2.2. La coexistence du capitalisme et du communisme : les
instabilités politiques dans l'Afrique postcoloniale
La politique dans l'Afrique postcoloniale est dominée
par la mise en rapport de deux systèmes de politique à savoir le
capitalisme et le communisme. De même que dans la structure de l'oeuvre
coexistent des codes aux perspectives opposées, nous découvrons
dans
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l'espace politique africain postcolonial ces deux doctrines
politiques (capitalisme et communisme) aux idéologies antagonistes.
Rappelons que la fresque historique qui se déroule dans
En attendant le vote des bêtes sauvages s'étend de la
conférence de Berlin à la fin de la Guerre froide. En effet,
à la suite de la deuxième guerre mondiale, une vive tension
idéologique et politico-économique s'est emparée des pays
occidentaux (les États-Unis et l'URSS) dans le courant 1947-89, divisant
monde en deux camps. C'est dans ce paysage politique mondial instable et
conflictuel que sont apparues les nouvelles nations et l'émergence de
jeunes Etats en Afrique. Ces jeunes Républiques africaines
appelées à intégrer le concert des nations ont
été rapidement phagocytées idéologiquement, soit
par les communistes, soit par les capitalistes, quoiqu'elles se revendiquaient
des non-alignés. Pour lutter contre l'expansion communiste, les
Français et les Américains ont aidé à
l'orchestration des coups d'Etat renversant les nationalistes jugés
communistes et à l'instauration du parti unique (L'exemple de la France
est illustré dans le roman pp. 82-84).
Dans le roman, les instabilités politiques sont
liées à la confrontation entre le bloc capitaliste et le bloc
communiste. Nous proposons ci-dessous un schéma illustratif des
relations politico-idéologiques en Afrique lors de la guerre froide
selon le roman En attendant le vote des bêtes sauvages.
Axe d'influence Axe d'union
Axe de neutralité Assassiné
Le Capitalisme (Les Etats-Unis et la France)
Les neutres
L'homme au totem chacal
Fricassa Santos
Tiékoroni ou l'homme au totem caïman
Bossouma ou l'homme au totem hyène
Le Communisme (L'URSS)
Koyaga ou l'homme au totem faucon
L'homme au totem léopard
Nkoutigui ou l'homme au totem lièvre
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Schéma 5 : Les relations
politico-idéologiques en Afrique lors de la Guerre froide selon le roman
En attendant le vote des bêtes sauvages
L'observation du schéma 5 nous
amène à un commentaire immédiat : l'homme au totem chacal
est le représentant du capitalisme en Afrique (p. 266) et Nkoutigui ou
l'homme au totem lièvre incarne le communisme.
Tiékoroni (l'homme au totem caïman), Bossouma
(l'homme au totem hyène), l'homme au totem léopard et Koyaga
(l'homme au totem faucon) sont alliés à l'homme au totem chacal
pour former le bloc capitaliste africain.
Fricassa Santos (l'homme au totem hyène) est centriste,
partisan du non-alignement. Il va être assassiné car il n'est
soutenu par aucune puissance.
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En définitive, nous osons dire que l'écriture de
Kourouma est un véritable miroir magique dans lequel on voit l'Afrique
des contrastes culturels, politiques et idéologiques. L'analyse
structurale de l'écriture En attendant le vote des bêtes
sauvages fait ressortir l'altérité entre
épopée et satire, signe des désillusions politiques
postcoloniales, et conciliation de l'oralité et de l'écriture,
traduisant à la fois une déstabilisation sémantique et
reflétant les instabilités politiques dans l'Afrique
postcoloniale. La représentation du politique par le champ
littéraire peut être également démontrée par
l'onomastique et la thématique auxquelles nous allons consacrer le
chapitre suivant.
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