CHAPITRE : III
LES PERSONNAGES DANS L'OEUVRE : DE VERITABLES
ACTEURS
POLITIQUES
Nous découvrons dans le roman une fresque actantielle
qui apparaît comme un système. Si un personnage est toujours
reconnaissable par des éléments inducteurs qui l'identifient
même s'il est anonyme, les personnages de Kourouma sont
caractérisés par leurs comportements politiques. Ce sont des
personnages qui sont soit des chefs d'Etat, soit des proches de chef d'Etat.
Nous distinguons trois catégories de personnages dans le roman : le
héros (le personnage central), les personnages principaux (ceux qui sont
présents lors des veillées) et les personnages secondaires (ceux
qui sont absents aux veillées et dont on a raconté le
donsomana).
1. Le héros: Koyaga ou le faucon de la
dictature
Koyaga est le personnage central de En attendant le vote
des bêtes sauvages. Il est un personnage à plusieurs
variables, soldat, président, grand général, maître
chasseur. Il est totem faucon, partisan de la force et de la violence dans le
règlement des affaires politiques, et chef redoutable des lycaons. Il
est un horrible émasculateur.
Il apparaît dans l'incipit du roman comme un homme
légendaire, comparé à Ramsès II et à
Soundiata l'un des trois plus grands chasseurs de l'humanité. Soutenu
par les puissances occidentales, conseillé par ses pairs africains et
protégé par les sortilèges de sa mère et de son
marabout, Koyaga, président de la République du Golfe, instaure
un régime fondé sur l'arbitraire et la démesure. Au bout
de trente ans de règne, surpris par un mouvement de révolte d'une
violence inédite et le lâchage de ses parrains capitalistes
à la fin de l'ère de la bipolarisation, il ne lui reste
qu'à recourir aux ressorts de la parole traditionnelle pour
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restaurer son autorité. Une dernière fois,
Koyaga, affabulateur assermenté, tente de retourner la situation et fait
croire à sa disparition. Mais il est trop tard : lorsqu'il
réapparaît, c'est dans un paysage désolé,
ruiné par les soulèvements. Nadjouma et Bokano ont disparu, le
Coran et la météorite avec eux. Ce n'est que grâce à
un donsomana que Koyaga parviendra, peut-être, à les retrouver. Il
retrouvera le pouvoir, aidé en cela par le suffrage universel, notamment
celui des bêtes sauvages.
Koyaga est un personnage étrange, d'un destin
particulier. Mais il n'est rien sans sa mère et son marabout. Ces
deniers sont la source de son pouvoir, qu'il a acquis dans le sang, en
perpétrant un coup d'Etat et en massacrant les membres du comité
insurrectionnel.
Cette vedette d'En attendant le vote des bêtes
sauvages n'est réellement que le prototype des dictateurs africains
postcoloniaux. Koyaga est un homme politique nul, voleur, menteur, criminel et
sorcier. Son long règne digne d'un chef de parti unique, s'est
soldé par un échec alarmant. Le chef de l'Etat ne
s'intéresse qu'aux litiges anodins de paysans, qu'il s'applique à
résoudre, à savoir les vols de poulets, de femmes, les lancements
de mauvais sorts (p. 283). C'est « aussi un gros coureur de femmes
d'autrui, les femmes des citoyens ». Koyaga incarne tous les vices
des chefs d'Etat africains postcoloniaux et pères de la nation.
Même si Kourouma l'a laissé au pouvoir, Koyaga n'avait plus le
pouvoir.
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