3.1.3.2- Les obstacles sociaux
La référence est vécue comme un
événement social et plusieurs personnes sont impliquées
dans sa gestion. La décision pour accepter la référence ne
réside clairement pas seulement chez le patient même. La grande
majorité indique que la décision d'évacuer un patient est
prise par les parents, pour les femmes mariées en général
combinée avec l'opinion du mari. Les matrones, les secouristes, les
guérisseurs et le chef de village ont été
mentionnés aussi comme des personnes clés dans la
décision. Pour les urgences, le patient même semble peu
impliqué dans la prise de décision.
S'il s'agit d'un enfant, c'est en général le
mari qui décide de l'évacuation. Sur la question de savoir la
réaction des femmes au cas où le mari constituerait un obstacle
pour l'évacuation, les femmes répondent unanimement que le mari
ne peut pas refuser ou être un obstacle en soi pour la
référence aussi bien pour l'évacuation de leur enfant que
pour elles-mêmes. Un refus (qu'elles ne peuvent pas vraiment s'imaginer)
provoquerait un divorce.
La population a clairement indiqué qu'elle fait une
analyse sur le bénéfice social qu'elle espère emporter en
respectant la référence. Une référence pour une
personne âgée ou tout jeune est moins acceptable que la
référence d'un jeune adulte. La décision d'accepter une
référence n'est jamais individuelle.
Pour les personnes âgées, il ne s'agit pas
simplement d'une analyse coûts-efficacité mais aussi de la
probabilité que la personne pourrait décéder. Le fait
qu'on aime enterrer les gens âgés dans le village même et
que le transport d'un corps est encore plus coûteux que le transport d'un
malade font que leur référence est étudiée avec un
oeil critique. `La mort' était mentionnée par tous les focus
groupes comme obstacle important à la référence.
La forte obligation sociale de visiter un malade
hospitalisé (« Ne pas visiter un malade peut facilement
être interprété comme souhaiter sa mort »)
représente un effort financier et social important pour les villageois.
En effet, ils doivent payer le transport et au moins payer un petit montant
à titre de contribution aux frais de maladie au patient lors de la
visite. Surtout en saison des pluies quand il y a beaucoup de travail dans les
champs, ceci n'est pas évident. La population autour du patient a donc
une tendance spontanée à minimiser l'urgence et/ou à
conseiller des alternatives à la référence au CHD, comme
par exemple la consultation auprès d'un guérisseur. Pour les
accompagnants du patient le même dilemme se pose entre vouloir le mieux
pour le patient et les dépenses directes et indirectes liées
à une hospitalisation, aussi pour eux individuellement (ce n'est pas le
patient qui paie l'ensemble des frais). Ceci renforce aussi l'idée
d'hospitaliser le patient tout près de la maison, c'est-à-dire au
niveau du CSI. La population a été unanime par rapport aux
avantages importants liés à une hospitalisation au niveau du
CSI.
« Oui, l'infirmier de notre village hospitalise
des patients à son niveau. Si tu le vois référer un
patient, dis toi que son hospitalisation a échoué. Il y a des
gens qui ont l'habitude de faire une semaine au CSI ».
« Pour notre part, nous apprécions
beaucoup ces hospitalisations au CSI car il y a moins de dépenses, on
peut rendre visite facilement au malade, à n'importe quel moment,
même à pieds. Le malade est de plus à côté de
sa famille, la nourriture ne cause aucun problème »
« C'est pour éviter au patient qui habite
trop loin du CSI des déplacements que l'infirmier lui donne une place au
CSI jusqu'à la fin de son traitement ».
« C'est pour surveiller le patient , pour voir
l'évolution de son état de santé que l'infirmier
l'hospitalise à son niveau ».
« Hospitaliser un patient, c'est le droit de
l'infirmier, car il relève de sa compétence, il est un agent de
santé au même titre que ceux travaillant à l'hôpital.
C'est le manque de matériels et de médicaments qui l'oblige
à envoyer les patients à l'hôpital, si non ces
collègues de l'hôpital ne vont rien lui
montrer ».
Le pouvoir de la famille et de l'environnement social du
patient sur le respect de la référence est bien illustré
par l'exemple suivant :
Exemple 2 :
Une patiente avec difficulté d'accoucher d'une
neuvième grossesse se présente au CSI. Elle a été
vue par un guérisseur traditionnel qui, selon les habitudes locales, a
récité des prières pour essayer de résoudre les
problèmes de l'accouchement. Au CSI, la famille refuse la
référence parce que la femme a pu déjà accoucher 8
fois sans problème. L'infirmier qui n'insiste pas, retient la
parturiente encore 24 heures, jusqu'au moment où son état se
soit détérioré. La famille accepte à ce moment de
payer pour le transport et l'ambulance est appelée. Une
césarienne a évacué des jumeaux déjà en
décomposition.
|