c) Ordre et rang au moulin.
La mouture des grains au moulin exige des femmes d'aligner
leurs calebasses par ordre d'arrivée. Cette pratique a pour avantage
d'offrir aux femmes une égalité de chance, d'éviter les
bousculades et le favoritisme de la part des meuniers. Mais cette organisation
n'est pas toujours respectée partout avec rigueur et pour plusieurs
raisons. D'abord, les cas urgents. Les femmes sont très reconnaissantes
les unes envers les autres pour les cas urgents qui se présentent par
moment à chacune d'elles. Ainsi nous dit une femme : « Parfois,
ta camarade vient t'expliquer qu'elle doit amener de la nourriture à un
malade à l'hôpital par exemple. Tu ne peux pas refuser. Demain
c'est peut-être ton tour ». Il en est de même lorsqu'une
femme reçoit à domicile des étrangers de passage à
qui il faut préparer rapidement un repas. Ensuite, il y a les cas de
femmes qui allaitent : elles s'excusent à cause du bébé
qu'elles ont laissé à la maison. Notons enfin que les femmes
citent un certain nombre de cas sociaux pour ne pas se soumettre aux exigences
de l'ordre établi. Ces cas, bien expliqués, ne créent
généralement pas de tensions entre les femmes. La plupart du
temps, celle qui est pressée demande l'avis favorable de toutes celles
qui viennent après le niveau du rang où elle veut
s'insérer. Mais il y a aussi des femmes qui viennent et se donnent un
certain droit de passer avant les autres « parce qu'elles se croient
pressées » (« m'a asè yii n fuu »).
Ces personnes créent souvent des tensions qui vont jusqu'à la
bagarre avec le risque de briser des calebasses. Cependant, une
considération particulière est accordée aux vieilles
personnes qui arrivent. Mais bien souvent les enfants font facilement l'objet
de négligence. « Bè néan mèn yi a kaka wa,
a ka wasa men mãsin léa » (« Si un enfant
n'est pas éveillé, le soir peut le trouver au moulin »)
affirment les femmes. Les adultes ont toujours tendance à vouloir passer
avant les fillettes envoyées par leurs mamans.
Ces différentes attitudes existent dans tous les
moulins et sont vite observables lorsqu'on se rend au moulin. Les
différents comportements révèlent les stratégies
mises en place par les femmes pour pouvoir à la fois
bénéficier de la mouture sans perdre du temps et se soustraire
à un système social coercitif.
D) Rapport quantité - prix.
Avant de verser son mil dans la trémie du moulin,
chaque femme mesure, sous l'oeil contrôleur du meunier, la
quantité qu'elle a apportée à l'aide de boîtes dont
le contenu correspond à un tarif connu. Les prix varient selon la
quantité et selon le type de céréales
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écrasées, de même que
légèrement d'un village à l'autre. De façon
générale, les prix sont sensiblement les mêmes. Les
différences proviennent du coût du transport du gasoil dont tous
les villages viennent s'approvisionner à Toma. Le tableau ci-dessous
nous permet d'apprécier le rapport quantité - prix.
Tableau 8: Moyenne des prix par mesure
dans les villages (en f. CFA).
BOITE
|
CEREALES
|
N°
|
Dimensions
|
Sorgho pilé
|
Mil
|
Maïs pilé
|
Maïs non pilé
|
Haricot
|
Sorgho non pilé
|
1
(Grande)
|
16 x 10 x24 cm
|
50 F
|
50 F
|
50 F
|
60 F
|
60 F
|
60 F
|
2
(Moyenne)
|
14,5 x 11,5 x 16 cm
|
35 F
|
35 F
|
35 F
|
45 F
|
45 F
|
45 F
|
3
(Petite)
|
14,5 x 11,5 x 10 cm
|
25 F
|
25 F
|
25 F
|
30 F
|
30 F
|
30 F
|
Source : Inspiré de Toni Doro T. (1992 : 24)
Les boîtes utilisées ne sont pas les mêmes
partout, d'où les différences de dimensions des bases et des
largeurs, les hauteurs étant diminuées volontairement pour avoir
les tailles désirées.
La différence des prix par type de
céréales s'explique par le fait qu'une catégorie (sorgho
pilé, mil, et maïs pilé) est moins dure à
écraser que l'autre parce qu'ayant été trempée dans
de l'eau. Le mil (nyanã) même non pilé entre dans
cette catégorie parce qu'il est, de nature, moins dur que les autres.
Dans ce tableau n'apparaît pas le tarif de la tine de sorgho germé
servant à la préparation du yo (bière de mil). La
tine de mil (10 à 15 kg) est tarifée à 1500 francs Cfa.
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