c). Organisation économique.
D'un point de vue économique, l'activité du
département est essentiellement agricole. Les paysans font de la culture
céréalière. Ainsi, tandis que la production agricole
concerne le sorgho, le mil, l'arachide, le sésame, le
niébé (haricot), le coton, le piment et la culture
maraîchère, la production animale se compose de mouton,
chèvre, porc, boeuf et volaille. Il s'agit d'un type d'élevage
traditionnel servant plutôt au prestige social de l'éleveur que
d'une véritable exploitation économique.
Le système d'exploitation des terres est individuel.
Les descendants d'un même ancêtre héritent de la
propriété léguée par celui-ci. Ainsi, les membres
d'un même lignage exploitent à volonté leurs domaines
fonciers. Cependant les femmes, du fait de l'exogamie, ne peuvent avoir une
propriété foncière. Quant aux épouses, elles
exploitent, de façon générale pour les besoins de la
cuisine, les parcelles que leurs maris leur indiquent. Bien souvent ces
parcelles se trouvent aux alentours des concessions. Là, elles font des
jardins potagers et y cultivent du piment, légumes divers, parfois du
maïs. De nos jours le piment est beaucoup prisé par les femmes
parce qu'il s'achète bien et offre ainsi des possibilités d'une
indépendance économique. Selon nos enquêtes, plus de 80%
des femmes interrogées comptent sur les revenus du piment pour moudre
leurs grains au moulin..
La production agricole qui est familiale se fait sous
l'autorité du chef de famille. De tout temps les femmes en pays san
travaillent au champ avec leurs maris, et cela selon un rythme alternatif de
deux jours à cause de la préparation des repas. La ration
alimentaire (le mil) est donnée tous les deux jours à la femme
qui se débrouille pour trouver les condiments.
Jusqu'à aujourd'hui les instruments de production
agricole sont la pioche (sukun), la hache (sèmien), la
petite pioche pour les semailles (bambaran) et la houe appelée
couramment « daba » (kan). La caractéristique commune
de tous ces instruments aratoires est de faire adopter à l'homme au
travail une stature courbée. Les Sanan ne disposent pas d'instrument de
production agricole permettant de travailler debout ni même à
moitié courbé. Ceci pourrait avoir un effet quelconque sur la
colonne vertébrale. La production mécanisée est
inexistante dans
49
toute la province du Nayala à cause de la nature des
sols et de la pluviométrie qui ne permettent pas l'utilisation de
machines tels que les tracteurs couramment utilisés dans la
région de Solenzo et de Bobo-Dioulasso. Toutefois, à
défaut de mécanisation, la production agricole dans la
région bénéficie de l'apport de la culture attelée
avec le concours de l'ADRTOM (Association pour le Développement de la
Région de Toma) qui est une structure héritière du
"PROJET-TOMA" initié en 1968 par l'évêché du
diocèse de Nouna-Dédougou (dont Toma est la première
paroisse créée) pour introduire la culture attelée dans la
région.
Pendant la saison sèche, quelques paysans pratiquent le
maraîchage et les femmes s'attèlent au petit commerce et surtout
à la préparation de la bière de mil appelée
yo dans la langue san et couramment connue au Burkina sous le nom de
dolo.
D'une manière générale dans le pays san,
ce sont les activités agricoles qui rythment la vie économique
des habitants. Cette réalité est bien une des
caractéristiques de la zone rurale. A. Kaba et R.M. Toé (1998 :
44) ont essayé de dresser le calendrier agricole suivant pour l'ensemble
de la province du Nayala :
Tableau 3: Calendrier des travaux
champêtres.
- Avril-mai
|
Préparation des champs (nettoyage, labour, etc.).
|
- Juin au 15 juillet
|
Semis des céréales (sorgho, mil, maïs, riz)
ainsi que du coton et de l'arachide.
|
- Août
|
Semis du voandzou (pois de terre).
|
- Juin à septembre
|
Opérations d'entretien (sarclage, binage, resemis,
traitements des cultures, buttage).
|
- Septembre à octobre
|
Labour de fin hivernage, récolte des cultures
(maïs, arachide, mil sorgho, niébé, etc.).
|
- Novembre
|
Récoltes et transport des résidus de
récoltes pour animaux.
|
-Novembre à décembre
|
Préparation et mise en place des cultures
maraîchères, début de la commercialisation.
|
-Janvier à mars
|
Commercialisation des cultures maraîchères,
récolte du riz pluvial, fabrication de fumier, dressage des animaux de
trait, coupe des tiges de cotonniers, formation professionnelle des agents et
producteurs, bilan de la campagne agricole écoulée.
|
Source : Kaba A. et Toé R. M.(1998 : 44)
Le commerce semble avoir pris une place secondaire chez les
Sanan : il n'est pas très développé à cause de
certaines valeurs culturelles et obligations sociales. Dans plusieurs
50
villages, il existe des « marchés fictifs »
dont les jours sont pourtant bien connus de tous et qui servent de
référence aux jours de la semaine ; mais en réalité
dans ces villages il n'y a pas de place publique pour les échanges. Ces
marchés fictifs consistent surtout en des marchés de dolo
où la vente se fait à domicile. Cependant dans les gros
villages du département de Toma tels que Toma, Koin et Zouma, des places
publiques existent servant de marchés. Dans certains villages tel que
Sien, malgré la réhabilitation de l'ancienne place du
marché par les habitants eux-mêmes, ceux-ci n'y vont pas pour
échanger. Vendeurs et vendeuses font plutôt du porte à
porte. Les femmes font presque toutes de la préparation du dolo
leur principale activité commerciale. Quelques-unes cependant
ajoutent à la vente du dolo celle de légumes. Rares sont
les femmes qui possèdent une boutique. Leur éternel refrain c'est
qu'"il n'y a pas de marché" (au sens de secteur commercial portant)
"Pii bãbã min ta koe wa". En fait, la vente de la
bière de mil correspond plus à une activité sociale que
commerciale.
La situation économique des femmes du
département est précaire. En effet, les femmes sanan restent
dépendantes de leurs maris qui possèdent et contrôlent les
moyens de production. Et pourtant, elles jouent un rôle très
important dans le domaine de la production agricole9 et la gestion
des ménages. Leur emploi de temps, ainsi que l'indique le tableau qui
suit, leur donne très peu de repos.
Tableau 4: Activités de l'emploi de temps des
femmes sanan.
Tâches régulières
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Supplément en hivernage
|
- Ménage (balayage, vaisselle...)
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- Travaux champêtres
|
- Lavage de vêtements
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- Jardinage (piments,
|
- Travaux de cuisine : pilage, décorticage, mouture du
mil
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légumes)
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collecte d'eau, de bois, cuisine ...
|
- Collecte de noix de karité.
|
- Soins des enfants.
|
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- Filage du coton
|
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- Petit commerce (préparation et vente de bière de
mil, etc.).
|
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- Jardinage.
|
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- Réunions de groupement.
|
|
- Voyages, fêtes et deuils.
|
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Source : notre enquête.
Enfin pour terminer avec l'organisation économique, il
est bon de signaler l'absence d'industrie dans toute la province du Nayala.
Dans leur monographie, A. Kaba et R. M. Toé
9 Les femmes Sanan travaillent au champ avec leurs
maris et rentrent le soir pour s'occuper des tâches domestiques.
51
(1998 : 57) mettent cela en exergue : "L'industrie est presque
inexistante. Cependant il faut noter la présence de nombreux moulins
installés par les différents organismes de développement
intervenant au Nayala". En effet entre 1989 et 1994, l'ADRTOM a installé
20 moulins dans 20 villages de sa zone d'action, accordés à
crédit aux groupements villageois féminins (GVF). On compte dans
l'ensemble de la province du Nayala environ 221 moulins à grains
répartis comme suit par département :
Tableau 5: Nombre de moulins du Nayala par
département.
Départements
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Nombre de moulins
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1. Toma
|
57
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2. Yé
|
48
|
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3.Yaba
|
45
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4. Gassan
|
27
|
5. Gossina
|
27
|
6. Kougny
|
17
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Total
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221
|
Source: Perception de Toma
Comme on le constate, le département de Toma vient en
tête de liste avec un nombre important de moulins.
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