B- La valeur contrastée des résolutions
d'institutions interparlementaires.
Les institutions interparlementaires sont des organismes de
coopération parlementaire tant au niveau sous-régional,
régional que mondial68. La valeur des résolutions et
autres énoncés des institutions interparlementaires dépend
de la nature même de ces organisations.
Selon la définition proposée au cours des
travaux de codification du droit des traités par sir Gérard
Fitzmaurice, l'organisation internationale est une « association
d'Etats constituée par traité, dotée d'une constitution et
d'organes communs, et possédant une personnalité juridique
distincte de celle des Etats membres »69. Cette
définition à laquelle la doctrine dans son ensemble est
favorable, attire l'attention sur les deux aspects fondamentaux d'une
organisation internationale : son fondement conventionnel et sa nature
institutionnelle. L'article 2 paragraphe 1i de la Convention de Vienne de 1969
sur le droit des traités précise simplement que l'expression
« organisation internationale » s'entend d'une « organisation
intergouvernementale ». De ces définitions, il découle
clairement que les institutions interparlementaires ne sont pas des
organisations internationales et que par conséquent leurs
énoncés ne sauraient lier l'Etat, bien que l'article 1 des
statuts de l'Union interparlementaire la présente comme une «
organisation internationale des Parlements »70.
Parce qu'elles ne sont pas des organisations internationales
avec des Etats comme membres, les énoncés des institutions
interparlementaires ne contraignent pas les Etats. A cet égard la
68 Voir Annexe 1 pour les douze institutions interparlementaires
auxquelles est membre le Cameroun.
69 Cité par Nguyen Quoc Dinh et Alii Op. Cit. p. 578.
70 Foyer de la concertation interparlementaire à
l'échelle mondiale, l'UIP s'est donné pour vocation de promouvoir
la paix et la coopération entre les peuples par la voie parlementaire,
ainsi que le développement et le renforcement des institutions
représentatives en étroite liaison avec l'association des
secrétaires généraux des Parlements. Elle est dans les
faits l'homologue parlementaire des Nations unies, auxquelles la lie depuis
1966, un accord de coopération.
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terminologie utilisée par l'UIP est fort
révélatrice : « engage les Etats à... »,
« Recommande aux parlements... », « Demande aux gouvernements...
», « Appelle les Etats à ... », « prie instamment
les organisations internationales... », « Prie gouvernements et
parlements de ... », « lance un appel... », « Prie
instamment tous les Etats... ». On ne peut même pas les
qualifier de recommandation si l'on s'en tient à la définition
des professeurs Nguyen Quoc Dinh, Daillier et Pellet selon laquelle la
recommandation est « un acte qui émane en principe d'un organe
intergouvernemental et qui propose à ses destinataires un comportement
donné »71 ; encore moins d'actes concertés
non conventionnels ou non binding agreements « que l'on peut
définir comme des instruments issus d'une négociation entre
personnes habilitées à engager l'Etat et appelées à
encadrer les relations de ceux-ci, sans pour autant avoir un effet obligatoire
»72. Pour le docteur Cyriaque Esseba73, les
résolutions des institutions interparlementaires ont une valeur de
simple recommandation qui ne lient que l'Assemblée nationale. Celle-ci
ne peut même pas préparer une proposition de loi sur la base des
résolutions de l'UIP en vertu de la séparation des pouvoirs.
Toutefois, si les résolutions des institutions
interparlementaires ne sont pas obligatoires d'un point de vue juridique, elles
sont politiquement contraignantes. En effet, parce qu'il y'a pour elle un
risque de suspension en cas de non suivi de résolution,
l'Assemblée nationale n'hésite pas à faire pression sur
l'Exécutif et bien de projets de lois, devenus lois, prennent en compte
généralement les prescriptions de l'UIP. C'est compte tenu de cet
impact des résolutions des institutions interparlementaires que se
trouvent par exemple au sein de chaque délégation de
l'Assemblée nationale à l'UIP un représentant du
ministère des relations extérieures en plus du ministre
chargé des relations avec les assemblées.
En définitive, si les députés ne peuvent
engager l'Etat sur la scène internationale, ils peuvent encore moins
décider de mettre fin à ces engagements. L'initiative dans ce
domaine appartient de façon quasi-exclusive à l'Exécutif
et au président de la République, l'Assemblée nationale
devant se satisfaire le plus souvent du contrôle de la mise en oeuvre de
ces engagements.
71 Nguyen Quoc Dinh et Alii Op. Cit. p. 377.
72 Ibid. p. 385.
73 Direction des affaires générales et
secrétaire administratif de la délégation de
l'Assemblée nationale à l'UIP.
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