Le contrôle de la régularité des élections législatives au Cameroun( Télécharger le fichier original )par Diane MANDENG Université de Douala Cameroun - Diplôme d'études approfondies en droit public interne 2005 |
CONCLUSION GÉNÉRALE
Au regard du contrôle de la régularité des élections législatives tel que consacré par le droit électoral camerounais, il importe de reconnaître au législateur les efforts fournis dans le sens de garantir les droits des citoyens et L'exercice par ces derniers de ces droits. Les élections ont pour but de permettre aux individus de participer à l'exercice du pouvoir par le choix judicieux et libre des personnes qui les représenteront. Par ailleurs, comme l'écrit Georges BURDEAU, "l'homme n'est libre que dans un État libre. C'est donc de l'aménagement des institutions politiques que procède directement la liberté." 94(*) Ainsi, les citoyens ne pourront jouir pleinement de leurs droits que dans un cadre institutionnel rigoureusement organisé. L'étude de ce thème nous a permis de faire le constat selon lequel le dispositif normatif relatif au contrôle de la régularité des élections législatives au Cameroun présente des omissions assez importantes dont certaines, ayant un caractère particulier, entraînent des répercussions sur l'ensemble du processus électoral et le rendent ainsi inorganisé et défectueux. Les imperfections constatées dans cette étude proviennent de la relativité de l'effectivité du contrôle. Celle-ci est marquée par une constante emprise politique sur le juridique, traduction d'une résistance des réflexes du monolithisme à l'ère du pluralisme et de la démocratie tous azimuts. Mais encore, la réduction des compétences du juge électoral en matière de contrôle des préliminaires à ses moindres proportions dans le contrôle des préliminaires ne peut qu'être préjudiciable à la régularité des élections. Quant à l'attribution exclusive de l'essentiel du contrôle des opérations post-électorales au juge de la Cour suprême, elle contribue à influencer la crédibilité des résultats. En effet leur indépendance a toujours été sujette à caution, du fait de la nomination discrétionnaire de ses membres et de la difficulté de ces derniers à faire preuve d'une "ingratitude" à l'égard de l'autorité de nomination. Aussi l'espoir est grand quant à son remplacement par le juge constitutionnel dont le statut lui garantit une indépendance certaine dans l'exercice de ses fonctions. D'un autre côté, on espère que le juge constitutionnel reviendra aussi sur la division critiquable du contentieux électoral posé par le juge administratif dans son rôle de juge des élections. Cette division contribue pour une part importante à dénaturer les résultats du scrutin, puisque consacrant un contentieux préélectoral dont il se refuse de connaître, alors même que cette phase est capitale dans le processus électoral. Une telle organisation du contrôle n'est certainement pas de nature à garantir l'expression libre et sincère de la volonté du corps électoral. Cela se justifie par les multiples recours portant sur la contestation des résultats du scrutin, et les demandes d'annulation des élections, laissant ainsi le corps électoral dans le doute, insatisfait par la justice électorale et s'interrogeant sur la valeur de l'expression de sa volonté face aux résultats dénaturés issus du scrutin. D'ailleurs s'installe progressivement une culture de l'abstention, un désintérêt des affaires de l'État. Par conséquent, la légitimité des élus ne peut qu'apparaître frileuse. Comment en effet ne pas s'inquiéter de l'avenir même de l'État, quand les programmes politiques se réduisent généralement à des boeufs, des sacs de riz etc. Le vote n'est plus alors ce choix rationnel d'un idéal de société porté par un candidat ou un parti politique, mais l'expression d'un acte de reconnaissance face à un "traitement spécial" reçu. En cette période de multipartisme retrouvé, il faudrait, pour mieux garantir l'expression libre, sincère et authentique de la volonté des citoyens, restaurer le peuple dans ses prérogatives de Souverain. Il faudrait de ce fait mettre sur pied des mécanismes de contrôle plus rigoureux et crédibles, capables d'annihiler toute forme de fraude, de manoeuvre ou de trucage qui puisse créer des situations de suspicion permanente et saper ainsi le fondement de la démocratie définie par FATOUMATA SIRE DIAKITE comme "une méthode par laquelle tout citoyen est conscient de sa participation active à l'administration et à la gestion de la chose publique. Elle est aussi un procédé par lequel le citoyen est fier de participer au gouvernement de sa cité dans la transparence par un choix judicieux de ses représentants." 95(*) Mais il faut que le citoyen ait la profonde conviction que sa "voix compte". Ceci n'étant possible que si les principes directeurs de la démocratie sont respectés par ceux qui ont la charge de conduire le processus électoral. Cependant, il faut noter que la démocratie n'est pas une "baguette magique" qui viendra changer complètement une société. Bien au contraire, elle et la manière dont elle fonctionne sont le reflet des conditions existantes préalablement dans la société, notamment l'éducation civique de la population, sa foi en l'administration et son aptitude à saisir le bien-fondé de la campagne électorale. La prise en compte de ce qui précède permettra l'émergence d'une authentique culture démocratique chez les citoyens, et partant un véritable contrôle de la régularité des élections exempt de tout parti pris ou de toute implication partisane. Afin de ramener la confiance dans les esprits des citoyens et rendre plus crédible le contrôle de la régularité des élections législatives au Cameroun, le législateur doit revoir la loi électorale et combler les lacunes qui la handicapent, en la rendant plus précise. En plus, il devrait réglementer de façon précise l'observation ou plutôt le contrôle de la régularité des élections par la communauté internationale, car elle aide à garantir et à générer la confiance du peuple aux élus issus du scrutin et la reconnaissance par la communauté internationale des résultats électoraux. Cette observation internationale a également pour rôle de vérifier la légalité de l'ensemble des opérations électorales et contribue à la tenue des élections transparentes et fiables qui soient conformes à l'État de droit et à la démocratie. L'encadrement matériel de la communauté Internationale n'est pas exclu, au vu de tout le chantier électoral que le Cameroun à parfaire. .96(*) Mais cette observation étant facultative, il revient en définitive aux différents acteurs du processus électoral, les partis politiques en tête, de s'impliquer réellement dans les différentes phases. Afin que tout dépende uniquement de l'électeur. * 94 BURDEAU(G.), Manuel de Droit Public, les Libertés Publiques, les Droits sociaux, Paris : LGDJ, 1948, p 11 et S. * 95 SIRE DIAKITE (F.), "La participation responsable des partis politiques à la gestion de nos États". In Francophonie et Démocratie. Op. cit., P. 798 * 96 Il s'agit essentiellement de l'aide apportée par la communauté internationale au Cameroun, lors des élections présidentielles du 11 octobre 2004 à travers le don par certains pays des urnes transparentes pour promouvoir plus de crédibilité et donner plus de légitimité au scrutin par la lutte contre les bourrages des urnes. |
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