Contribution à l'étude des origines de la poésie mallarméenne( Télécharger le fichier original )par Mohamed Dr Sellam Université de Bordeaux - Doctorat 1981 |
IVLa poésie obscure de Mallarmé;L'Ecole Parnassienne qui a coïncidé étrangement avec l'avènement de l'Ecole réaliste,suivie plus tard par l'Ecole naturaliste qui enterra pour ainsi dire le réalisme en tant que doctrine littéraire,avait trouvé sa véritable source dans les principes de la philosophie kantienne,mais que,tant par la souplesse de ses régles que l'étendue de la vision qu'elle se faisait du monde,l'école parnassienne a suscité pour de bon un engouement irrésistible parmi les romanciers du temps,qui ne ne se sont pas empêchés d'inclure dans la composition de leurs romans tout un tas d'idées et de concepts très proches de ceux du Parnasse..L'impersonnalité stricte dans le style et la structure rigide et massive de la forme,étaient devenus dès lors les crédos irrécusables de ces romanciers et à leur tête G.Flaubert,qui,doué d'un génie incontestable dans l'architecture du tissu des événements romanesques qu'il bâtissait systématiquent au moyen de matériaux syntaxiques solides,s'est appliqué ingénieusement à l'exploitation et au développement des régles parnassiennes dans le roman contemporain.. Mais si la poésie parnassienne avait manifestement et vigoureusement influé sur le roman-tant sur le roman réaliste que sur le roman naturaliste,il n'en fut pas de même pour le symbolisme,lequel,par sa nature et son caractère,n'eut pas d'heureuses repercussions sur le roman.. Il serait cependant nécessaire de signaler que le symbolisme,né seulement pour être appliqué à la poésie,qui se prête aisément à la présentation d'une image brève mais profondément suggestive,à travers laquelle la virtuosité intellectuelle et imaginaire du poéte s'affirme hautement,ne saurait être justement appliqué au roman,dont les composantes et les lois diffèrent largement de la poésie..Cela nous conduit à déduire que l'usage des signes brefs au point de vue sens,ou symboles,requiert avant tout une compétence et une habileté à toute épreuve.. C'est pourquoi l'on se rend compte que,la performance géniale soit d'un Mallarmé soit d'un Rimbaud,ne saurait être l'apanage de tous les écrivains ou poétes contemporains..Surtout la structure mallarméenne dans la structure d'un poéme,oû il échafaude tout un système d'idées,jetées habilement çà et là,intentionnellement et même avec parti pris,que le lecteur est invité à enchaîner pour pouvoir reconstruire la cohérence sémantique du poéme..Or cette stratégie audacieuse n'était nullement à la portée d'aucun des poétes contemporains,exception faite pour Rimbaud,qui,en dépit de son jeune âge,a su maitriser génialement les mécanismes secrets de la poésie symboliste.. Cette obscurité délibérée,alors née à la suite d'une révolte contre les banalités et les mesquineries poétiques du temps, ne manqua pas néanmoins de trouver son chemin dans le monde intellectuel ; ; Mallarmé n'est pas un auteur indéchiffrable,c'est un auteur qui,contrairement à la plupart de ses contemporains qui s'attachaient bassement au trivial,au banal et au facile,s'astreignait forcément à surmonter et à soumettre sous sa volonté les régles et les pratiques abruptes et épineuses..H.de Regnier37(*) qui croyait suivre le même chemin que celui de Mallarmé,mais qui effrayé justement par le style énigmatique de l'auteur de « Un coup de dé n'abolira jamais le hasard » s'écarta de lui et prit un virage plus conforme à la tradition classique ,ne manqua pas toutefois de déceler et de mettre en relief les spécificités de la poésie mallarméenne : »Certes, affirma-t-il dans un de ses articles sur le symbolisme,Stéphane Mallarmé est un auteur obscur.Il le serait par la nature même de son génie qui est tout de transposition,et de symboles,s'il ne l'était pas par le style hautement rationnel qu'il s'est créé en dehors et au-dessus de l'usage ambiant.L'entente avec lui est longue,difficile et délicate ;Il y a dans un vers de Mallarmé tous les éléments nécessaires à sa clarté ;seulement ils s'y trouvent épars,situés au lieu exact de leur utlité pour l 'élégance graphique de la phrase.Il faut apprendre Mallarmé aux dépens de certaines habitudes dont il exige qu'on se départisse envers lui ...Tout être a sa mimique individuelle comme tout esprit ses gestes alphabétiques dont il faut savoir la convention.Tout livre contient une langue à épeler.Qu 'on lise Racine ou Shakespeare il en est ainsi...Il n'est rien d'iilisible à qui veut lire. » Ainsi cette assertion suffit à nous faire croire que Mallarmé,très conscient d'ailleurs de l'âpreté de son écriture,voulait justement faire participer activement le lecteur au processus de découverte. D'autre part,en s'adonnant consciemment à cette pratique ambiguë et complexe,Mallarmé a amplement rénové la matière poétique,..Etre obscur et ne pas être compris,pour lui,est une nécessité,un honneur que nul ne lui contesterait..Car toute création,quelle qu'elle soit,doit être entachée d'incompréhension et de mystère,sinon elle perd fondamentalement le privilège d'être une création..la banalité n'est pas découverte ou création.. Le sens trop précis rature Ta vague littérature. . Pour lui encore,pour que la chose créée soit durable et éternelle,il faut qu'elle soit enveloppée d'une ombre opaque et impénètrable et il appartiendrait à celui qui voulait découvrir ce mystère,de s'ingénier pour faire dissiper cette ombre,tâche qui n'est pas d'ailleurs du tout aisée. « Les Parnassiens,déclara Mallarmé à J.Huret,prennent la chose entièrement et la montrent..nommer un objet,c'est supprimer les trois quarts de la jouissance du poéme, qui est faite du bonheur de deviner peu à peu..le suggérer voilà le rêve.C'est le parfait usage de ce mystère qui constitue le symbole.. »* 37 -H;de Regnier,avec A.Samain,contrairement à leur classification conventionnelle,ne me paraiisent pas d'obédience symboliste.Leur poésie se caractérise plutôt par une renaissance du classicisme. |
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