOWARN (ECOWAS Early Warning and Response
System) est d`une importance capitale. L`alerte précoce implique une
réponse rapide. « Les décideurs doivent accepter l`analyse,
décider d`agir rapidement et soutenir
129-AUGE Axel, « Les réformes du secteur de la
sécurité et de la défense en Afrique sub-saharienne
», Afrique contemporaine, no 218, février
2006.p.54.
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Politique
financièrement l`opération ».
Présent dans quatre grandes zones (Banjul. Ouagadougou, Monrovia et
Cotonou) couvrant l`ensemble de l`espace CEDEAO, le système apporte des
réponses sous forme de médiation, aux niveaux humanitaire et
militaire. C`est dans cette perspective qu`il a été adopté
en juin 2004, le principe de la création d`une force de 6500
hommes déployable immédiatement dans la sous
région en cas de troubles130. En plus du système
d`alerte précoce, la CEDEAO dispose pour son
opérationnalité de la Commission de défense et de
sécurité qui réunit les chefs d`Etat major de la
sous-région, les chefs de la gendarmerie et de police, du Conseil des
Sages, et de l`ECOMOG qui n`existe plus en tant que tel mais qui adapte son
acronyme au nom du pays en question comme ECOMICI pour la Côte
d`Ivoire131. Toujours sur le chantier de la prévention et de
la gestion des conflits, la CEDEAO sera par ailleurs dotée d`une des
cinq brigades régionales de 5 000 hommes chacune, pour un total de 25
000 hommes pour constituer la Force africaine permanente qui devrait être
opérationnelle en 2010 selon les plans de l`UA. Les militaires occupent
également une place de choix dans le protocole additionnel sur la
démocratie et la bonne gouvernance.
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