l'écriture
Les travaux de Roland Barthes ont placé
l'Écriture au coeur de la problématique littéraire qui ne
commence véritablement qu'avec son avènement. A partir de la
théorie barthésienne de l'écriture, nous comprendrons que
tout écrivain est un être doublement politique : l'animal
politique, c'est l'homme, et l'écriture est l'acte politique. Or la
Politique est bien la résultante connexe du trinôme Histoire,
Langue, Liberté. Nous pouvons donc distinguer trois formes fondamentales
de l'Écriture chez Barthes.
1.1. Le produit de l'Histoire
La littérature est saisie dans la théorie
barthésienne comme le produit d'une société historique. De
ce fait, l'écriture devient le résultat du rapport entre
l'écrivain et la société, et
13 Osvald DUCROT et Tzvetan TODOROV,
Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage,
Paris, Seuil, 1972.
14 Roland BARTHES, Le degré zéro de
l'écriture, Paris, Edition du Seuil, 1953.
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se trouve liée ainsi aux grandes crises de l'Histoire.
Barthes écrit à ce propos : « L'écriture est un
acte de solidarité historique »15.
L'écriture comme produit de l'Histoire a subi des avatars progressifs
selon que l'Histoire profonde a connu de grands bouleversements. Pour Roland
Barthes, il est tout à fait aisé de lire l'Histoire dans les
Signes de la Littérature : «Il n'est pas
nécessaire de recourir à un
déterminisme direct pour sentir l'Histoire présente dans un
destin des écritures »16. Ceci est de
conséquence : l'écriture se présente désormais
comme création
de l'écrivain et conscience de la
société, puisqu'elle ne naît véritablement que d'un
rapport intime de l'écrivain et de sa société. Barthes ne
dit pas autre chose : « L'écriture naît
incontestablement d'une confrontation de l'écrivain et
de sa société »17
En définitive, l'écriture est perçue par
Roland Barthes comme une conséquence littéraire de conjonctures
historiques donc politiques, et l'écrivain, sans être historien ni
politicien par essence, rend compte de l'Histoire et de la Politique au travers
de son « choix
de l'aire sociale au sein de laquelle, il décide de
situer la Nature de son langage »4.
La Nature du langage de l'écrivain se situe, elle, dans
un au-delà de la langue. Situer son langage dans cet au-delà
transcendantal à la langue constitue une transgression.
1.2. La transgression de la langue
« Est écrivain celui pour qui le langage fait
problème, qui en éprouve la profondeur,
non l'instrumentalité ou la beauté
»5 ainsi répond Roland Barthes à la question
: « Qu'est-ce
qu'un écrivain ? » dans Critique et
vérité. En effet, si l'écrivain est celui qui
institue le langage en objet d'étude mieux de travail,
15 Ibid., Le degré zéro de
l'écriture, Paris, Edition du Seuil, 1953, p. 18.
16 Ibid., op.cit., p. 9-10
3 Ibid., op. cit., p.19
4 Ibid., op. cit., p. 19
5Roland BARTHES, Critique et
vérité, Paris, Seuil, 1968, p.46.
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« L'écriture n'apparaît qu'au moment
où la langue, constituée nationalement, devient une sorte de
négativité, un horizon qui sépare ce qui est
défendu et ce qui est permis, sans plus s'interroger sur les origines ou
sur les justifications de ce tabou »18.
Pour Barthes, l'existence d'une réalité formelle
n'est possible que dans le dépassement d'une problématique de la
langue, c'est-à-dire que l'écriture ne se découvre
qu'après violation d'une limite de la langue. L'écriture est donc
une surnature du langage, et c'est en cela seulement que l'écrivain se
définit par élection par opposition aux hommes liés
à la langue par définition.
L'écriture pose les problèmes de la langue en
termes de structure. Or dès qu'on touche à la langue, on touche
aux principes organiques de la société politique. C'est pourquoi,
à la vérité, l'écriture est en soi une
démonstration d'audace et une expression de révolte en ce
qu'elle « manifeste une essence et menace d'un
secret, elle est une contre -communication, elle intimide
»19.
La transgression de la langue suppose une expression de
liberté, celle de l'écrivain, dont l'écriture est aussi un
acte de choix.
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