CHAPITRE IV : LA MISE EN OEUVRE DES ENGAGEMENTS
INTERNATIONAUX PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE.
L'exécution des traités incombe à tous les
organes de l'Etat parce que l'obligation d'exécuter s'impose à
l'Etat pris dans son ensemble comme sujet du droit international. Dès
1839 en effet, le Conseil d'Etat français a déclaré :
« l'exécution du traité est dévolue non pas
à un seul organe ou à une seule autorité mais à
toutes les autorités, législative, politique et judiciaire dans
l'ordre de leurs compétences »74. Dans sa
décision du 3 septembre 1986, le Conseil constitutionnel du même
pays a rappelé qu' « il appartient aux divers organes de l'Etat
de veiller à l'application [des] conventions internationales dans le
cadre de leurs compétences respectives»75.
S'agissant du Parlement, ses compétences telles que
déclinées à l'alinéa 2 de l'article 14 de la
Constitution sont la confection des lois (section I) et le contrôle de
l'action du Gouvernement (section II).
SECTION I : UNE RELATIVE SOUMISSION DE L'ASSEMBLEE
NATIONALE
AUX ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX DE L'ETAT.
La soumission de l'Assemblée nationale aux engagements
internationaux du Cameroun reste contrastée et mitigée. Si le
compte rendu des débats et travaux parlementaires révèle
une volonté de prendre en compte les engagements internationaux dans la
tâche législative (paragraphe I), la subsistance et l'adoption de
lois contraires aux traités et accords auxquels est partie le Cameroun
laissent croire à une certaine méconnaissance de ces engagements
(paragraphe II).
Paragraphe I- la prise en compte des engagements
internationaux dans la tâche législative.
La prise en compte des engagements internationaux est une
exigence de la Constitution qui affirme le caractère supra
législatif des traités et accords internationaux (A). La
spécificité des directives communautaires appelle un
développement particulier (B).
A- Le caractère supra législatif des
traités et accords internationaux.
Aux termes de l'article 45 de la Constitution, « les
traités ou accords internationaux régulièrement
approuvés ou ratifiés ont, dès leur publication, une
autorité supérieure à celle des lois, sous réserve
pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie
». Sous réserve de
74 Cité par Nguyen Quoc Dinh et Alii p. 228.
75 Ibid.
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réciprocité donc, le législateur est
soumis au respect des conventions et accords internationaux et la violation
d'un traité devrait normalement être sanctionnée par le
constat de sa non conventionalité. Comme l'a affirmé madame Tarja
Halonen, membre du Parlement de la Finlande et vice- présidente de
l'Assemblée parlementaire de l'Europe, « lorsqu'ils adoptent
des lois, les Parlements devraient s'assurer que rien ne va à l'encontre
des engagements internationaux pris par leur pays...
»76.
Toutefois, le Conseil constitutionnel français, dans le
cadre d'une jurisprudence affirmée dans sa décision N° 74-54
DC du 15 janvier 1975, s'est refusé à contrôler la
conformité des lois aux stipulations des engagements internationaux de
la France, considérant qu' « une loi contraire à un
traité ne serait pas, pour autant, contraire à la
Constitution.»77. La tâche du contrôle
juridictionnel de la conventionalité des lois incomberait donc au juge
de l'application de la loi c'est-à-dire les juridictions judiciaires et
administratives. Il a fallu attendre un arrêt du 20 octobre 1989, Nicolo,
pour que le Conseil d'Etat admette à la suite d'un revirement
jurisprudentiel attendu78 qu'il lui appartenait de faire
prévaloir les conventions internationales sur les lois, même
postérieures ; bien que le Conseil ait précisé
ultérieurement que la compatibilité d'une disposition
législative avec une norme internationale n'était pas un moyen
d'ordre public79.
De façon générale, l'exposé des
motifs de certains projets de lois fait ressortir le cadre infra conventionnel
dans lequel ils s'inscrivent lorsqu'ils visent par exemple l'adaptation de
l'ordre juridique interne aux normes internationales. S'agissant du cas
particulier des normes communautaires, si elles s'imposent aux lois nationales
au même titre que l'ensemble du droit international, sa férule est
beaucoup plus contraignante, du fait d'une évolution qui conduit
à considérer que la supériorité du droit
communautaire sur la loi aurait un autre fondement que l'article 45 de la
Constitution80.
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