Contribution à l'étude des origines de la poésie mallarméenne( Télécharger le fichier original )par Mohamed Dr Sellam Université de Bordeaux - Doctorat 1981 |
VUn pauvre professeur itinéraire.A Paris,la ville de ses rêves et de ses passions intellectuelles,Mallarmé mène une vie paisible,jalonnée de temps à autre par une évasion dans le monde des bibliothèques et des librairies4(*).. Il est assoiffé de lecture,de savoir et de tout ce qui se produit dans le domaine de l'esprit..On eût dit qu'il se préparait pour de bon à cette carrière de poéte,brève certes,mais triomphale et éternelle à jamais ; ; Mais son amour pour la lecture ne lui dicte jamais l'idée de former des projets pour l'avenir ou même de concevoir une autre vie que celle d'un pauvre professeur d'anglais qui vit avec le peu qu'il reçoit5(*) avec sobriété et patience.. A Paris,en ce Paris de 1873,deux ans s'étaient déjà écoulés depuis la chute du Second Empire,Mallarmé de par le type de sa profession,continue à être l'objet de mutations d'un établissement scolaire à un autre ,comme s'il eût été réellement condamné à ce perpétuel déplacement ou si quelqu'un dans les services ministériels,se complaisait à le faire mouvoir sans répit... Ainsi,après le lycée Condorcet,oû il séjourna pendant plus de six ans,toujours en lutte avec les problèmes d'une population scolaire imbécile et indolente,passa au fameux lycée Janson de Sailly pour être muté vers l'année 1892,au collège Rollin,dernière et ultime phase de ces longues et agaçantes mutations.. Mais,bien qu'il ne dispose que d'un très peu de temps,absorbé qu 'il était par des préoccupations infinies,il en profite parfois pour se plonger dans quelques méditations poétiques,comme fruit de ses absorbantes lectures...Menant ainsi une vie presque terne,entre le lycée et ses livres,Mallarmé,en homme mûr qu'il était devenu,se sentait pris de dégoût et aspirait à sortir de cette monotonie effrayante.. Un jour,occupé à dépister les méandres érotiques de cette oeuvre géniale « les fleurs du mal »assis dans sa petite chambre,il se rappelait avec tristesse,ce jour oû,étant alors à Avignon,il avait appris par une lettre d'un de ses amis,la mort de poéte et écrivain infatigable Théophile Gautier..Il se rappelait alors ce jour mélancolique oû il croyait avoir perdu un être cher,dont il commençait à apprécier le génie et la vigueur de l'expression,sans parler de sa hardiesse à vouloir sortir des sentiers battus et concevoir une autre forme de poésie plus originale et qui répondît à l'évolution du temps.. Il pensait alors à ce jour fatidique et se sentait boulerversé d'émotion et de deuil.. Il croyait pouvoir tenter l'impossible et être en mesure ,à force de reflexion et de travail,d'être du moins l'émule de ce célèbre poéte,..Et soudain il éprouvait un vertige intense,mêlé à une vague de pensées incohérentes et dont il ne parvenait pas à percer l'origine,tellement elles étaient abstruses et profondément voilées par des nuages compactes et impénètrables... Théophile Gautier,le vétéran,le génial pionnier de la langue française,Th.Gautier,pour lui,est un surhomme inimitable..Car tout penseur doué de talents surnaturels est un être qui reste en dehors de l'orbite de l'humanité et n'en fera aucunement partie...Pour Mallarmé donc,Th.Gautier,créateur de `l'art pour l'art » et styliste divin,ne saurait être une créature ordinaire,née pour mourir et être ensevelie dans les oubliettes du temps,Th.est un être divin et immortel,il survivra à tous les vicissitudes et à tous les temps..Il est immortel autant que l'éternité même.. ! Alors l'immortalité serait-elle un piége pour Mallarmé,Le désir d'être immortel comme Th.Gautier ne s'est-il pas emparé de lui ?Lui faudrait-il dès lors se mettre à l'oeuvre et montrer à ses contemporains que lui aussi,la nature l'avait effectivement nanti des facultés aussi éminentes ,aussi sublimes que celles de n'importe quel autre poéte dont les recueils de vers faisaient alors des tapages universels mais éphemères ,pour sombrer ensuite dans le fond de l'oubli. ? Ecrire,il est vrai,est une tâche pleine d'embûches et pour Mallarmé,cela suppose en effet des risques graves et des déappointements cruels...Il est profondément conscient de cet état de choses et entre rester amateur en poésie ou se faire publier,à ses risques et périls,Mallarmé,d'ordinaire d'esprit aventureux et bien qu'il ait été farouchement attaché à ses propres principes,n'en balança pas et avec courage et détermination,s'engagea dans le monde des lettres,avec l'espoir bien sûr de pouvoir exprimer publiquement ses idées et de suivre de près les traces de celui qu'il avait pris pour modèle dans ses premières mais modestes productions6(*)./.. * 4 -Il y faisait de nombreuses promenades mémorables en compagnie de son ami Emmanuel des Essarts et parfois même avec Théodore de Banville. * 5-Son salaire annuel en tant que professeur s'élève approximativement à la somme de mille francs.
* 6 -Mallarmé avait écrit,alors qu'il était encore potache,au lycée de Sens(aujourd'hui lycée Stéphane -Mallarmé: «la coupe d'or », « l'ange gardien »,<Dieu bon écoutez-moii. » Ses essais s'étaient poursuivis inlassablement jusqu'à 1858. |
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