Contribution à l'étude des origines de la poésie mallarméenne( Télécharger le fichier original )par Mohamed Dr Sellam Université de Bordeaux - Doctorat 1981 |
IIMallarmé,créateur d'une nouvelle poésiePlus qu'une innovation,issue d'une révolte intellectuelle tenace,le symbolisme fut une vraie création,une manifestation originale,dans le domaine de la réforme poétique..Autant que dans le roman,qui s'affranchissait peu à peu du réalisme raffiné et élégant,pour tomber encore sous le coup d'une nouvelle révolution oû le « Naturalisme » est érigé au rang d'une théorie idéaliste et pragmatique propre à assurer son développement et son essor naturels,la poésie,sous l'impulsion opiniâtre de Mallarmé,dépassant toutes les cogitations spéculatives et les déclamations rythmiques des parnassiens,et même s'affranchissant hardiment de la mainmise dominatrice des tirades délirantes d'un Baudelaire,prit un chemin tout différent,profondément illuminé par la clarté radieuse que le futur pionnier du symbolisme avait,au cours d'une nuit mouvementée,entrevue en rêves... Je me mire et me vois ange !Et je meurs et j'aime ........................................................................... A renaître portant mon rêve en diadème Au ciel antérieur oû fleurit la Beauté !33(*) Ainsi,avec une impression de recueillement et d'admiration,on assiste à l'ascension majestueuse de Mallarmé de l'imitation creuse et stérile vers la virtuosité poétique,scellée profondément dans le creuset de l'originalité et du génie.Le rêve qu'il avait eu et qui s'était déployé jusqu'à une dimension universelle,pour atteindre le champ de la réalité vivante,avait pris une forme matérielle et intellectuelle,vêtue d'un habit de lumière pailleté d'éclats d'or... Jamais dans l'histoire de l'évolution de la poésie,une révolution aussi extraordinaire n'a soulevé autant de controverses paradoxales dans les milieux culturels... La poésie mallarméenne,par le ton aussi bien que par la sobriété dans le choix des images et des idées,qui n'avaient pourtant rien de surprenant,était largement apprécié par le public,déjà las des fadeurs parnassiennes et des peintures fastidieuses et séches,comme elle fut aussi la cible de toute une foule de critiques,nostalgiques de la tradition,de l'esthétique et de la clarté classiques.. Mais quoi qu'il en fût,le symbolisme,dès son apparition sur la scène poétique,était imprégné aussi bien du parfum romantique qui lui insufflait à certains moments une sève tonifiante et lui donnait,sans l'affaiblir aucunement,un poids de sentimentalité grave et majestueuse que d'un rayonnement musical,oû l'harmonie s'exalte er s'intensifie à mesure que le vers se développe sous nos yeux.. Ces qualités éminentes ou si l'on veut,ces codes vitaux qui étaient scrupuleusement observés dans l'oeuvre poétique de Mallarmé,ont assuré et assurent encore pendant plusieurs générations la pérénnité du symbolisme.. En dépit de l'enthousiasme captieux provoqué par cette poésie toute neuve au sein d'une population cultivée,qui ne fut guère effrayée par son caractère obscur et abscons,des écrivains et poétes,comme G.Vicaire et C.Mauclair,ont fait paraître une brochure intitulée « les déliquescences d'Adoré Floupette »pour satiriser et stigmatiser les tendances ténébreuses de la poésie mallarméenne.. Ni Mallarmé,ni ses disciples ne furent déconcertés par les assauts cruels de l'envie et de l'ignorance..au contraire,n'éprouvant aucun malaise,ils poursuivaient leur chemin en silence.. Cependant,plus tard,ces poétes,comme leurs acolytes et congénères,se refugient dans le bercail symboliste et s'y accommodent à plaisir jusqu'à devenir les défenseurs les fougueux.. . c'est le commencement du régne du symbolisme et son hégémonie dans le monde littéraire s'affirme de jour en jour et Mallarmé,en dépit de sa sagesse et de sa bonne foi, se trouvait toujours en butte à des assauts croissants d'une critique difficile à amadouer,grincheuse et grognarde,à l'affût d'une proie facile comme Mallarmé,Verlaine et leurs disciples,qui,par ailleurs, s'étaient expressement solidarisés pour affronter de telles attaques virulentes,déclenchées dans le but évident de torpiller leur détermination et par là étouffer à jamais la révolution qu'ils avaient fait naître sur la scène littéraire... Ce succés incontestable du symbolisme,reconnu même publiquement par es plus farouches adversaires,qui n'avaient rien trouvé de mieux que de s'astreindre obligatoirement à cette nouvelle révolution,ne cessa de s'accroître au fil des jours et des mois,pour devenir après une persistance opiniâtre,un fait authentique,une réalité vivante,qui a étonné,effarouché les plus sceptiques.. De même que Brunetière qui s'est insurgé contre la méthode du roman naturaliste,se joignant en cela à ce censeur fougueux qui est Barbey d'Aurevilly lequel,lui aussi,s'est érigé en adversaire implacable de Zola et de ses disciples,versant sur eux,dans des articles abondants,tout son fiel,de même les critiques,comme je l'ai souligné plus d'une fois,se sont fait un devoir de s'attaquer impitoyablement au symbolisme,en tant que nouvelle doctrine littéraire,préconisant comme dogme essentiel l'obscurité au niveau du sens,et le relâchement de la discipline métrique. Cet écart ou cette déviation brusque de la voie séculaire traditionnelle,a provoqué en effet l'ire des critiques contemporains qui voyaient,suivant leurs points de vue étroits et hostiles,dans toute réforme en matière poétique,une sorte de conspiration contre la rationnalité et la clarté de la langue de Descartes34(*).. * 33 Cf « les fenètres »Voir texte intégral p.52 éditionG.Flammarion. * 34 -voir à cet égard l'ouvrage de M.Proust Contre l'obscurité in Contre Sainte-Beuve. |
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