b). Quelques nuances terminologiques
Nous trouvons dans la littérature sur les technologies
appropriées d'autres termes dont les plus courants sont : technologies
intermédiaires, technologies douces et technologies alternatives.
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+ Technologies intermédiaires.
Pour l'ONUDI (Organisation des Nations Unies pour le
développement industriel), l'expression technologie appropriée
veut dire « adéquate aux objectifs de développement
économiques et sociaux établis par les gouvernements et non pas
technologie intermédiaire ou simplifiée » (Bizec, 1981
:147). Nous épousons cette définition dans la mesure où
aucune technologie n'est appropriée en elle-même ; à moins
que l'appropriation ne signifie pas qu'il revient à l'acquéreur
de l'outil de devenir son véritable propriétaire par une
maîtrise suffisante dans l'utilisation. L'appropriation est tout un
processus d'adoption en vue de satisfaire un besoin. Ainsi la plus ou moins
grande satisfaction du besoin permettra de savoir si oui ou non l'outil est
adapté, donc approprié.
Dans le présent travail, nous entendons par technologie
appropriée un ensemble non séparable de matériel et de
savoir-faire que l'homme met au service de la satisfaction de ses besoins.
C'est dans ce cadre que la théorie fonctionnaliste nous sera d'un grand
apport pour comprendre et expliquer certains usages faits du moulin à
grain dans le département de Toma. Nous développerons à ce
sujet la problématique du rôle social du moulin.
Selon Christine Brochet (1981 : 8), les technologies
appropriées « ne sauraient être confondues avec les
technologies intermédiaires qui ne peuvent apporter que des solutions
partielles aux problèmes industriels des pays en développement
». Pour cet auteur, les technologies intermédiaires seraient des
succédanés fort limités de technologies industrielles qui
sont, elles, capables de promouvoir un véritable développement.
Treillon (1992 : 77) établit
également une distinction entre les deux termes. Pour lui
les technologies intermédiaires
illustrent dès le départ l'idéologie du
«small is beautiful» de Schumacher. Dans cette optique l'innovation
concerne préférentiellement des machines à échelle
de production réduite, à coût de capital faible, favorisant
la création d'emplois et respectant les modes de consommation
traditionnels. Les technologies intermédiaires sont une association de
modèles d'objets européens et de modèles des pays en
développement. La démarche d'innovation consiste à prendre
en compte les systèmes techniques traditionnels propres aux
économies en développement, tandis qu'à travers les
technologies appropriées on recherche la solution technique la mieux
adaptée face à un problème à traiter.
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Treillon (1992 : 77) montre bien que les différentes
appellations relèvent des objectifs visés par les protagonistes
des technologies. En effet, objectivement la différence reste difficile
à établir entre les types d'objets que ces protagonistes
n'indiquent pas. Il en est de même des technologies dites douces.
+ Technologies douces
Les termes de technologies douces sont également
employés pour désigner les technologies appropriées ou
intermédiaires. Bizec (1981 : 139) souligne bien cette
réalité : «"Technologie appropriée" est un terme que
l'on utilise volontiers comme substitut de mots tels que "technologie
alternative","intermédiaire", "douce", etc., autant de concepts
désormais relativement précis mais dont l'application au
développement des pays du Tiers Monde soulève des querelles de
première grandeur, tant au Sud qu'au Nord.». Ces technologies sont
douces au regard de leur coût, de leur maniabilité et de leur
moindre impact sur l'environnement. Mais en réalité, il nous faut
tenir compte du contexte historique de la naissance de ces concepts qui cachent
certaines idéologies. La plupart des termes sont liés aux
mouvements de refus du monde industriel actuel : mouvement anticapitaliste,
mouvement des écologistes, etc. Le mouvement des écologistes par
exemple prône une technologie en harmonie avec la nature. Toujours selon
Bizec (1981), Robin Clark qui fut le premier à en codifier les principes
d'action disait ceci : "L'homme doit passer avant la machine, le peuple avant
l'Etat, la pratique avant la théorie (...), la campagne avant la ville,
la matière organique avant la matière synthétique, la
plante avant l'animal (...), la qualité avant la quantité".Tels
seraient donc les caractéristiques de la technologie douce, une
technologie qui ne détruit pas l'écosystème et respecte
l'homme dans sa pureté originelle. Cette définition de la
technologie douce est purement écologique et peut-être
idéaliste dans la mesure où il est difficile de savoir quelle est
la pureté originelle de l'homme. Qu'en est-il enfin des technologies
alternatives ?
+ Technologies alternatives
L'idéologie qui est derrière le concept de
technologie alternative s'inspire de l'exemple du Mahatma Gandhi en Inde pour
insister sur le fait que l'on doit compter sur les ressources locales. Quant
aux technologies intermédiaires, l'idéologie qui prévaut,
suite aux conséquences socio-économiques négatives des
transferts de technologies dans les pays en développement, est
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celle de la simplicité et de la petitesse. Il s'agit
désormais de mettre au point "de petits équipements, de
technologies intermédiaires entre l'outil ancestral et le produit de la
technologie du monde industriel" (Bizec 1981 : 143). Il ne fallait plus
transférer de technologies sophistiquées mais "des technologies
se situant entre les technologies de pointe et les technologies
archaïques, relevant à la limite de l'artisanat" (Brochet, 1981 :
46). Ici, les technologies alternatives seraient les mêmes que les
technologies intermédiaires.
En conclusion, on se demande quel est l'intérêt
de tous ces termes. S'il y a un intérêt particulier pour les
protagonistes des technologies qui sont un monde professionnel
d'ingénieurs cherchant à écouler leurs produits sur les
marchés des pays en voie de développement, celui des ces pays en
développement reste secondaire. Car la démarche d'innovation part
du « Centre » vers la périphérie.
Odéyé-Finzi (1996) n'aurait-elle pas raison d'intituler un de ses
ouvrages Des machines pour les autres ? Toutes ces technologies
restent liées au véritable problème que connaissent les
pays du Sud : celui du développement.
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