c).Technologies anciennes et technologies nouvelles.
La présentation des qualificatifs des technologies a
une double importance pour notre étude. D'abord, ces qualificatifs nous
permettent de voir comment les termes évoluent et/ou se précisent
avec le temps. Ensuite, ils rendent possible une certaine catégorisation
des technologies et nous permettent de choisir la catégorie de
technologies dont nous voulons traiter dans notre étude.
La qualification des technologies est née de la
dynamique même de l'évolution, de la prolifération et de la
diversité des matériels et des procédés ou
savoir-faire techniques. Grâce au progrès de la science, il est
difficile de nos jours de parler de technologie au singulier. Les technologies
modernes se disent au pluriel. Une certaine classification a donné lieu
aux terminologies suivantes parfois en couples d'opposition : technologies
anciennes / technologies nouvelles (ou technologies traditionnelles /
technologies modernes), technologies douces / technologies
sophistiquées, technologies appropriées (ou technologies
intermédiaires) / technologies conventionnelles. Signalons que cette
classification est liée au temps, mais aussi aux idéologies ayant
soutenu les politiques de développement ou d'aménagement de
l'espace rural. Dans ce dernier cas, les mêmes matériels et outils
peuvent se retrouver sous plusieurs attributs.
En Europe, c'est la révolution industrielle (1780-1950)
qui a permis de faire une distinction entre les technologies
considérées dorénavant comme anciennes ou traditionnelles
et celles dites nouvelles ou modernes. Ainsi se regroupent sous l'appellation
de technologies traditionnelles toutes les techniques, procédures,
savoir-faire et matériel à caractère essentiellement
artisanal sanctionnés par le machinisme de cette époque. Dans le
domaine économique par exemple, ces technologies se caractérisent
par leur faible capacité de production et de rendement. En outre, elles
font appel à la force humaine ou animale comme
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source d'énergie, d'où le caractère
pénible de ces technologies. Il s'agit de toutes les technologies depuis
l'antiquité jusqu'à la révolution industrielle.
Les technologies nouvelles ou modernes quant à elles se
montrent plus efficaces par leur rapidité, leur grand rendement et par
le repos qu'elles procurent à l'homme dans l'exécution des
tâches. La raison en est que la plupart de ces technologies
bénéficient de la motorisation avec pour source d'énergie
la vapeur d'abord et par la suite le carburant et l'électricité.
Les technologies modernes sont essentiellement industrielles.
L'expression de "nouvelles technologies" est beaucoup plus
récente et date des années 1980. Elles sont fondées sur la
micro-électronique. Selon Ajit Bhalla (1992 : 458) "leur introduction
modifie la structure professionnelle de la main-d'oeuvre au
bénéfice de la programmation et des compétences
générales, et au détriment d'une spécialisation
trop poussée". Ces nouvelles technologies sont concentrées et
contrôlées par les grandes firmes multinationales.
Dans le contexte africain, sont considérés comme
technologies traditionnelles celles d'avant la période coloniale, et
modernes toutes celles issues du contact avec l'Occident. Les informations que
nous détenons sur les technologies traditionnelles grâce aux
historiens révèlent que les sociétés africaines,
comme les autres dans le monde, étaient techniquement bien
équipées et connaissaient une évolution technologique
intéressante. Nous lisons par exemple que le premier millénaire
de l'ère chrétienne, dans les sociétés de l'Afrique
subsaharienne, se caractérise par des changements fondamentaux dans tous
les domaines : "L'économie passe du stade du parasitisme à celui
de la maîtrise des moyens de production alimentaire
végétale et animale. De même la technologie rudimentaire,
en grande partie fondée sur l'utilisation de la pierre et du bois, fait
place à une technologie beaucoup plus complexe fondée sur
l'emploi de divers métaux parallèlement à celui de la
pierre" (Posnansky, 1987 : 503). Déjà dès ce premier
millénaire (+ 800) les sociétés africaines disposaient de
moyens techniques pour l'exploitation des minéraux (le cuivre, le fer,
le sel, l'or...).
De la colonisation à nos jours, l'Afrique
bénéficiera, pour son développement, de plusieurs
transferts de technologies occidentales. C'est de ce choc de cultures que les
technologies locales seront appelées traditionnelles et les nouvelles
venues modernes.
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Un regard rétrospectif sur ce premier point du chapitre
nous permet de conclure que la technologie est polysémique et
multifonctionnelle : savoir et pratique, objets matériels et
immatériels. Symbole du progrès et de la dynamique des
sociétés, elle ne saurait être appréhendée
entièrement en dehors d'elles. C'est pourquoi il nous faut à
présent nous intéresser au rapport entre technologie et
société car c'est par et dans la société que toute
technologie existe et prend sens.
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