4. La (dé) construction
diégétique
Plusieurs procédés permettent de (dé)
construire le récit dans En attendant le vote des bêtes
sauvages.
4.1. La mise en abîme
La mise en abîme permet de mettre le héros dans
un engrenage où il ne lui est promis aucune issue. Dans En attendant
le vote des bêtes sauvages, Koyoga, le personnage principal, vient
de perdre tous ses pouvoirs magiques qui l'aidaient à se maintenir
à la tête de la République du Golfe. Aucune issue ne lui
est possible si ce n'est de se faire dire son donsomana, récit
purificatoire, au cours duquel toute l'histoire de sa vie et de celle de ses
proches seront racontées par un sora.
Ahmadou Kourouma a fait de ce personnage le prototype du chef
d'Etat africain, monté au pouvoir par un putsch, maintenu au pouvoir
grâce à la guerre froide, et finalement menacé par le vent
de la démocratisation. Il le met à cet effet dans une situation
extrêmement critique où son parti unique est désormais
ouvertement contesté par une jeune génération
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révolutionnaire. Une insurrection contre le régime
de Koyoga a fait date : c'est l'insurrection
du 5 (p 358).
4.2. La réduplication
La réduplication dans l'oeuvre se manifeste par des
idées qui sont répétées plus d'une fois. En effet,
les scènes sanglantes d'émasculation sont reprises plusieurs fois
dans la Veillée II : après avoir blessé à mort sa
proie, le président Fricassa Santos, Koyoga procède à son
émasculation en lui infligeant une douleur infernale (p. 100) : «
Ils déboutonnent le président, l'émasculent, enfoncent
le sexe ensanglanté entre les dents ».
On assiste ensuite à l'assassinat du
vice-président Tima par les lycaons et à son émasculation
par Koyoga. Tout le long du récit, les scènes d'assassinats sont
succédées d'émasculation.
De même, Kourouma a beaucoup usé de la
réduplication pour accentuer les exploits de Koyaga qui triompha des
monstres qui hantaient les paléos. Ainsi la phrase suivante est-elle
récurrente dans la Veillée II, Chapitre 5 : « Pour
éteindre, annihiler ses terribles nyamas, Koyaga coupa sa queue et
l'enfonça dans sa gueule haletante».
Cette technique narrative, loin de produire la monotonie dans
la narration, y confère à contrario une esthétique
épique ou satirique.
4.3. La métaphore et la figuration
Tout le récit purificatoire se présente comme un
ensemble d'images, que ce soit au niveau de la diégèse ou
à celui de l'écriture. En effet, si tout ce que Kourouma raconte
est vrai, tout est aussi caché. De l'onomastique (nom des personnages,
des lieux) à la trame de l'histoire même, tout est
voilé.
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En outre, le récit que crée Kourouma est d'abord
épique avant de virer au satirique. Les actes accomplis par Koyoga sont
une démonstration de pouvoir, de puissance et même de force, dans
la (re) conquête de son identité. Le récit s'ouvre sur
l'identité du personnage :
« Votre nom : Koyoga ! Votre totem : faucon ! Vous
êtes soldat et président. Vous resterez le président et le
plus grand général de la République du Golfe tant qu'Allah
ne reprendra pas (que des années encore il nous en préserve !) le
souffle qui vous anime. Vous êtes chasseur ! Vous resterez avec
Ramsès II et Soundiata l'un des trois plus grands chasseurs de
l'humanité. Retenez le nom le nom de Koyoga, le chasseur et
président-dictateur de la République du Golfe ». (p.
9).
A la suite, au cours de ses aventures héroïques,
Koyoga ne cessera pas d'accomplir des prouesses extraordinaires comme les
combats qu'il va livrer contre les bêtes puissantes qui menaçaient
la sécurité des paléos. Il sera même un
président miraculé sorti vivant de plusieurs attentats. Tout cela
fait montre de son identité de chasseur, de sorcier et de magicien.
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