3-Les expériences passées de maintien de la
paix de la CEDEAO
C`est depuis le début des années 90 que la
CEDEAO s`est démarquée sur le domaine de la
sécurité collective. Il fallait apporter une réponse
efficace dans un environnement sous-régional ou la théorie des
dominos se produisait inexorablement. Une de ses premières initiatives a
consisté à envoyer une mission militaire placée sous la
direction du Nigéria au Libéria en 1990, au début de la
guerre civile qu'a connue ce pays. Mandatée par la Communauté
économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), cette mission a
duré six ans, mais a eu beaucoup de mal à endiguer le conflit,
qui a entraîné le déplacement de plus de la moitié
de la population du Libéria. Avec l'appui de l'ONU, la CEDEAO a
proposé un plan de paix qui a mené aux élections de 1997,
remportées par le plus puissant des seigneurs de guerre, M. Charles
Taylor79. L`ECOMOG intervient par la suite en Sierra Leone (1998),
en Guinée Bissau (1998-1999) et plus tard en Côte d`Ivoire (2003).
« Mais, contrairement aux conflits où c`est la force
militaire qui accompagne souvent les actions diplomatiques, les dirigeants
ouest africains, pour ce qui concerne les crises, privilégient
plutôt la voie strictement pacifique » soutient Maurice
Mahounoun80 et de citer notamment les cas de la Guinée-Bissau
en 2000, du Togo en 2005 et de la Guinée Conakry. Il estime
néanmoins que les actions de la CEDEAO en vue d`un retour à la
paix en Afrique de l`Ouest si louables soient elles, ont tout de même
laissé des séquelles. Des « séquelles » pour ne
pas dire échecs. Mais cette réalité apparaît un peu
comme la règle en Afrique remarque Tom Porteous81. L`Afrique
a vu échouer plus d`initiatives internationales ou régionales en
faveur de la paix que tous les autres continents affirme-t-il et d`expliquer
que, dans les années 1990, la Somalie, l`Angola et le Rwanda furent des
échecs spectaculaires dans ce domaine. Il en va aussi des
opérations de la CEDEAO au Liberia et en Sierra Leone. Epousant cette
analyse, Bastien Nivet82 souligne que les leçons de la toute
première expérience de maintien de la paix de la CEDEAO sont la
pauvreté de la définition et du respect du mandat, les
difficultés de financement d`une force multinationale, une
légitimité incertaine de l`ECOMOG et un excès de
dépendance vis-à-vis d`un seul pays, le Nigéria. Ce
dernier aspect est aussi l`une des causes des difficultés de l`ECOMOG en
Sierre Leone...ajoute-t-il. Un sentiment d`échec que
79 . HARSCH Ernest : « L'Afrique se dote de forces de
maintien de la paix », Afrique Relance, Vol.17, 3 octobre
2003.
80 .MAHOUNOUN Maurice, Op.cit., p.123
81. PORTEOUS Tom, « L'évolution des conflits en
Afrique subsaharienne », Politique étrangère,
Année 2003, Volume 68, Numéro 2, p. 313
82. NIVET Bastien: « Security by proxy? The
EU and (sub-) regional organisations: the case of ECOWAS», No
63, March 2006, Institut for Security Studies/Institut
d`études de Sécurité
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Politique
semble partager Hugo Sada83 : « L`intervention
au Liberia a été laborieuse et ne s`est pas vraiment
soldée par un bilan positif. L`intervention en Sierra Leone a
été un échec, conduisant au déploiement des troupes
britanniques et à la mise en place d`une force des nations Unies, la
MINUSIL, pour parvenir à mettre un terme au conflit. Quant à
l`intervention en Guinée-Bissau, elle n`a duré que quelques mois
et s`est terminée par le renversement du président Joao Bernardo
Vierira par une junte militaire. La faible efficacité, le mauvais
comportement des troupes, le pilotage politique, et le rôle dominateur du
Nigeria ont constitué autant de facteurs négatifs pour la
crédibilité de la CEDEAO, forgeant une mauvaise réputation
à l`ECOMOG, y compris dans la région » déplore Hugo
Sada. Apportant un bémol à son analyse, il rappelle cependant
que, « le contexte international et les efforts déployés par
la CEDEAO elle-même pour mieux structurer son volet défense et
sécurité, ont pourtant fait de cette dernière, le facteur
central de l`équation politico-militaire régionale en Afrique de
cette l`Ouest et une référence pour l`ensemble du continent.
Autre fait notable, toutes les missions de maintien de la paix de la CEDEAO ont
été remplacées d`une manière ou d`une autre par
l`ONU. L`exemple ivoirien n`échappe pas à ce constat et nous
verrons aussi dans les prochaines pages que d`autres facteurs vont rentrer en
ligne de compte, pour ce qui est de l`implication de l`organisation
sous-régionale dans la crise ivoirienne.
83. SADA Hugo, « Le conflit ivoirien : enjeux
régionaux et maintien de la paix en Afrique », Politique
étrangère, Année 2003, Volume 68, Numéro 2, p.
329.
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