Etude de la filière pièces détachées de moto et de voiture dans la ville de Maroua (Cameroun).( Télécharger le fichier original )par Emile et Bidgette DANZABE NGABA et DOUMSIA DAGA Université de Maroua (Cameroun) - Diplôme de professeur de l'enseignement secondaire général 2ème grade (DIPESII) 2010 |
1.1.3. L'intervention des transitaires frontalière, entre ruses et complicitésEntre le Cameroun et le Nigeria, l'importation des marchandises frauduleuses ou taxées est allée prospère, nonobstant les difficultés et les risques permanents. Les stratégies de transgression frontalière s'adaptent à l'indulgence ou à l'intransigeance des douaniers. Pour assurer leur passage, les transitaires constituent avec les chauffeurs de camion et de moto, un front commun de fraude au cours d'une expédition commerciale. En effet, chacun des transitaires qui s'engagent dans une importation frauduleuse, contribue à la mobilisation d'une certaine somme d'argent qui servira de négociations tout au long du trajet. En cas de repérage, c'est-à-dire lorsque la douane intercepte l'engin de transport, c'est alors au transitaire qu'il revient de négocier pour dissuader le préposé de douane de faire une déclaration de saisie. Le plus souvent, c'est avec les motos que les prix à payer semblent plus excessifs. Deux raisons expliquent ce fait. D'une part, leur méthode de contournement de la douane par des voies secondaires et sinueuses présente des risques réels que les commerçantes qui attendent sur place n'ignorent point. D'autre part, leurs employeurs ont conscience de leur versatilité. Si le silence de ces transitaires n'est pas acheté à leur satisfaction, ils sont susceptibles de se reconvertir en indics au profit des douaniers.19(*) Dans la même logique, plusieurs autres stratagèmes sont connus; tentatives de détournement des agents de douane qui se manifestent par la délicatesse des gestes et des paroles, recours aux liens amicaux, familiaux. Ce dernier cas de figure consiste à faire part des « tracasseries douanières » à une connaissance, qui est alors soit autorité administrative, soit opérateur économique légalement connu dans la région, soit autorité traditionnelle, pour qu'il fasse envoyer une recommandation, aux services de douane. L'ensemble de toutes ces méthodes constitue les moyens de payer, le moins possible, les frais de dédouanement (Roitman, 2005).20(*) Seulement, la douane s'avère renseignée sur un certain nombre d'astuces échappatoires. Aussi dispose-t-elle non seulement d'un bureau et d'une section mobile, mais aussi d'une cellule de patrouille. Cette organisation fait d'elle un contrôle routier redouté par les commerçants transfrontaliers. Cependant, le rapport douane-transitaires a progressivement évolué vers une relation de « complicité ». Ainsi, les transporteurs légaux comme les contrebandiers ont de moins en moins tendance à cacher leurs marchandises, avec l'espoir de trouver un arrangement avec les différents agents. Cet arrangement, qu'il est préférable de faire avant la déclaration de saisie, implique ce qu'on appelle communément la « négociation ». Il s'agit d'une forme de marchandage entre transporteurs légaux, contrebandiers et douaniers, dans lequel le prix à payer finalement n'est connu qu'après un négoce de 05 à 15 minutes. Au regard de ce qui précède, c'est à juste titre que Bennafla (2002) souligne combien « le risque majeur encouru par les passeurs, fraudeurs et contrebandiers est celui d'une rencontre directe avec les douaniers » Mais, il n'en demeure pas moins que les pesanteurs socioculturelles, les conditions de vie, le banditisme et la disparité des zones monétaires constituent d'autres formes d'entraves. En général, les transitaires mentionnent avoir payé les frais « outrageusement chers » de la douane, pour ne pas manquer au rendez-vous promis au commerçants. Cette affirmation, qui ne se vérifie pas toujours lorsqu'on enquête aux côtés de la douane, n'est en réalité qu'une astuce commerciale. Elle leur permet de justifier le prix de vente délibérément taxé, d'argumenter au cours du marchandage et d'arrondir les marges bénéficiaires de la transaction. Cela dit, les frais des douanes camerounaises sont plus lourds que la somme des dépenses que les commerçantes effectuent dans l'ensemble du processus de la transgression frontalière. Deux faits expliquent cette situation. D'une part, la fiscalité douanière vise à décourager les importations afin que les populations se résolvent à consommer les produits nationaux. D'autre part, ces prélèvements de la douane sont non seulement inflexibles selon la loi, mais aussi renouvelables à chaque importation. Or, pour des commerçantes de métier qui font au moins deux importations le mois, il est plus facile avec les partenariats qui s'instaurent entre eux et les transitaires « passeurs », de faire des importations sans déclarations « à bon prix », plutôt que de faire des versements récurrents à la douane. Les stratégies commerciales ainsi définies permettent de faire deux constats. D'abord au départ de la marchandise, la douane est contournée avec soins et ingéniosité. Ainsi, même si la clientèle connaît que la marchandise a été soustraite des taxes et fiscalités diverses, elle en reste dubitative au regard des contrôles douaniers permanents sur le seul tronçon d'environ 70 kilomètres de route qui relie Banki à Maroua. 1.2. Les stratégies adoptées au sein des commerçants.Ces relations relèvent d'un stade spécifique de la filière, les commerçants de pièces détachées de moto et de voiture. Toutefois, les nouvelles demandes et les nouveaux services de mobilité urbaine de ces engins l'ont rendu indispensable dans les villes et même jusque dans les campagnes les plus reculées de la région. Outre le simple phénomène de transport ci-dessus décrit, plusieurs facteurs ont contribué à l'émergence de la filière. Nous pouvons évoquer entre autre, l'exercice de la commercialisation des pièces, la concurrence entre les commerçants, le soutien entre les différents acteurs. * 19 Les cas de traîtrise sont assez rares chez les passeurs pour la principale et unique raison qu'ils sont mieux payés par les commerçantes que par les douaniers. * 20 La « désobéissance fiscale» est quelquefois délibérée. (Roitman, 2005) p.184. |
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