3.2.4 L'utilisation des SPT et de la PCIME pour diriger la
décision de référer un patient
Dix sept infirmiers sur les 21 sont persuadés que le
respect des SPT amène à une hausse importante du nombre de
références.
« Les SPT ne tiennent pas compte des
spécificités des zones. Un CSI éloigné ne peut pas
référer comme un CSI urbain. Certains schémas
thérapeutiques échouent alors qu'il suffit de tenter autre chose
pour guérir le malade »
Dix-huit infirmiers sur 21 respectent souvent les
références selon le guide SPT et deux ne les respectent jamais.
Seulement 6 sur 21 (24 %) indiquent qu'ils respectent les SPT par rapport aux
références. La PCIME est en général plus
acceptée, ce qui est contradictoire parce que la plupart des infirmiers
ne sont pas formés pour la PCIME et objectivement la PCIME
prévoit plus de références que les SPT. Douze sur 21
affirment que selon eux, les SPT exigent des références qui vont
contre leur prestige.
L'attitude plutôt négative des infirmiers envers
les références est illustrée par leur opinion sur les
SPT :
« S'il faut suivre les SPT, 50% des patients
seront référés »
« 90 % des enfants en CN montrent des signes de
malnutrition alors qu'on ne peut pas les référer
tous »
« Les SPT empêchent aux gens de
réfléchir »
« Si on respectait les SPT, l'hôpital sera
débordé »
« En respectant les SPT, on sera un simple
service d'aiguillage. »
« En respectant les SPT, nous allons perdre
notre crédibilité aux yeux des patients. »
« En respectant les SPT, on a le sentiment de ne
rien valoir »
« Si nous décidons de respecter
rigoureusement les SPT, la population va bouder »
« Les SPT, c'est de la merde »
« Les SPT sont faites uniquement pour diminuer
le coût des soins »
« Les SPT diminuent la fréquentation car
elles proposent des comprimés alors que la population a plus confiance
aux injectables »
« Les SPT diminuent notre
prestige »
Les idées des infirmiers sur les SPT sont
colorées émotionnellement. Les SPT ont au Niger fait objet de
plusieurs études qui prouvent le contraire de la plupart des critiques
formulées ici. Les agents de santé expriment ici leur crainte de
perdre leur prestige en référant des patients (ne rien valoir,
service d'aiguillage, crédibilité aux yeux des patients).
Les SPT diminuent le prestige des infirmiers en ce sens qu'ils
parlent souvent « d'expérience personnelle, de bon sens, de
tenter autre chose », qui sont pour eux une alternative à la
référence.
Selon la thèse de doctorat de Dr Jaharou (Jaharou,
2000), les SPT actuelles, si elles étaient correctement
appliquées, élèveraient la référence
à un taux de 20%° des nouveaux cas (dont un quart d'urgences), ce
qui est tout à fait raisonnable comparé avec des taux de
référence retrouvés dans la littérature.
Les remarques ouvertement hostiles aux SPT doivent être
pondérées aussi avec les observations sur le terrain des
hospitalisations réalisées au niveau du CSI (voir plus loin).
Certaines réflexions témoignent d'une analyse
plus fondée :
« Pour un cas de pneumonie, même si on
réfère, ils ne vont pas observer la
référence ; donc souvent c'est même dangereux de
référer car le patient va se résigner et ne rien
tenter »
Une référence non respectée par le
patient peut évidemment affecter sa santé . Une
référence non fondée pourrait mettre en danger la vie du
patient en cas de refus, puisque le patient ne poursuivrait plus son traitement
au CSI non plus.
« Les SPT augmentent le nombre de
références justifiées seulement »
a été mentionné huit fois pour les urgences et 7 fois pour
les références à froid. « Les SPT diminuent
le nombre de références » cité
trois fois.
Quelques infirmiers ont une attitude positive vis-à-vis
des SPT :
« Sans les SPT les gens
bricolent » ; « Les SPT nous aident
beaucoup ». Les réactions positives proviennent
clairement des infirmiers les plus formés dans la matière.
Plusieurs observations directes peuvent illustrer la
réticence des agents de santé à référer des
patients et le non-respect des SPT. Les cas montrent souvent que les soins
continus et/ou intensifs ne peuvent pas être assurés au niveau du
CSI, bien que tous les produits pharmaceutiques soient disponibles.
Exemple 6 :
Lors d'une supervision dans le CSI, les superviseurs
observent l'hospitalisation depuis 3 jours, d'un patient qui souffre de la
méningite. La personne était correctement traitée avec le
chloramphénicol huileux.
Le patient était sévèrement
déshydraté, il avait fait des convulsions pendant la nuit sans
traitement supplémentaire et malgré sa fièvre très
élevée, le chloramphénicol huileux n'était pas
répété.
Exemple 7 :
Lors d'une supervision au CSI, les superviseurs ont
rencontré le cas d'un enfant sévèrement malnutri et
déshydraté avec une forte fièvre (palu
présumé) et avec la conscience sérieusement
baissée.
Bien que le CSI se trouve à peine à 20 km de
l'hôpital, que l'ambulance et la radio soient en bon état et que
-par coïncidence- une voiture de supervision soit disponible, l'infirmier
n'a pas eu le réflexe de référer l'enfant.
L'infirmier qui a vainement essayé de replacer
à deux reprises la perfusion intraveineuse, a toutefois conclut que
« ça ira aussi par voie orale (avec les
génériques) ».
Exemple 8 :
Pendant le monitorage de la recherche, un homme
ictérique avec une fièvre de 40° est mis en observation dans
le CSI pendant 4 jours.
Finalement l'homme est référé au CHD,
où il meurt après 48 heures.
Exemple 9 :
Une femme est admise au CHD pour hyperthermie et
diarrhée, avec dans son carnet : mise en observation avec
cotrimoxazole 2X2 comp. et Quinimax 0.6 inj pendant 6 jours au CSI.
Le femme est décédée au CHD la nuit de
son arrivée avec la GE ++++.
Exemple 10 :
Lors du monitorage de la présente enquête, le
médecin rencontre au CSI une femme avec une hémorragie
post-partum, mise en observation avec une prescription de fer-foldine.
Puisque le médecin était présent,
l'infirmier lui a demandé d'examiner la patiente.
Une référence d'urgence était
demandée et à l'admission au CHD, la femme avait une
hématocrite à 10 %. Un curettage a pu la sauver.
Exemple 11 :
Lors d'une formation en malnutrition, un médecin
observe qu'il avait demandé ce jour-là la référence
de deux enfants sévèrement malnutris du CSI urbain au CHD
à 1 km de distance. Les agents de santé n'ont jamais
proposé la référence aux mères.
Pendant les discussions, les infirmiers ont confirmé
qu'ils ne réfèreraient jamais de tels cas, parce que
« ça ne vaut pas la peine et l'hôpital serait
submergé ».
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