Problématique
Malgré les apparences, avant le 19 septembre 2002, la
Côte d`Ivoire était déjà un Etat fragile. Vu son
poids économique (1er dans l`espace UEMOA13, 2e
après le Nigeria dans la CEDEAO) et la menace qu`elle fait peser
à la paix et à la sécurité régionale et
internationale, il était indispensable qu`elle fut l`objet de toutes les
attentions et en premier lieu de la CEDEAO. C`est d`ailleurs ce que cette
dernière a entrepris au lendemain du déclenchement des
hostilités le 19 septembre 2002. L`organisation sous-régionale a
eu la bénédiction de l`Union Africaine et de la communauté
internationale, bénédiction consécutive au nouveau
schéma de l`afro-appropriation des crises et des conflits par les
organismes régionaux. Tant bien que mal, la CEDEAO est apparue
incontournable. Comment s`y est-elle prise ? Comment a-t-elle
géré les divisions parmi ses membres ? A-t-elle
véritablement contribué à éviter à la
Côte d`Ivoire le pire ? (Selon les Nations unies, le bilan des
affrontements oscillait-en septembre 2003- entre 1 000 et 2 000
morts14 tous bords confondus, mais l`ampleur de la crise se mesurait
surtout en nombre de personnes déplacées : entre 600 000 et 800
000 au Nord et au Centre du pays et 300 000 dans l`Ouest15 ). Bref,
quel bilan présente-t-elle dans son implication dans la crise ivoirienne
? Ces à toutes ces questions et à d`autres que nous tenterons de
répondre dans ce Mémoire. Les axes de travail porteront notamment
sur les causes de la crise ivoirienne, la prévention et la
résolution des conflits en Afrique de l`Ouest et particulièrement
en Côte d`Ivoire. Mais aussi, les défis de l`appropriation
africaine du maintien de la paix, les leçons des
précédentes interventions de la CEDEAO dans les conflits
ouest-africains et le nouveau schéma sécuritaire des grandes
puissances et de l`ONU dans le maintien de la paix en Afrique.
13. L`UEMOA est composé de huit pays : Burkina Faso,
Côte d`Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal,
Togo.
14. Rapport de la mission d`urgence des Nations unies sur la
situation des droits de l`homme en Côte d`Ivoire(S/2003/90).
15. IRIN, « Côte-d'Ivoire: Humanitarian Operations
Threatened by Lack of Funds », Abidjan, 4 février
2003. Selon les Nations unies, environ 500 000 personnes
avaient également quitté le pays depuis le début de la
crise. Parmi celles-ci, on comptait environ 150 000 Burkinabé, 60 000
Guinéens, quelque 40 000 Maliens, plusieurs centaines de
Nigérians et environ 45 000 Libériens. 40 000 Ivoiriens avaient
également traversé la frontière pour chercher refuge
à l`étranger, surtout au Liberia et en Guinée.
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Politique
Nous avons limité cette implication de la CEDEAO dans
le temps (2002-2007) parce qu`après la signature de l`Accord de
Ouagadougou en mars 2007, il est apparu que les deux principaux protagonistes
(le président Laurent Gbagbo et le secrétaire
général des Forces Nouvelles Guillaume Soro) ont voulu et
réussi ( ?) à reléguer la communauté internationale
(ONU) au second plan (La résolution 1765 de juillet 2007 déroule
le tapis rouge devant l`accord de Ouagadougou que le Conseil de
Sécurité a entériné quatre mois plus tôt).
Non seulement l`Opération des Nations Unies en Côte d`Ivoire
(ONUCI) est priée de soutenir l`accord, mais il est mis fin au mandat du
Haut représentation aux élections (HRE), une demande
émanant clairement du camp présidentiel.
Enfin, le GTI, le Groupe de Travail International16
disparaît sans qu`il soit besoin de l`annoncer et est remplacé par
« un organe consultatif international (...) chargé d`accompagner
les forces politiques ivoiriennes et le Facilitateur dans la mise en oeuvre de
l`accord politique de Ouagadougou ». L`initiative vient clairement de
changer de mains et l`ONU retourne à son rôle d`appui à des
acteurs nationaux redevenus maîtres du processus de paix17.
Par conséquence, ils ont décidé d`appliquer une «
solution ivoirienne » en vue de sortir définitivement la Côte
d`Ivoire de la crise. La communauté internationale a donc pris
malgré elle, le rôle d`accompagnateur. Après avoir
traité de la crise ivoirienne, nous nous intéresserons aux
mécanismes de la CEDEAO visant à garantir la
sécurité collective en Afrique de l`Ouest (I), puis nous nous
intéresserons à son implication dans la crise ivoirienne et
à sa gestion entre 2002 et 2007 (II).
16. Le Groupe de Travail international a été
créé le 6 octobre 2005 à Addis Abeba en Ethiopie lors de
la réunion du Conseil de Paix et de Sécurité de l`Union
africaine et avalisé par le Conseil de sécurité des
Nations unies par la résolution 1633 du 21 octobre 2005. Il a pour
mission d`évaluer et suivre la transition en Côte d`Ivoire et
d`apporter au gouvernement ivoirien l`assistance nécessaire à la
poursuite du processus de paix et à la tenue d`élections avant le
31 octobre 2006. Le GTI regroupe alors les représentants du
Bénin, du Ghana, de la Guinée, du Niger, de l`Afrique du Sud, du
Royaume-Uni, des Etats-Unis, de la France, les États-Unis, la
Grande-Bretagne, ainsi que des organisations internationales : ONU, UA, CEDEAO,
Francophonie, UE, FMI et Banque Mondiale.
17. ZEEBROEK Xavier, « Côte d'ivoire : la
paix malgré l'Onu ? » Rapport du Groupe de recherche et
d'information sur la paix et la sécurité -GRIP-, Février
2008.
Université Jean Moulin Lyon 3 Année
académique 2009-2010 15
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