3. L'obscénité ou le sexe
décrit
L'obscène, c'est avant tout la mise à nu du
corps réduit à ses fonctions physiologiques ainsi qu'il s'affiche
dans le texte postcolonial. C'est l'écriture d'une sexualité
débridée et impudique.
Si l'évocation de la chair ou du corps ou mieux encore
du sexe était perçue chez les écrivains africains de la
période coloniale comme une atteinte à la pudeur, les
écrivains postcoloniaux considèrent la sexualité comme un
matériau littéraire comme tout autre, et Ken Bugul dira
même que « la sexualité est culture et atmosphère
»49. Désormais, on se rend compte que, histoire de
sang, l'histoire africaine est aussi une histoire de sexe. Vont donc surgir
dans les romans postcoloniaux des scènes érotiques allant de
simples actes sexuels à la transgression des limites de la pudeur. On
rencontre alors dans En attendant le vote des bêtes sauvages des
récits troublants et déconcertants ou quelques fois excitants,
des récits dans lesquels sont toujours présents des passages du
genre :
« La princesse enfin sort de la case et avance. Elle
est séduisante. Des ceintures de perles soulignant des fesses
proéminentes tiennent un cache-sexe qui laisse deviner des pulpes
généreuses. Des seins, de vraies mangues vertes de mars
émergent de nombreux colliers de cauris qui courent du coup au nombril.
» (p. 142) ;
« Ce que je vois ? Indescriptible, unique ! Les plus
bouffies jambes du monde en l'air. Les plus mafflues fesses sur un tapis et, au
milieu...une féminité simplement planétaire. [...]. Mon
zizi ne va pas plus profond qu'une virgule.» (p.158) ;
« Les femmes se disputaient l'étranger qui
s'aventurait dans un village zendé. Et celle qui parvenait à se
l'approprier l'entraînait immédiatement dans le lit, le
balançait, le manipulait jusqu'à l'épuisement,
jusqu'à la détumescence, jusqu'à l'anérection...
» (p.215).
49 Ken BUGUL, Le Baobab fou, Abidjan,
NEA, 1982, p. 65.
42
Dans les représentations littéraires de
Kourouma, l'imaginaire sexuel donne l'image du désir sans foi ni loi,
faisant du sexe le domaine bestial de l'humain.
En définitive, disons que l'écriture dans En
attendant le vote des bêtes sauvages porte une grande charge
sexuelle. De plus, la mise en texte du sexe par Kourouma n'est pas fortuite,
car la sexualité portée à l'écriture explique la
déchéance politique et marque une expression de
liberté.
L'écriture kouroumalienne affirme également sa
particularité par la (dé) construction
diégétique.
|