Critique sociologique des cours d'appui à l'école élémentaire.( Télécharger le fichier original )par Abdou FAYE Faculté des sciences et technologies de l'éducation et de la formation (FASTEF) - Certificat d'aptitude aux fonctions d'inspecteur de l'enseignement élémentaire 2011 |
Chapitre 2 : CADRE D'ETUDENotre étude va concerner les cours moyens deuxièmes années de trois écoles primaires (cf. délimitation spatiale) de la commune d'arrondissement de Yeumbeul-Nord, dans la circonscription éducative de KEUR MASSAR, nouvellement créée par arrêté ministériel n°05679 du 24/6/2010/MEPEMSLN/SG/DAJLD, relatif au redimensionnement des Inspections Départementales de l'Éducation Nationale (IDEN) de Dakar, Mbour et Bignona. Cette décision ministérielle qui consiste à réduire ces zones permet certes de mieux les administrer, mais aussi de faciliter l'encadrement, le contrôle et la mise en oeuvre des innovations pédagogiques. Il faut noter par ailleurs que le découpage administratif et territorial situe Yeumbeul dans le département de Pikine, l'une des banlieues de Dakar. L'importance de sa croissance démographique est à l'origine de sa subdivision en deux communes d'arrondissement par le décret 96-645 du 30 Août 1996 portant création des communes d'arrondissement dans les villes de Dakar, Pikine, Guédiawaye et Rufisque. Nous proposons ci-dessous des tableaux récapitulatifs : - Tableau n°1 : Population des deux localités : Yeumbeul-Nord et Yeumbeul-Sud pendant leur érection en communes d'arrondissement en 1996.
Sources : données recueillies auprès des deux communes d'arrondissement. -Tableau n°2 : Population des deux communes d'arrondissement au recensement de 2002.
Sources : données recueillies auprès des deux communes d'arrondissement. Ces données laissent entrevoir que ce village traditionnel26(*) lébou dans sa totalité, a une population qui croît de façon exponentielle. Et pourtant les statistiques montrent que le village était faiblement peuplé vers les années 80. Cependant, il a subitement connu une évolution démographique rapide du fait certes de l'accroissement du taux de natalité mais aussi et surtout de la migration des populations des centres urbains ou ruraux vers la banlieue dakaroise pour des raisons diverses (manque d'espace en ville, coût élevé de la location dans les quartiers résidentiels, cherté de la vie, sécheresse dans les villages....). Yeumbeul ne fut point épargné par ce phénomène. Les densités dénotent que les moyennes nationales (53 hts/km²) ou régionales (4384 hts/km²) sont largement dépassées. En effet, cette forte poussée démographique va engendrer un cortège de problèmes liés à la survie des populations, à la santé publique, au manque d'infrastructures, à une paupérisation27(*) toujours croissante, consécutive à la crise économique que connaît le pays depuis quelques décennies mais aussi et surtout à des problèmes de scolarisation. Ce malaise amplifie l'acuité du désastre et perturbe le cursus scolaire des enfants, notamment ceux de Yeumbeul-Nord. C'est ainsi que plus de 85% des enfants sont scolarisés28(*). Même s'il est en phase avec la moyenne nationale (94,2%29(*) en 2010), ce taux cache des disparités liées à la qualité de l'enseignement au niveau local. Ce qui fait que plus de 60% des enfants scolarisés selon le PLDE précité, ne terminent pas le cycle élémentaire. Une situation alarmante qui découle de la précarité des conditions d'apprentissages liés : - à l'insuffisance des infrastructures scolaires (1 école publique de 12 classes pour au moins 1000 écoliers, soit 90 élèves/salle de classe environ, 1 bloc sanitaire pour au moins 120 âmes) ; - à l'absence de suivi des élèves à domicile et la faible implication des parents à l'effort d'éducation ; - au déficit en fournitures scolaires, en matériels et en manuels didactiques, etc. En résumé, l'on peut noter que l'éducation à Yeumbeul-Nord est confrontée à des problèmes de structures d'accueil, de moyens matériels, de communication et de concertation entre acteurs pour assurer un développement du système éducatif local au profit d'une promotion collective. Dans ce cadre, les objectifs d'éducation pour tous adoptés à Jomtien30(*) puis à Dakar31(*), exigent des solutions pour scolariser tous les enfants des zones urbaines fortement peuplées. Ainsi l'État du Sénégal, après s'être approprié des objectifs de l'EPT, a développé dans les banlieues, une politique éducative de scolarisation de masse d'enfants ayant l'âge requis. Pour ce faire, il expérimente divers modes d'organisation de classes, notamment les classes à double-flux qui constituent une réponse stratégique à la demande en éducation dans les zones à forte concentration humaine. L'institution scolaire, ne devrait- elle pas aussi consacrer des efforts, des moyens et du temps pour les cours d'appui, en le considérant comme un intrant de la qualité des apprentissages ? Nous le pensons, si l'on considère que l'institution scolaire pourrait non seulement jouer un rôle d'atténuation, voire un rôle d'éradication de la violence, de l'insécurité et de la banalisation réputées dans les banlieues ; mais aussi, rester un facteur de promotion citoyenne et d'insertion socio -économique . Notre système d'éducation semble très tôt comprendre cela en promouvant à travers des disciplines telles que l'éducation morale et l'éducation civique ou l'éducation à la citoyenneté, un type d'éducation dont l'ambition est de permettre à l'enfant de passer de la violence individuelle socialement inadaptée à la maitrise de soi, sans laquelle il ne saurait y avoir de vie sociale possible. Au-delà de l'État, parents, enseignants , conscients du fait qu'une bonne formation est devenue indispensable dans notre société, toujours plus exigeante et élitiste, vont prendre des initiatives d'organiser des cours d'appui ou cours de renforcement dont le soubassement est la réussite au grand bénéfice des apprenants. Car assurément, réussir ses études, ce n'est pas seulement garantir son avenir mais c'est aussi se donner la chance de choisir son orientation professionnelle et de changer le cas échéant. Fort de ce constat, l'ambition de notre étude est de vérifier si les cours d`appui favorisent la qualité des apprentissages, qui du reste, doit être au coeur de toute tentative d'amélioration scolaire. Rien d'extraordinaire à cela, car l'apprentissage, qu'il soit ponctuel ou intégré, est après tout la raison d'être de n'importe quel processus éducatif. Ainsi, la plupart des projets et des programmes éducatifs, voire la totalité d'entre eux visant à améliorer la qualité, revendique comme objectif ultime un impact positif sur l'apprentissage des élèves, tout en leur assurant un suivi rigoureux. Dans le cadre de notre étude, nous tenterons de voir si l'IDEN de Keur Massar en général et le district scolaire de Yeumbeul-Nord en particulier s'identifient à cette philosophie éducationnelle. Qu'en est il de la situation scolaire du district de Yeumbeul-Nord en 2010/ 2011 ? I. Situation des écoles de Yeumbeul - Nord (2010/ 2011)Le district scolaire de Yeumbeul- Nord polarise 7 écoles élémentaires publiques dont 6 sont fonctionnelles. Sous l'effet des inondations, la septième école, en l'occurrence Darou Salam est fermée. Les élèves sont transférés dans les écoles publiques environnantes et le personnel redéployé. Les écoles de la zone d'étude comptent au moins chacune 12 classes dont deux cours moyens deuxième année par école. La plus part d'entre elles sont des classes à double- flux vu l'accroissement exponentiel de la population scolarisable. Les tableaux-ci-dessous dressent la situation du personnel, des élèves et de quelques résultats au cm² dans les 3 écoles choisies pour les besoins de la recherche. - Tableau n°3 : État du personnel enseignant au cm² dans la zone d'étude
Sources : informations recueillies auprès des maîtres et des directeurs des écoles où s'effectue la recherche Légende :I : Instituteur- IA : Instituteur Adjoint- MC : Maître Contractuel- VE : Volontaire de l'Éducation Ces données recueillies auprès des directeurs et des maîtres tenant des classes de cm² dans les écoles sus-citées attestent d'une part que le niveau professionnel de ces enseignants est assez élevé en ce sens qu'ils sont tous titulaires du CAP. Les quatre sont dans le corps des instituteurs, les deux autres attendent à y être intégrés. Par conséquent, la qualité des apprentissages à ce niveau, ne doit souffrir d'aucun manquement. D'autre part, le tableau montre que le genre féminin dans ces trois écoles, est faiblement représenté à ce niveau de responsabilité. Tableau n°4 : État des effectifs de cm² et des structures dans la zone d'étude
Sources : données recueillies auprès des maîtres et des directeurs des écoles d'étude Les données contenues dans ce tableau viennent confirmer la thèse d'une démographie galopante indiquée précédemment dans le cadre d'étude. Sur les trois écoles cibles, les deux fonctionnent avec deux cohortes qui se relaient. Naturellement, ce phénomène n'est connu que dans les zones à forte concentration humaine. C'est ainsi que Yeumbeul- Nord n'échappe pas à la règle et peut être sans doute considéré comme un bastion des classes à double-flux dans le département de Pikine. Les effectifs contenus dans le tableau l'illustrent de fort belle manière. Par ailleurs, la politique locale de la scolarisation des filles semble porter ses fruits. Dans toutes les écoles cibles, le nombre de filles admises au cm² dépasse largement celui des garçons (voir tableau ci- dessus). Il reste cependant à développer des stratégies efficaces de communication et de mobilisation consistant à les maintenir à l'école durant tout leur cursus scolaire et universitaire. La parité fille/garçon à l'école devient une réalité. En 2010, le taux de parité a atteint 1,8%32(*) en faveur des filles. En outre, il importe de souligner que la taille des écoles choisies n'est pas des moindres. Chacune d'elles compte au moins douze classes sans abris provisoires. Tableau n°5 : Présentation des résultats du cfee et de l'entrée en 6è de 2008 à 2010
Statistiques des écoles : Abdoulaye Diop, Yeumbeul 2, Yeumbeul 3 Sotrac Ces résultats laissent entrevoir les hautes performances réalisées dans les écoles tant au cfee qu'à l'entrée en sixième pendant ces deux dernières années. Et la tendance qui se dégage est que les filles se sont beaucoup mieux comportées que les garçons. Les chiffres de Yeumbeul 3 Sotrac viennent confirmer cette tendance. Selon les protagonistes, ces performances seraient dues en partie à l'organisation des cours du soir. Toutefois leur organisation laisse apparaître beaucoup d'insuffisances et nécessite non seulement des améliorations, mais devrait être formalisée suite à la suppression en vue du concours de l'entrée en sixième. En plus, les cours de renforcement doivent apparaître comme une approche novatrice pour la revalorisation des ressources latentes existantes au niveau de l'école et de la communauté en offrant une prestation de service de qualité qui se propose de relever le niveau de maîtrise des savoirs par les enfants en difficulté. Le tableau ci-dessus indique qu'à l'instar des autres écoles du pays, les établissements cibles ont réalisé en 2010 un taux de 100% à l'entrée en 6è. Il reste maintenant à vérifier si les performances déclarées par la tutelle, reflètent réellement le niveau des élèves. Les enquêtes menées dans certaines IDEN lors de nos stages ruraux de 1° et 2° année ont montré que le niveau de recrutement des élèves en 6° est maintenant très bas (avec moins de 40 points, un élève peut accéder au collège, alors que la moyenne nationale requise est de 80 points). Dans ce même ordre d'idée, le comportement des élèves dans les enseignements au moyen pourrait davantage édifier de l'opportunité ou pas de la suppression de ce concours qui était pour l'élève et son maître des moments de défis. Quoi qu'il en soit, les résultats enregistrés au BFEM durant ces dernières années et ceux des compositions semestrielles dans les différents CEM de cette commune d'arrondissement, ne seraient pas des meilleurs. Dans ce cas, il paraît opportun d'organiser des cours de renforcement pour assurer à l'enfant une transition sans difficulté et lui permettre en plus d'avoir une base solide afin de pouvoir affronter les enseignements moyen et secondaire. En effet, notre ambition ne se limite pas seulement à faire réussir à un concours scolaire quelconque mais à former, à développer des attitudes et des aptitudes, à élever le niveau de l'ensemble des apprenants, voire à susciter des vocations de nature à favoriser leur élévation future. Mais de quel type de recherche s'inspire notre projet ? * 26 En 1967, le Plan Directeur d'Urbanisme(PDU) fut élaboré en conférant à Yeumbeul le statut de village traditionnel * 27 Enquête menée par AIDE&ACTION en octobre 2002 * 28 Données contenues dans le document du Plan Local de Développement (PLD) de la commune d'arrondissement de Yeumbeul-Nord de Décembre 2010. * 29 Annonce du ministre de l'éducation lors d'une interview au quotidien national Le Soleil du 08 octobre 2010. * 30-conférence mondiale sur l'Éducation Pour Tous(EPT) à Jomtien (Thaïlande) en 1990 * 31 -Cadre d'Action de Dakar : EPT : tenir les engagements collectifs * 32 Informations recueillies auprès de la Direction de l'Enseignement Élémentaire/MEN |
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