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Ecriture et politique dans "en attendant le vote des bêtes sauvages " d'Ahmadou Kourouma

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par Kossi Wonouvo GNAGNON
Université de Lomé Togo - Maà®trise en lettres 2009
  

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2.2. L'écriture de la violence

Au-delà de la violence de l'écriture, Kourouma essaie de mettre en scène la violence au travers d'une thématique qui décrit les crises déchirant le peuple noir. Pour Mwatha Musanji Ngalasso,

« L'écriture de la violence apparaît alors comme une façon de lutter, avec les mots, contre la décrépitude de la pensée, le cynisme des idéologies et l'absurdité des actions de ceux qui ont en charge le destin de leurs concitoyens ; comme une thérapeutique collective de la conscientisation des citoyens-lecteurs »47.

Ahmadou Kourouma, dans Allah n'est pas obligé par exemple, dénonce un univers social violent, un imaginaire singulièrement débridé. Il s'agit de stigmatiser, par une forme d'écriture, la déchéance continuelle des sociétés africaines, en traitant des thèmes comme l'esclavage, le racisme, le colonialisme, la dictature, le népotisme, la marginalisation, et en mettant en scène des personnages types : administrateur, militaire, policier, missionnaire, chef d'Etat, ...etc.

De ce fait, il est à comprendre que Kourouma entreprend tout simplement d'évoquer dans En attendant le vote des bêtes sauvages les épisodes les plus sanglants de l'Histoire de l'Afrique postcoloniale. Si ce ne sont pas les crimes et les délits qui nous sont présentés, c'est donc soit la magie ou la sorcellerie, ou carrément la politique incarnée par la violence idéologique. L'écriture ou la représentation de la violence passe obligatoirement par un champ d'expressivités dans lequel on retrouve l'horreur, le cynisme, le sarcasme.

Kourouma nous décrit donc la scène horrible de l'assassinat de Fricassa Santos, le Président démocratiquement élu de la République du Golfe, par Koyaga et ses lycaons :

« Le Président saigne, chancelle et s'assied dans le sable. Koyaga fait signe aux soldats. Ils comprennent et reviennent, récupèrent leurs armes et les déchargent sur le malheureux Président. Le grand initié Fricassa Santos

47 Mwatha Musanji NGALASSO, « Langage et violence dans la littérature africaine écrite en français », in op. cit., pp. 73-74.

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s'écroule et râle. Un soldat l'achève d'une rafale. Deux autres se penchent sur le corps. Ils déboutonnent le Président, l'émasculent, enfoncent le sexe ensanglanté entre les dents. C'est l'émasculation rituelle [...] Un dernier soldat avec une digue tranche les tendons, les bras du mort... » (pp. 100-101).

Koyaga était à la tête d'une milice terrible : les lycaons. Ahmadou Kourouma nous fait ainsi leur portrait à la page 95 :

« Les lycaons encore appelés les chiens sauvages sont les fauves les plus méchants et féroces de la terre, si féroces et méchants qu'après le partage d'une victime chaque lycaon se retire loin des autres dans un fourré pour se lécher soigneusement, faire disparaître de la pelure la moindre trace de sang. »

D'autre part, c'est des scènes de tortures que Kourouma nous présente, orchestrées par des chefs d'Etats dictateurs, criminels et tortionnaires. A cet effet, il y a des prisons spécialisées régies par des geôliers barbares et sans humanité. C'est le cas de la prison de Saoubas dans la République des Ebènes dirigée par le député Sambio, « le cruel tortionnaire qui, sous la torture, fait reconnaître par l'accusé les faits et les preuves établies par le directeur de la Sûreté », et de la prison de Ngaragla dans le Pays aux Deux Fleuves, régie par le colonel Otto Sacher.

En définitive, Kourouma a développé dans En attendant le vote des bêtes sauvages une écriture de crise. Michel Naumann, lui, parle déjà d'une nouvelle littérature africaine qu'il qualifie de « littérature voyoue »48. La problématique de la violence est au centre de la littérature postcoloniale africaine de sorte que la violence est représentée dans l'écriture même qui la représente. Désormais, c'est une esthétique réaliste pure que développe la littérature postcoloniale, caractérisée également par l'écriture de l'obscène.

48 Michel NAUMANN, Les nouvelles voies de la littérature africaine et de la libération (une littérature voyoue), Paris, L'Harmattan, 2001.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo