3.1.3- Les obstacles liés à une
référence
3.1.3.1- Les difficultés principales
Tous les focus groups ont spontanément mentionné
les coûts et les difficultés de transport comme les raisons
principales qui font qu'une référence n'est pas facile et pas
toujours acceptée `de facto'.
Quand la population parle des frais liés à la
référence, elle ne parle pas d'abord des frais de traitement,
mais elle incorpore beaucoup d'autres postes de dépenses souvent plus
importants que le coût de traitement en soi, comme par exemple les frais
de transport. En dehors du fait que le transport pourrait simplement manquer au
moment de la référence, le transport est indiqué comme un
poste de dépense très important et ceci surtout quand il s'agit
d'une évacuation d'urgence qui implique que le véhicule ne soit
pas partagé avec d'autres gens. Dans le district sanitaire de Tahoua, le
transport individuel peut coûter jusqu'à 40.000 f CFA aller
simple, dépendant de la distance.
« Le gros problème pour nous en cas de
référence, c'est l'argent. Ce problème fait qu'on ne veut
même pas entendre parler d'aller à Tahoua, même de quoi se
prendre en charge c'est un problème ».
« Un autre problème, c'est le transport,
surtout si l'ambulance n'est pas là. Ici, si ce n'est pas le jour du
marché, c'est difficile de voir un véhicule. Récemment,
dans notre village pour évacuer une femme en difficulté
d'accouchement, il a fallu que son mari loue un véhicule à
35000F, pour une distance d'à peu près 70 km »
La prise en charge et les pots de vin constituent aussi un
obstacle pour les populations dans le processus de la
référence.
« Notre problème à
l'hôpital, c'est la nourriture, il y a aussi les à
côtés aux infirmiers, sans lesquels vous ne serez pas bien vus
là-bas ».
Les visites des malades hospitalisés, les ordonnances,
la résignation, la discrimination, le recours aux guérisseurs
traditionnels, le problème d'hébergement et l'ignorance sont
également d'autres obstacles qui justifient les perceptions
négatives par la population de la référence.
« Même le déplacement pour aller
à Tahoua, visiter un patient, est un problème pour nous, car
ça demande beaucoup d'argent ».
« Nous avons souvent des difficultés
à nous retrouver dans l'hôpital, on n'est pas
habitué ».
« Nous ne voulons pas aller à
l'hôpital car là-bas, il y a trop d'ordonnances »
« Souvent ça ne vaut pas la peine d'aller
à l'hôpital, autant se résigner et rester au
village ».
« Il y a des cas qu'on juge inutiles d'amener
à l'hôpital, par exemple, les nouveaux nés ou les
vieillards ».
« L'hôpital coûte cher, c'est pour
cela qu'on a tendance généralement à recourir aux
guérisseurs traditionnels qui sont aussi efficaces et moins
coûteux ».
« On ne veut pas aller à Tahoua du fait
du problème d'hébergement, car là-bas si tu n'as personne,
tu as toutes les difficultés à y
séjourner ».
« L'ignorance, est une autre raison qui
empêche certains d'entre nous à se présenter à
l'hôpital, vous savez, jusqu'à présent il y a des gens qui
n'ont pas encore évolué »
Parlant du transport, les focus groups ont mentionné
également la difficulté de se déplacer du village vers le
CSI, nécessairement en charrette ou à dos d'un chameau.
Le fait que le manque de transport peut influencer directement
le comportement `inexplicable' des gens, est illustré dans l'exemple
suivant :
Exemple 1 :
Lors d'une supervision au CSI, l'équipe cadre
de district rencontre un villageois qui habite à 5 km du CSI. Il raconte
que dans son village une femme souffre actuellement après son
accouchement, mais qu'elle n'a pas les moyens de se présenter au CSI et
que de toute façon elle n'avait aucun espoir de trouver un
véhicule pour la transporter à l'hôpital, étant
sûre que le CSI ne pourrait pas résoudre son
problème.
L'équipe de supervision décide d'aller
chercher la femme avec le véhicule de supervision. Arrivée au
CSI, une rétention placentaire est diagnostiquée et
traitée localement (par le médecin superviseur) avec
succès.
L'analyse de la patiente était
rationnelle : dans ce CSI, l'infirmier ne maîtrise pas la technique
d'une extraction manuelle et une voiture ne passe seulement qu'une fois par
semaine. La dernière supervision de ce centre datait d'il y a quelques
années déjà.. L'hôpital se trouve à 120 km du
centre de santé.
Observation directe dans le CSI de
T.
D'autres frais pris en compte par la population et souvent
oubliés par les techniciens de santé sont entre autres : la
nourriture pour le patient et pour les accompagnants, les frais de logement
pour les accompagnants (surtout quand ceux-ci ne connaissent personne dans le
village), la corruption, le retour au village, surtout en cas de
décès. Par rapport à la corruption, la population
mentionne les `à côtés', la discrimination des patients et
la négligence.
Les visiteurs contribuent aux dépenses, mais ceci est
généralement largement en dessous des besoins réels (voir
les interviews des patients).
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