4. DÉCISIONS DES
PRODUCTEURS DANS CHACUNE DES APPROCHES D'ACCOMPAGNEMENT
Dans ce chapitre, nous montrons la place et le rôle du
producteur afin de savoir si celui-ci est au centre des décisions dans
son exploitation ou non dans l'une ou l'autre des deux approches. Le fil
conducteur de ce chapitre sera donc les différentes activités
menées par les producteurs dans leurs exploitations. Cela va du choix
des activités à mener jusqu'à la commercialisation. Il
s'agira alors de voir depuis la formulation des objectifs, le choix des
activités, leur mise en exécution, le suivi, la récolte,
le stockage et la commercialisation l'implication des conseillers dans les
décisions prises et les causes de ces décisions.
Dans le souci d'éviter la confusion entre les
appellations des conseillers, nous appelons conseiller le conseiller CEF et
encadreur le conseiller en production végétale (CPV) dans le
système T&V. Nous utilisons ainsi les appellations des producteurs
afin de les différencier car comme nous le rappelle NOUATIN (2003),
le terme encadrement qui signifie action d'entourer et d'orner d'un cadre
limite, permet de se rendre compte de la compréhension que les acteurs
ont de la fonction de vulgarisation. De même, Selon TOSSOU (1996, 33
cité par NOUATIN 2003), « les agents de base qui
étaient connus sous l'appellation d'encadreurs ou de chef centre avec
les sociétés d'intervention sont devenus Agents de Vulgarisation
Agricole (AVA) avec la création des CARDER. Par la suite avec le Projet
de Restructuration des Services Agricoles (PRSA) au Bénin, on utilise
actuellement l'appellation d'Agent Polyvalent de Vulgarisation
(APV) ». Mais avec la nouvelle réforme
opérée en mai 2004 par Décret n°2004-301 transformant
les CARDER en Centres Régionaux pour la Promotion Agricole (CeRPA) avec
pour niveau opérationnel, les Centres Communaux de Promotion Agricole
(CeCPA), les APV sont devenus des conseillers avec des nouvelles feuilles de
route. Toujours est-il que les changements officiels de terminologie n'ont pas
cours au niveau des agriculteurs, pour qui, les agents de vulgarisation au
service de l'Etat sont toujours des encadreurs. J'en veux pour preuve
l'inexistence d'un mot dans les langues locales désignant le terme
encadreur et le fait que tous les producteurs enquêtés l'appellent
ainsi. De même les producteurs en CEF aussi appellent les CPV
« encadreurs » mais ils appellent tous le conseiller CEF
« conseiller ».
4.1. Formulation des
objectifs
Pour tous les producteurs enquêtés, c'est
l'activité agricole qui doit permettre de satisfaire la couverture des
besoins alimentaires et monétaires. Les objectifs qu'ils se fixent
sont la réfection ou la construction de leur habitat, l'achat
d'une charrue ou d'une bête, couvrir les frais des
cérémonies (mariage, baptême, etc.), l'acquisition d'un
moyen de déplacement (moto, vélo, etc.). Le tableau n°4
montre le pourcentage de producteurs ayant évoqué chacun des
objectifs énumérés.
Tableau n°4 : Pourcentage de
producteurs suivant chaque objectif.
objectifs
|
Réfection ou construction d'habitat
|
Achat d'une charrue ou d'une bête
|
Acquisition d'une moto ou d'un vélo
|
Cérémonies
|
Sécurité alimentaire
|
Producteurs CEF
|
44
|
80
|
24
|
50
|
90
|
Producteurs T&V
|
85,7
|
35,7
|
71,4
|
60
|
10
|
Source Enquête Kandi 2008.
La formulation des objectifs est faite différemment
selon qu'on soit producteur en CEF ou en T&V. Pour les producteurs en
T&V, la formulation d'objectifs pour la plupart d'entre eux n'est pas utile
en raison de l'incertitude qu'il y a quant à la production agricole. On
entend souvent « ce n'est que lorsque j'aurai
récolté ou que j'aurai vendu mes produits que je verrai ce que je
ferai de l'argent ; pour le moment, il y a d'autres problèmes
à résoudre ». Avec beaucoup plus d'insistance, on
finit par dégager les objectifs et la formulation de ceux-ci.
Malheureusement aucun des producteurs en T&V ne consulte l'encadreur pour
formuler ses objectifs d'autant plus qu'ils improvisent. Néanmoins la
tendance générale est la satisfaction des besoins relatifs
à leur habitat 85,7% ou à celui de leurs enfants, vient en
deuxième position l'acquisition d'une moto 71,4% ou la
réalisation d'une cérémonie 60% puis enfin l'achat d'un
équipement agricole ou d'une paire de bêtes 35%. L'objectif
d'assurer la sécurité alimentaire du ménage est rarement
exposé 10% ; ceci parce que les paysans disent que s'ils cultivent
c'est avant tout pour nourrir leurs familles et bien qu'ils disent qu'ils sont
pour la plupart en rupture d'aliments, tous les ans, ils ne le classent pas
parmi les objectifs prioritaires. On note alors dans ce groupe, des
difficultés d'établir des prévisions et par
conséquent la non formulation d'objectifs clairs concernant leur avenir
et celui de leur exploitation. Bien évidemment comme facteur important
dans la difficulté de la formulation des objectifs entre en ligne de
compte l'incertitude quant à la consommation situation
imposée par la précarité reposant sur une
solidarité mutuelle.
En ce qui concerne les producteurs en CEF, la formulation des
objectifs est le point de départ et la base de toutes les
activités de l'exploitation. Ils sont pour la plupart du temps
clairement énoncés dans leur plan de campagne et
présentés au conseiller. Pour ce qui est de la méthode
choisie par cette catégorie de producteur, l'un des premiers objectifs
cités est d'assurer la sécurité alimentaire de la famille
(90%). Cela passe d'abord par l'identification des besoins alimentaires qui est
faite grâce à l'analyse des cahiers de stock des années
précédentes. Nous reviendrons plus en détail sur cet
outil. Le second objectif le plus fréquemment présenté est
l'achat d'un équipement agricole (80%), soit une nouvelle charrue, soit
une nouvelle paire de boeufs. Viennent en dernière position
l'organisation d'un mariage (50%), la réfection de son habitat (44%) et
l'achat d'une moto (24%).
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