La liquidation des sociétés d'assurance( Télécharger le fichier original )par Dali TANKOANO Université Gaston Berger de Saint Louis du Sénégal - Maà®trise droit de l'entreprise 2011 |
1 - La dissolution de la sociétéLa mise en liquidation traduit l'échec de la société d'assurance justifiant ainsi qu'il soit mit un terme à son existence. La dissolution d'une société commerciale est l'acte juridique qui constate ou prononce la fin de cette structure et qui ordonne la liquidation de son patrimoine. En effet, la procédure collective de liquidation entraîne de plein droit la dissolution de la société85(*). La dissolution des sociétés d'assurance suppose néanmoins l'accomplissement d'une formalité particulière, il s'agit du retrait de l'agrément qui permettait à l'entreprise de pouvoir exercer ses activités86(*). Ainsi, le retrait total de l'agrément d'une entreprise d'assurance ne peut être décidé que par la CRCA. Et cette décision devient exécutoire dès sa notification aux entreprises concernées et au ministre compétent de l'Etat membre concerné. Mais, la notification du retrait d'agrément « n'intervient qu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la communication de la décision au ministre en charge du secteur des assurances87(*) ». La décision prononçant le retrait d'agrément va emporter de plein droit la dissolution de l'entreprise à partir de sa publication au journal officiel88(*). Dès lors, à l'ouverture de la procédure de liquidation des biens, l'agrément de la société sera retiré89(*) et elle sera dissoute. Par ailleurs, les sociétés d'assurance étant le plus souvent constituées sous forme de société anonyme (et parfois sous forme de société mutuelle), il va de soit qu'elles seront soumises au régime juridique de la dissolution des sociétés commerciales prévues par l'AUSCGIE. De ce fait, la personnalité morale de la société va subsister pour les besoins de sa liquidation comme le prévoit le droit des sociétés. En définitive, la liquidation de l'entreprise d'assurance a pour effet de mettre fin à l'existence de la société, et donc à l'extinction de la personne morale. Néanmoins, la liquidation a aussi pour effet le dessaisissement du débiteur de l'administration de ses biens. 2 - Le dessaisissement du débiteurLe dessaisissement constitue l'effet décisif de la liquidation sur le débiteur. Le jugement qui déclare la liquidation des biens entraîne de plein droit le dessaisissent du débiteur90(*). En effet, il s'agit de « la réduction des pouvoirs du débiteur résultant de l'effet de saisie collective des droits patrimoniaux du débiteur par la procédure, laquelle désigne chacun des créanciers antérieurs, ainsi que le représentant de leur intérêt collectif, le liquidateur91(*) ».Le dessaisissement commence à partir du jour du jugement d'ouverture92(*) jusqu'à la clôture de la procédure de liquidation. Le débiteur est représenté par le syndic durant toute cette période. De façon générale, le débiteur n'est plus en mesure d'accomplir des actes d'administration et de disposition sur les biens de son patrimoine. Le dessaisissement a ainsi une portée générale car visant tous les biens composant le patrimoine du débiteur, aussi bien ceux qui figurent dans son patrimoine que ceux qu'il est susceptible d'acquérir dans le futur. En ce sens, la doctrine estime aussi qu'il n'y a pas lieu d'opérer une distinction entre les biens liés à l'activité professionnelle et les biens personnels93(*). Les actes juridiques de même que les actions en justice concernant le patrimoine du débiteur, n'échappent pas au dessaisissement. Toutefois en dépit de sa généralité, nous pouvons tout de même constater que le dessaisissement connaît certaines limites ou exceptions. En effet, il peut d'abord arriver que certains biens soient considérés comme insaisissables en vertu de la loi94(*). Par exemple, la jurisprudence a ainsi considéré que faisaient partie de ces biens insaisissables et échappant au dessaisissement, les indemnités et créances à caractère alimentaire95(*). Ensuite, les actes conservatoires sont également soustraits au dessaisissement96(*). Par ailleurs, s'il arrive que le débiteur accomplisse seul des actes en violation du dessaisissement, ces actes seront frappés d'inopposabilité97(*) et le débiteur peut être puni des peines de la banqueroute98(*). Selon le Professeur Filiga Michel SAWADOGO, « l'inopposabilité se dit d'un acte juridique dont la validité en tant que telle n'est pas contestée mais dont les tiers peuvent écarter les effets99(*) ». Les inopposabilités100(*) touchent particulièrement les actes préjudiciables aux créanciers du débiteur. En outre, selon le Professeur Amadou Tidiane Ndiaye l'inopposabilité est en réalité une sanction qui « a pour objet d'empêcher la distraction du patrimoine du débiteur de certains biens désormais affectés à l'apurement du passif. Il s'agit de préserver le gage des créanciers sur le patrimoine du débiteur101(*)». Nous pouvons donc comprendre que les inopposabilités visent à conserver le patrimoine du débiteur pour garantir les intérêts des créanciers. Après avoir analysé les effets de la liquidation à l'égard du débiteur, nous allons maintenant tenter d'étudier les effets produits à l'encontre des créanciers. B. Les effets à l'égard des créanciersA l'encontre des créanciers la liquidation a d'abord pour effet leur regroupement en une masse (1), et ensuite elle produit des effets suspensifs (2) à leur égard, notamment l'arrêt des poursuites individuelles. * 85 Art. 53 al 1er : « La décision qui prononce la liquidation des biens d'une personne morale emporte, de plein droit, dissolution de celle-ci ». * 86 Une entreprise d'assurance ne peut débuter son activité d'assureur sans avoir obtenu un agrément sauf s'il s'agit d'opérations d'acceptation en réassurance. Concernant les modalités relatives aux agréments des sociétés d'assurance, cf. Titre II ·Régime administratif·- Chapitre 1er ·Les agréments·, du code CIMA. * 87 Art. 17 Traité CIMA * 88 CIMA-Droit des assurances, op. cit. p 75. * 89 Art. 13 de la directive 2001/17/CE du parlement européen et du conseil du 19 mars 2001 concernant l'assainissement et la liquidation des entreprises d'assurance : « Lorsque l'ouverture d'une procédure de liquidation est décidée à l'encontre d'une entreprise d'assurance, l'agrément lui est retiré,...» * 90 V. art 53 AUPC * 91 LE CORRE (Pierre-Michel) - LE CORRE-BROLY (Emmanuelle), Droit du commerce et des affaires - Droit des entreprises en difficulté, Paris, Dalloz, 2e éd., 2006, 545 p. * 92 Le dessaisissement du débiteur commence à la 1ère heure du jour de l'ouverture de la procédure collective : Com. 10 avril 1957, G.P.1957.II.64 - RTDCom, 1957.II.724, n°20, obs. HOUIN. * 93 Ibidem, 254. * 94 V.par exemple art.381 Code de procédure civile. * 95 Cass. Com., 5 février 2002, D.2002, AJ, 887. * 96 V. art. 52 al.2 AUPC. * 97 V. CA de Dakar n°342 du 20 juillet 2000, confirmant le jugement commercial n°1076 du 9 mai 1995 du tribunal hors classe de Dakar. Dans cette affaire, le tribunal avait déclaré inopposable à la masse des créanciers un acte de cession de 135 parts sociales d'une société immobilière appartenant à Edouard Garascio en faveur de Assane Fall le 24 novembre et le 1er décembre 1988 ; alors qu'il se trouvait que le cédant était dessaisi de l'administration de ses biens du fait que sa mise en liquidation des biens remontait à la date du 7 mars 1988. De même v. Com. 2 juin 2004, pourvoi n° 03-10741. * 98 V. articles 226 et s. AUPC. * 99 Droit des Entreprises en difficulté, op. cit. p 33. * 100 Pour une étude approfondie sur les inopposabilités cf. NDIAYE (A. T.), Les inopposabilités dans les procédures collectives d'apurement du passif en droit OHADA, Thèse Université Cheikh Anta Diop de Dakar, 2004. * 101 Ibidem, p.382. |
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