2. Les personnages principaux
Ce sont les personnages présents aux veillées.
Il s'agit de Bingo, de Tiécoura, de Maclédio et des sept
chasseurs. Nous allons les analyser chacun.
2.1. Bingo ou l'expression de la liberté politique
et de la vérité historique
Bingo est un griot exceptionnel. Il est un sora : «
un aède qui dit les exploits des chasseurs, le griot musicien de la
confrérie des chasseurs » (p. 9). Sa parole est un
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démantèlement de l'obscurantisme dictatorial et
des mensonges de l'histoire. Il s'applique génialement à briser
la langue de bois de Maclédio et de Koyaga.
Bingo raconte le donsomana de Koyaga, de ses proches et des
autres dictateurs avec une maîtrise et une assurance étonnantes.
On sait qu'il est un griot, mais ici son pouvoir de connaissance est
infaillible. C'est alors le griot omniscient qui peut dévoiler les
mensonges de tout un système politique avec autant de
perspicacité et d'éloquence. Bingo incarne la puissance de la
parole et de l'esprit sur la force des armes. L'action de Bingo symbolise une
lutte acharnée pour la liberté d'expression et le
rétablissement de la vérité (la justice).
Bingo, c'est aussi le porte-parole des sans voix et des
opprimés. Par la parole de Bingo, Kourouma entreprend de réviser
l'Histoire et de confronter à l'obscurantisme dictatorial la
liberté d'opinion.
2.2. Maclédio, l'avocat du diable
La geste de Koyaga a été composée par
l'un des quatre personnages qui s'expriment au cours des six veillées,
le propagandiste Maclédio. Aussi est-il intéressant de consacrer
un exposé à ce personnage, à la vie duquel toute la
troisième veillée est consacrée.
En effet, le personnage de Maclédio est
caractérisé par sa passivité. Porteur d'un «
funeste nõrô », il va chercher toute sa vie son
homme de destin, qui doit être porteur du nõrô
contraire (« heureux nõrô ») qui «
annihile la damnation ». Ainsi, Maclédio apparaît
comme un personnage veule, servile et lâche, aimant vivre en parasite.
Ancien esclave des Touareg, il devient le Ministre de l'orientation de
Nkoutigui, le dictateur du Pays des Monts (p. 165), et l'acolyte incontournable
de Koyaga. Il appartient au premier cercle du dictateur, avec sa mère,
Nadjouma, et le marabout Bokano (p. 272). Il est le cache-sexe d'un
régime qui repose sur le mensonge et la superstition :
« Maclédio est devenu votre pou à vous,
Koyaga, perpétuellement collé à vous. Il reste votre
caleçon oeuvrant partout où vous êtes pour cacher vos
parties honteuses. Cacher votre honte et votre déshonneur. »
(p. 123)
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Manipulateur et beau parleur, il justifie lors des
veillées les actes de Koyaga en se mettant aux antipodes de
Tiécoura. Son action consiste à défendre servilement
Koyaga pour qui il est devenu comme « un pou ».
Maclédio est le prototype des collaborateurs politiques
veules qui ont soutenu les aberrations des chefs d'Etat africains
postcoloniaux. Ils ont contribué à instituer les partis uniques
et ont caché les stupidités politiques de leurs « hommes
de destin ». Ils ne disent jamais la vérité aux
dictateurs dont ils ne font que louanger les crimes, les saloperies, les
conneries, les assassinats....
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