b) Le cessez-le-feu du 17 octobre 2002
La CEDEAO va poursuivre ses efforts diplomatiques entre les
rebelles et le pouvoir. Le 17 octobre 2002, elle obtient des mutins (MPCI)
à Bouake une déclaration de cessation des hostilités et
d'acceptation du dialogue avec le gouvernement. En attendant la mise en place
du dispositif de la CEDEAO, les mutins et les forces gouvernementales
s'engagent à demeurer sur leurs positions actuelles. Les mutins
s'engagent aussi à ce que la vie administrative et le ravitaillement
normal des villes soient rétablis86. Même si le
gouvernement ivoirien ne signe pas cet accord, il annonce néanmoins
aussi de son côté, la cessation des hostilités et
l`acceptation du dialogue. Selon le ministre sénégalais des
Affaires étrangères, cet accord
84. Baptisée ECOFORCE, cette force d`interposition devait
garantir le respect du cessez-le-feu avec la Force française Licorne et
bénéficier d`une aide logistique de la part de quelques pays
européens, prévoir la participation des troupes du Togo, du
Bénin, du Niger, du Ghana et du Sénégal. Elle était
composée initialement de 1.250 soldats.
85.Communiqué final du sommet extraordinaire des chefs
d`Etat de la CEDEAO, Accra, 29 septembre 2002
86. Accord de cessation des hostilités du 17 octobre
2002.Les signataires sont : Pour la coordination des mutins et pour le MPCI,
Adjudant Tuo Fozié. Pour le président en exercice de la CEDEAO,
M. Abdoulaye Wade, Cheikh Tidiane Gadio, ministre (sénégalais)
des Affaires étrangères. En présence du secrétaire
exécutif de la CEDEAO Mohamed Ibn Chambas.
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devrait permettre "dans les plus brefs délais" le
déploiement du "mécanisme de la CEDEAO" qui doit superviser la
trêve. En attendant leur arrivée, les soldats français
déployés en Côte d'Ivoire pourraient participer à
l'application du cessez-le-feu. Une semaine plus tard, Le président
togolais Gnassingbé Eyadéma est nommé coordonnateur de la
médiation entre militaires rebelles et gouvernement ivoiriens par le
groupe de contact de la Communauté économique des Etats d'Afrique
de l'Ouest (CEDEAO), réuni à Abidjan. Les membres de
la CEDEAO ont également "exprimé leur reconnaissance" à la
France pour son déploiement militaire dans l'attente d'une relève
par la force africaine garante du cessez-le-feu87.
Aussitôt installé, le coordonnateur de la
médiation ouest-africaine dans la crise ivoirienne, noue le contact avec
les différentes parties et les amène à la table de
négociations directes dès le 30 octobre. Mais, face aux
prétentions des uns (le pouvoir) qui veut une reddition sans condition
des rebelles, et les autres (MPCI) réclamant un débat politique,
l'organisation de nouvelles élections, le départ du
président Gbagbo et une révision de la constitution, les
négociations sont suspendues. Jusqu`à l`annonce de la
tournée africaine du ministre français des affaires
étrangères Dominique de Villepin le 23 novembre, ces
négociations restent au point mort et l`irruption le 28 novembre dans la
crise de deux nouveaux groupes rebelles, le Mouvement populaire ivoirien du
grand ouest (MPIGO) et le Mouvement pour la justice et la paix
(MJP)88, qui revendiquent la prise des villes de Man et
Danané, à l'extrême Ouest du pays, complique davantage la
situation. A tel point que le sommet extraordinaire de
la CEDEAO sur la crise en Côte d'Ivoire prévu le
7 décembre à Accra, a été reporté à
une date ultérieure. Pratiquement au même moment, Dominique de
Villepin achevait (par Dakar) une tournée de deux jours dans six Etats
d'Afrique. Tournée visant à impliquer les pays voisins de la
Côte d'Ivoire dans la recherche d'une solution à la crise ouverte
dans ce pays depuis le 19 septembre89. Au terme de cette
tournée, l`idée d`une réunion organisée par la
France et regroupant les principaux acteurs ivoiriens se précise. Dans
un communiqué du 12 décembre 2002, le gouvernement
français est sans équivoque sur la tenue de cette rencontre :
"Face à la détérioration de la situation de la Côte
d'Ivoire, la France tient à exprimer sa
87. Source AFP
88. MPIGO et MJP s`allieront en janvier 2003 au MPCI pour
devenir les Forces Nouvelles. Voir « annexe no 3», les forces en
présence.
89. AFP, dépêche du 29 novembre 2002, M. de
Villepin, parti le 26 novembre pour Lomé (Togo), s'est rendu le 27
à Abidjan (Côte d'Ivoire), Ouagadougou (Burkina Faso) et Bamako
(Mali) et le 28 à Libreville (Gabon) et à Dakar
(Sénégal).
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Politique
préoccupation et sa conviction qu'il n'est pas de
solution durable à la crise en dehors d'un règlement politique
général rassemblant l'ensemble des forces politiques ivoiriennes.
A l'appui de la médiation africaine, des efforts de la CEDEAO et dans le
souci d'encourager une solution politique, la France est disposée
à accueillir à Paris les chefs d'Etat africains concernés
et, parallèlement, à organiser une réunion des
représentants des forces politiques ivoiriennes.»
Parallèlement à cette annonce, il semble de plus en plus que la
CEDEAO ne parvient pas à avancer dans sa médiation au Togo.
Emblématique de ce constat, le sommet extraordinaire de la CEDEAO tenu
à Dakar le 18 décembre 2002 n`a réuni que quatre chefs
d`Etat sur 15. En effet, ce sommet consacré à la crise majeure
qui menace de déstabiliser l`ensemble de la sous-région a
été boudé par la plupart des chefs d`Etats de
l`organisation rapporte Radio France Internationale (RFI)90. Mais
pour le président Wade, ce sommet est une réussite et ses
décisions (par exemple, fixer au 31 décembre la date limite pour
le déploiement de la force de la CEDEAO en Côte d`Ivoire) engagent
tous les membres de la CEDEAO. Malgré cet optimisme, nombreux sont ceux
qui au sein même de l`organisation sous-régionale sont favorables
à la proposition française. Ce qui n`empêche pas l`Union
africaine91 suivant sa ligne politique de priorité aux
initiatives régionales, à fortement encourager les parties
à trouver un accord de paix et à exprimer son soutien
inconditionnel aux pays membres de la CEDEAO engagés dans la
médiation diplomatique92
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