2.2. La (re)création du roman négro-africain
par le dynamisme du français
Par l'activité d'appropriation du français,
Kourouma redynamise le roman négro-africain. Les transgressions des
forteresses linguistiques et grammaticales métropolitaines, constituent
pour le lecteur négro-africain un facteur dynamique d'appropriation du
français.
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Sur le plan de la (re)création littéraire, le
dynamisme du français est perçu à travers une
problématique diachronique. Pour Albert Vladman,
« le dynamisme du processus [morphologique d'une
langue est] reflété par le nombre de vocables nouveaux
créés et l'absence de restrictions morphologiques ou
sémantiques dans son application aux diverses catégories
lexicales de la langue »77.
Or, les écrivains africains à l'instar d'Ahmadou
Kourouma ne se contente plus de l'imitation servile du modèle
littéraire que leur propose ou impose la France. Si Kourouma choisit de
ne plus respecter la norme standard, son refus est d'une portée
politique : c'est l'affirmation de l'indépendance politique que fonde
une nouvelle identité culturelle.
Kourouma, par ses malinkismes, a su inventer une langue
nouvelle, originale, hybride ; une « mélangue »,
ainsi que s'est exprimé à ce propos le linguiste Jean-Louis
Joubert, pour désigner l'interpénétration de deux
langues78.
La réinvention de la création romanesque dans
l'espace francophone, passe par une étape transitoire faite de
transgressions, de violences, de distanciation, de conciliation et
d'altérité entre les deux systèmes de langue et de culture
(langue africaine-langue française/ culture africaine-culture
française).
Enfin, l'écriture de l'oralité et
l'appropriation de la langue française, sont pour Ahmadou Kourouma une
manière de mener l'action politique pour la libération de
l'Afrique, et pour la valorisation et l'illustration de la tradition africaine.
Le roman de Kourouma, est donc politique. Il est également à la
fois une dénonciation acerbe de la dictature et une aspiration profonde
à la Démocratie.
77 Albert VLADMAN, Le créole, structure,
statut et origine, Paris, Klincksieck, 1978, p. 144.
78 Jean-Philipe WATBLED commente largement l'usage
de ce mot dans la préface à A l'angle de malang, roman
publié par Jean-Louis JOUBERT aux Editions Grand Océan,
Saint-Denis, 2004.
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