B- Les manifestations des violations des engagements
internationaux par l'Assemblée nationale.
Il convient de le repréciser ici : bien que
l'initiative des lois soit pour l'essentiel au Cameroun le fait de
l'Exécutif qui peut être politiquement responsable des violations
des engagements internationaux par la loi, juridiquement c'est à
l'Assemblée nationale en tant que législateur et « auteur
constitutionnel » des lois qu'incombe la responsabilité des «
lois anti-conventionnelles » et l'ignorance des directives communautaires
par l'ordre juridique interne.
S'agissant des lois anti-conventionnelles, il convient de
distinguer selon qu'elles sont antérieures ou postérieures au
traité. Antérieures, la publication du traité devrait
normalement induire leur abrogation et leur disparition de l'ordonnancement
juridique. Pourtant, la distinction « enfant légitime » «
enfant naturel » ou « enfant adultérin » en
matière de succession en dépit de nombreux instruments
internationaux sur les droits des enfants ratifiés qui proscrivent
pareille distinction démontre bien que cette abrogation n'est pas
automatique. C'est pourquoi le professeur Christian Tomushat, membre du
comité des droits de l'homme, estimait en 1983 que l'incorporation des
normes internationales dans la législation nationale présentait
des avantages considérables. En effet, cette incorporation permet aux
autorités nationales de combler d'éventuels retards dans la
législation nationale par rapport au droit international et peut
favoriser une application plus efficace en cas de conflit avec le droit
interne. Surtout, selon le professeur Tomushat, l'incorporation permet à
l'individu de faire directement valoir les droits qui lui sont reconnus par la
communauté internationale et de participer à la
réalisation de ces droits86.
86 Christian Tomushat cité par Thomas Mc Carthy,
conseiller principal du sous-secrétaire général aux droits
de l'homme, centre des droits de l'homme des Nations unies, Le Parlement :
gardien des droits de l'homme Op. Cit. p. 82.
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Les lois postérieures anti-conventionnelles,
entraînent la responsabilité internationale de l'Etat du Cameroun
et pas de l'Assemblée nationale, même si elles sont en
réalité plus le résultat d'une ignorance que la
volonté délibérée d'enfreindre le droit
international ou communautaire.
Dans un arrêt Francovitch du 19 novembre 1991, la Cour
de justice des Communautés européennes a posé le principe
selon lequel le droit communautaire impose aux Etats membres de réparer
les dommages causés aux particuliers par les violations du droit
communautaire qui leur sont imputables. Or la faute peut résulter, comme
nous l'avons déjà démontré, d'une mauvaise
transposition de la directive par la loi. Saisi d'un recours en
responsabilité du législateur pour non respect du droit
communautaire, et donc pour faute, le Conseil d'Etat français dans un
arrêt du 28 février 1992, société Arizona Tobacco, a
mis en jeu la responsabilité pour faute de l'autorité
réglementaire, en interposant un acte administratif d'application de la
loi entre la norme communautaire et la loi. Le juge administratif a ainsi
évité de poser le problème de la responsabilité
pour faute du législateur. Il est cependant probable qu'un jour le juge
administratif sera confronté à un litige où il ne pourra
faire jouer cet artifice et devra, s'il veut respecter le droit communautaire,
mettre en jeu la responsabilité du fait de la loi pour faute.
Au regard des conséquences pour l'Etat d'un manquement
à ses obligations internationales, le Parlement, incarné au
Cameroun par l'Assemblée nationale, doit veiller non seulement au
respect par lui-même desdits engagements mais s'assurer de leur mise en
oeuvre par le gouvernement dans sa mission de contrôle.
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