2.2.6. La terreur milicienne
Les dictateurs mettent sur pieds une milice redoutable et
terrible qui terrorise permanemment les populations. Koyaga dispose d'un groupe
terrible : les lycaons.
« Les lycaons encore appelés chiens sauvages
sont les fauves les plus méchants et féroces de la terre, si
féroces et méchants qu'après le partage d'une victime
chaque lycaon se retire loin des autres dans un fourré pour se
lécher soigneusement, faire disparaître de la pelure la moindre
trace de sang » (p. 95).
Ces lycaons sont d'effroyables émasculateurs qui ont
soutenu indéfectiblement le régime sanguinaire de Koyaga.
2.2.7. Le militarisme
Les dictateurs africains sont pour la plupart des militaires.
Koyaga est soldat et s'est nommé général. Bossouma,
l'homme au poitrail caparaçonné de décorations, est
maréchal. L'homme au totem léopard était sous-officier
dans la Force publique avant de devenir chef d'état-major du pays le
plus vaste de l'Afrique centrale.
2.2.8. La corruption des moeurs
Les dictateurs africains postcoloniaux aiment les femmes, les
boissons, bref vivent dans une mondanité burlesque. Koyaga, par exemple,
possède une femme dans chaque ethnie pour assurer l'unité du pays
(pp. 299-303). Les femmes du président sont comblées de biens
matériels et ses anciennes maîtresses « ont facilement
accès à des crédits bancaires ». Elles
deviennent des « mamies Benz [...] Ces riches commerçante
plantureuse circulant sur les banquettes arrière des grosses Mercedes
Benz ».
Quant à Bossouma, c'est un désordonné
sexuel, un libidineux fougueux et « soudard ». Il
célèbre chaque année trente mariages (p. 209), et il lui
arrive souvent d'oublier la célébration de certains de ses
mariages (p. 239).
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2.2.9. Le détournement d'argent
Le détournement d'argent est le propre des dictateurs
africains postcoloniaux, qui sont initiés à lutter contre «
la fâcheuse inclination en début de carrière à
séparer la caisse de l'Etat de sa caisse personnelle » (p.
194). Ainsi, les ressources du Trésor sont dépensées pour
entretenir le parti unique et pour alimenter « les caisses
privées du président du parti et chef suprême de l'Etat et
des armées ».
L'homme au totem léopard est l'un des hommes les plus
riches de l'univers alors que son « pays n'a ni routes, ni
hôpitaux, ni téléphones, ni avions, ni..., ni...
».
En conclusion, nous avons pu, par les analyses onomastiques et
thématiques, révéler respectivement les figures du pouvoir
et les fondements de la politique dans l'Afrique postcoloniale. Nous constatons
in fine que Kourouma n'a fait que mettre en scène des dictateurs
africains post coloniaux comme Gnassingbé Eyadéma du Togo,
Sékou Touré de la Guinée (Conakry), Félix
Houphouët-Boigny de la Côte d'Ivoire, Bokassa de la Centrafrique,
Mobutu Sessé Séko du Zaïre et le roi Hassan II du Maroc.
Nous savons aussi par la thématique, que la politique dans cette «
Afrique aux mille dictateurs » est fondée sur la violence,
la magie et la sorcellerie, l'esclavage ou l'exploitation du peuple, le terreur
milicienne, le militarisme, le culte de la personnalité sur fond de
mensonge, le régime policier, le détournement d'argent, la
corruption des moeurs...etc.
Par ailleurs, l'étude des personnages peut aussi nous
aider à comprendre que le roman de Kourouma est bien une
représentation de la politique. C'est à cela que nous allons
consacrer ce dernier chapitre de la deuxième partie de notre
mémoire.
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