2.3. Le choix de l'écriture et le vote
démocratique
Si le choix suppose la liberté et que l'écriture
est « le choix de l'aire sociale au sein de laquelle l'écrivain
décide de situer la nature de son langage », Ahmadou Kourouma
exprime
sa liberté à travers ce roman. Evelyne Lavergne
écrit ceci par rapport au choix scripturaire de Kourouma:
« Il (Kourouma) s'est retrouvé aux prises avec
une langue qu'il lui fallait plier à la réalité africaine
; et, la puissance de cet écrivain est telle qu'il a fait éclater
tous les cadres : ceux de la raison logicienne, de la syntaxe, du vocabulaire,
au profit d'une langue vivante, parlée, taillée à sa
mesure, à la mesure d'un Malinké sans complexes qui ose, laissant
libre cours à son tempérament, user de la langue française
en Africain. Le résultat n'est pas seulement éblouissant, il est
surtout fascinant tant l'écriture s'accorde aux thèmes, les
enrichissant par là même, leur donnant une efficacité
nouvelle »83.
Pour Roland Barthes, l'écrivain exprime sa
liberté à travers son écriture qui reste à tout
point de vue le lieu de prédilection de l'affirmation de sa
responsabilité d'écrivain, de son engament. Kourouma a choisi de
repenser la littérature négro-africaine, en menaçant la
langue française pour aboutir à la définition d'une
responsabilité, sa responsabilité d'écrivain.
Tout le roman de Kourouma consiste en un
démantèlement de l'obscurantisme politique, du discours
unidirectionnel et monarchique des dictateurs africains postcoloniaux. L'auteur
condamne les coups d'Etat, intempestifs dans l'Afrique postcoloniale, et
appelle à des élections libres. Seule cette voie
démocratique, peut donner des régimes légitimes, justes et
démocratiques, et conduire les peuples africains à engager un
processus de développement sûr, viable et durable. Car aucun
développement ne saurait être possible sans l'alternance
démocratique. « A cette condition, comme l'a
remarqué René Dumont, des élections
`'libres»
83 Evelyne LAVERGNE, «Indépendances et
métamorphoses du roman africain » in Ethiopiques
numéro 20, Revue socialiste de culture négro-africaine,
Octobre 1979.
pourront avoir une certaine valeur et permettre
d'esquisser et de discuter des projets de société
»84
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