III- LES RESULTATS DE L'ETUDE
3.1- focus group sur le systeme de reference
Une analyse des focus groups présente toujours quelques
difficultés (voir chapitre sur la méthodologie). Un focus group
est constitué d'individus qui peuvent avoir des opinions
différentes, voire contradictoires entre eux. On parle donc de tendances
qui existent dans une population plutôt que d'une opinion de la
population qui par définition n'existe pas. Si les focus groups
pouvaient révéler que la population ne voit pas une
hiérarchie entre les échelons de soins, ceci ne veut pas dire
qu'il n'existe pas d'individus de cette communauté qui comprennent
très bien cette hiérarchie et que peut-être ils l'ont
même bien exprimée pendant les focus groups. Dans le texte les
phrases entre guillemets « » indiquent des expressions
littérales de la population.
Les exemples donnés dans le texte, soit après
observation directe, soit à travers des interviews des infirmiers et des
patients doivent renforcer l'analyse des focus groups.
Les focus groups ont toujours démarré avec
quelques questions introductives, telle que la description des problèmes
de santé auxquels la population est confrontée. L'environnement
sanitaire des populations interviewées est caractérisé par
les pathologies suivantes : la fièvre, les infections respiratoires
aiguës, les diarrhées et les vomissements, la dysenterie, la
conjonctivite, les maux de tête, des cas de méningite, de
tuberculose et d'autres problèmes comme ceux de l'eau potable,
d'accouchement et de médicament.
3.1.1- La compréhension du système de
référence et de l'échelonnement du système
sanitaire par la population
Plusieurs questions dans les focus groups faisaient allusion
à la compréhension de la population par rapport au système
de référence :
Ø Question 2.1 : Que pensez-vous de la
référence ?
Ø Question 2.2 : Pourquoi l'infirmier
réfère-t-il quelquefois un patient ?
Ø Question 2.3: Est-ce que l'infirmier de votre CSI
hospitalise des patients à son niveau?
Ø Questions 2.4 et 2.5 Si oui, est ce que vous trouvez
qu'il y a une différence avec une hospitalisation au niveau de
l'hôpital ? Comment est ce que vous appréciez ces
hospitalisations?
En général, la population comprenait très
bien la réalité pour laquelle il était impossible de
décentraliser les services hospitaliers au-delà d'un certain
point.
Elle acceptait la différence entre un centre de
santé et un hôpital et la nécessité de
référer parfois un patient d'un niveau à l'autre,
même si elle exprimait en même temps les nombreuses
difficultés liées à une référence.
Ce constat assez évident fait par la population par
rapport aux infrastructures sanitaires physiques, était au moins
partiellement contrarié par leur attitude envers le personnel. Il
était clair que pour une bonne partie de la population, les infirmiers
étaient considérés comme « aussi
compétents que les médecins » (ou le personnel en
général) au niveau d'un hôpital. Cependant les infirmiers
aux CSI ne disposaient pas de tous les moyens pour aider les patients. Le
gradient intellectuel ou technique entre les infirmiers au CSI et les
médecins au niveau de l'hôpital n'était pas ou peu
reconnu.
« L'infirmier doit toujours tenter quelque
chose avant de référer un patient ».
« L'infirmier (du CSI) est compétent,
mais manque des médicaments »
En langue locale, le médecin et l'infirmier sont
indiqués avec le même mot (« Likita ou
lakotaro » en Hausa). Certaines personnes indiquent qu'il existe une
différence entre les personnes en capacité de traiter certaines
maladies. Mais apparemment, ceci n'est pas vécu comme une
hiérarchie. Ils indiquent que parmi les guérisseurs aussi, il
existe différentes spécialités et compétences et si
un guérisseur ne trouve pas la solution, il peut demander de consulter
un autre guérisseur.
« Chacun a son niveau de connaissance, comme le
dit le proverbe suivant : même le patron a son patron ».
La référence n'est donc pas vécue non
plus par la population comme une continuité dans les soins. La
contre-référence, bien que pas étudiée
spécifiquement ici, ne rentre pas dans cette logique de
différents `guérisseurs' l'un à côté de
l'autre, sans différence hiérarchique et la
référence est quand même vécue comme un
échec, bien que la question de culpabilité ne se pose pas du
tout. La référence rentre plutôt dans la logique que chaque
être humain est limité et que chaque personne dispose de ses
capacités spécifiques pour aider. Ceci pourrait avoir des
conséquences sur la perception de la qualité de la communication
lors d'une référence. S'il s'agit d'un simple échec,
l'infirmier n'est peut-être pas sensé donner beaucoup
d'explications. Le niveau de référence n'a qu'à essayer
son propre bilan et traitement.
Ce manque de hiérarchie apparaît aussi quand la
question sur les `lits d'hospitalisation' au niveau du CSI est abordée.
La population ne voit pas clairement une différence entre des `lits
d'hospitalisation' au niveau du CSI et du centre de référence (
ici le CHD). Les lits servent essentiellement à faciliter la vie du
patient, donc à réduire les distances à parcourir pour
accéder au traitement. Un lit correspond donc à la notion de
donner un logement au patient. La mise en observation et les soins intensifs
n'ont pas été mentionnés comme des raisons pour une
`hospitalisation'.
« C'est pour éviter les
déplacements que l'infirmier hospitalise des patients à son
niveau »
La population n'a pas fait spontanément et
explicitement une analyse des coûts et du coût-efficacité
pour expliquer la raison d'être d'un système de
référence. Bien qu'elle comprenne tout de suite qu'il n'y a pas
assez de ressources financières pour construire des hôpitaux
partout, une analyse sur les coûts récurrents n'est pas faite.
Ceci ne veut pas dire que la population ne comprendrait pas qu'une
césarienne coûte plus chère qu'un simple traitement de
paludisme, mais elle n'implique pas automatiquement la logique des coûts
dans sa compréhension du système de référence et
ses raisons d'être.
« L'infirmier du CSI envoie les patients
à l'hôpital quand le cas est plus fort que
lui ».
« Certains patients sont orientés
à l'hôpital, pour qu'ils retrouvent leur santé ».
Presque dans tous les focus groups, la population a traduit le
système de référence aussi en termes
négatifs : la référence devient nécessaire
quand le matériel ou les médicaments (sous entendu que ces
équipages devraient être disponibles au niveau du CSI) manquent.
La référence devient à ce moment un acte pour
remédier au dysfonctionnement du système sanitaire. Le manque ou
l'absence du personnel était évoqué dans le même
sens comme raison de référence. Cette compréhension
négative d'une référence semble être
renforcée par les explications souvent sommaires données par
l'infirmier lors d'une référence en disant « qu'il n'a
pas le produit qu'il lui faut ».
« C'est le manque du matériel ou des
produits nécessaires qui pousse l'infirmer à envoyer certains
patients à l'hôpital ».
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