La liquidation des sociétés d'assurance( Télécharger le fichier original )par Dali TANKOANO Université Gaston Berger de Saint Louis du Sénégal - Maà®trise droit de l'entreprise 2011 |
1 - La constitution des créanciers en une masse102(*)Lorsque la procédure de liquidation est ouverte, les créanciers sont regroupés de manière collective dans un groupement, appelée masse, représenté par le syndic103(*). La constitution des créanciers en une masse permet de faciliter l'apurement du passif, car elle rassemble l'ensemble des créanciers qui sont concernés par la répartition du produit de la réalisation des actifs de la société débitrice. En effet, la masse des créanciers ainsi constituée est un groupement doté d'une personnalité morale104(*). On lui reconnaît un patrimoine distinct de celui du débiteur et lorsqu'elle exerce une action en justice, les sommes obtenues sont compris dans ce patrimoine105(*). Elle bénéficie de plusieurs prérogatives, notamment d'une hypothèque légale106(*). Par ailleurs, la masse est constituée par tous les créanciers dont le droit est né avant le jugement d'ouverture de la liquidation107(*). La date de naissance de la créance108(*) permet d'opérer une classification entre les différents créanciers. Ainsi, nous pouvons relever que les créances nées avant le jugement d'ouverture sont considérées comme des créances dans la masse alors que les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture sont des créances de la masse qui bénéficient d'un traitement privilégié (par exemple priorité de paiement par rapport aux autres). Le législateur français a préféré par contre procéder à la suppression de la masse des créanciers109(*) à travers la loi du 25 janvier 1985. Ainsi, à la place de la masse des créanciers dotée d'une personnalité morale, il est institué un mécanisme de représentation judiciaire des créanciers110(*). Enfin, pour être effectivement admis dans la masse, les différents créanciers ont l'obligation de déclarer leurs créances au syndic111(*). Et c'est seulement après leur vérification que ces créances pourront être admises. La constitution des créanciers en une masse traduit le souci de vouloir soumettre les créanciers du débiteur défaillant à une discipline collective. Cette soumission à une discipline collective impliquera donc certains effets suspensifs à leur égard. 2 - Les effets suspensifs à l'égard des créanciersToujours dans le souci de soumettre les créanciers à une discipline collective, le jugement d'ouverture de la liquidation va emporter la suspension de l'exercice de certains de leurs droits. En effet, la liquidation suspend l'exercice du droit de poursuite individuelle des créanciers et arrête également le cours des intérêts à l'égard de la masse. En premier lieu, le jugement d'ouverture interrompt les poursuites des créanciers contre le débiteur tendant à faire reconnaître leurs droits112(*). Cette règle vise plus précisément l'exercice des actions en paiement113(*) de même que les voies d'exécution sur le patrimoine du débiteur. Ce qui veut dire qu'aucune initiative individuelle ne peut être intentée contre le débiteur et cela pendant toute la durée de la procédure de liquidation. Toutefois cette règle connaît quelques dérogations, notamment en ce qui concerne les actions en nullité114(*) ou en résolution de même que les actions visant la simple reconnaissance de droits ou la fixation du montant des créances115(*). De plus, tous les créanciers de la société d'assurance en faillite sont concernés par cette règle de suspension des poursuites, qu'ils soient chirographaires ou munis de sûretés. En second lieu, l'autre effet suspensif réside dans l'arrêt du cours des intérêts à l'égard de la masse. En effet, à partir du jugement d'ouverture les dettes de tous les créanciers ne produisent plus d'intérêts. Le fondement de cette règle est clairement démontré par le Professeur SAWADOGO. Ainsi il considère que « l'un des fondements de cette règle est purement logique : il ne convient pas de réclamer les intérêts là où le remboursement du principal est incertain116(*) ». La suspension du cours des intérêts peut se justifier par deux éléments. Il s'agit d'abord de garantir l'égalité entre les créanciers et ensuite de faciliter l'apurement du passif. En définitive, comme nous avons eu à le démontrer, les effets suspensifs de l'ouverture de la liquidation à l'égard des créanciers ont pour objectif d'assurer une organisation collective de la procédure. Les créanciers sont donc regroupés en une masse et soumis à une discipline collective afin que le paiement s'effectue dans les meilleures conditions possibles. * 102 Selon le Professeur Filiga Michel SAWADOGO, « le terme de masse évoque un groupement qui ne rentre pas dans les catégories connues et qui se singularise par son caractère obligatoire, comme la collectivité des obligataires, par exemple. ». Cf. Droit des entreprises en difficulté, op.cit, p 38. * 103 Art. 72 AUPC. * 104 La personnalité morale a été affirmée par la jurisprudence dès 1956 : Cass. com. 17 janvier 1956, Dalloz 1956, 265, note Houin. * 105 PETEL (Philippe), PROCEDURES COLLECTIVES, Paris, Dalloz, 3e éd., 2001,225 p. * 106 V. art 74 AUPC. * 107 Art.72 al. 2. * 108 Des difficultés existent quant à la détermination de la date de naissance des créances. V. à ce propos HOUIN SAINT-ALARY (Corinne), La date de naissance des créances en droit des procédures collectives, in Petites affiches, 9 nov.2004,n°224, p.11 ; Baron, La date de naissance des créances contractuelles à l'épreuve du droit des procédures collectives, in RTD com. 2001. * 109 Concernant la suppression de la masse des créanciers en France, cf. Le CORRE (Pierre-Michel), Pratique des procédures collectives, Paris, Dalloz, 2001, 950 p. * 110 Droit commercial. Entreprises en difficulté, op.cit., p 244 et s. * 111 Art 78 et s. AUPC. * 112 Art 75 AUPC. * 113 V. TGI Bobo Dioulasso, ordonnance de référé n°68 du 6 juin 2003, clinique centrale du Honet c/BICIA-B. Dans cette jurisprudence, le juge considère que l'exécution forcée d'une ordonnance d'injonction de payer est une action soumise à la règle de la suspension des poursuites individuelles, prévue à l'art. 75 AUPC, à compter du jugement d'ouverture. V. aussi Dakar arrêt n°153 du 9 septembre 2001, Sogeres c/ société Senal. * 114 Par exemple la suspension ne s'applique pas aux actions en nullité du contrat : CA Dijon, 25 nov. 1995, Bull. inf. C. cass. 1995, n°841. * 115 Art. 75 al 4 AUPC. * 116 Droit des Entreprises en difficulté, op. cit., p 39. |
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