Paragraphe II- La pratique de la diplomatie
parlementaire.
La fonction diplomatique est celle par laquelle sont
élaborées les normes de droit international public
c'est-à-dire celles qui gouvernent les relations entre puissances
étatiques. On y trouve évidemment l'ensemble du droit
international conventionnel au sens strict, mais également les normes
non conventionnelles en dérivant, à l'instar des actes
unilatéraux des organisations internationales intégrées,
de même que l'ensemble des règles formellement non
conventionnelles non- écrites par lesquelles l'Etat est
internationalement lié, la coutume et dans une certaine mesure
59 Ibid. pp. 156-164.
60 Cela peut s'expliquer également par
l'argument qui consiste pour les membres du Gouvernement d'affirmer devant les
députés qu'en ratifiant un traité, le Cameroun tiendrait
ses engagements internationaux. Cet argument est juridiquement inexact parce
que le Cameroun ne peut être tenu par un engagement que s'il est parfait
c'est-à-dire ratifié ; en réalité l'engagement
international ne naît réellement qu'une fois la ratification
effectuée dans les formes prescrites par la Constitution. Toutefois l'on
ne peut nier un engagement moral ou politique pris par l'Exécutif au
moment de la signature, mais l'on peut également s'interroger sur la
portée réelle d'un tel engagement devant l'Assemblée
nationale.
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les principes généraux du droit61.
Bien que traditionnellement attribuée à l'Exécutif, on
note de plus en plus l'intervention du Parlement dans certains domaines et sous
certaines conditions (A) même si la portée normative et
obligatoire de ces énoncés interparlementaires reste très
contrastée (B).
A- Une intervention de l'Assemblée nationale
tolérée dans certains domaines.
Bien que certains auteurs aient proposé de limiter les
précédents, éléments matériels de la
coutume, aux seuls actes des agents diplomatiques, cette conception restrictive
n'a pas été suivie par le droit international, et comme
l'affirment les professeurs Nguyen Quoc Dinh, Pellet et Daillier, «
les actes législatifs et administratifs peuvent aussi servir de
précédents le cas échéant »62.
Ainsi les prises de positions, déclarations et autres actes de
l'Assemblée nationale peuvent établir une pratique, qui si elle
est accompagnée d'une opinio juris, ferait naître une coutume
d'où peut découler un engagement liant l'Etat du Cameroun. Le
professeur Ruzié cite ainsi en exemple les lois internes portant sur des
matières d'ordre international telles la mer, les nationalisations, les
immunités ou encore la neutralité63. Toutefois, dans
un contexte de « sacralisation de l'Exécutif (...) exact reflet
du présidentialisme tropical »64 et où
« les projets de loi ont toujours reçu et reçoivent
rapidement l'appui de la majorité parlementaire acquise au Parti au
Pouvoir alors que les propositions de lois non seulement sont rares, mais ne
deviennent jamais les normes législatives au Cameroun
»65, les actes législatifs sont très souvent
ceux que l'Exécutif veut bien qu'il pose quand il ne les incite.
L'intervention parlementaire n'a en réalité lieu dans ce qui est
considéré comme le « domaine réservé » du
chef de l'Etat, que dans les formes et les domaines déterminés
par la présidence de la République comme l'illustre la pratique
des groupes d'amitié.
Le groupe d'amitié est un groupe de parlementaires
destiné à créer ou resserrer des liens d'amitié
avec des parlements étrangers. D'un point de vue fonctionnel, on
pourrait dire aujourd'hui qu'un groupe d'amitié est un instrument
privilégié de la politique des relations internationales de
l'Assemblée nationale et l'un des relais parlementaires de la politique
étrangère66. En effet, avec soixante douze groupes
d'amitié67, le réseau diplomatique de
l'Assemblée nationale dépasse largement le cadre des pays avec
lesquels l'Etat du Cameroun entretient des relations
61 Denys de Bechillon Op. Cit. p. 81.
63 David Ruzié Op. Cit. p. 51.
62 Nguyen Quoc Dinh et alii Op. Cit. p. 326.
64 Joseph Kankeu « Les missions du Parlement camerounais
: regard sur une illusion », Juridis Périodique N° 73,
janvier-février-mars 2008, p. 42.
65 Ibid. p. 45.
66 « L'Assemblée nationale et les relations
internationales » Op. Cit. p. 60.
67 Voir annexe 2.
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diplomatiques. C'est parce qu'ils apparaissent comme des
relais parlementaires de la politique étrangère, qu'au sein des
délégations se trouve toujours un représentant du
ministère des relations extérieures qui participe activement
à la préparation des voyages officiels mais également
à la détermination et au choix des sujets et questions à
débattre.
Si l'Exécutif veille autant à la manière
dont sont menées les relations interparlementaires, c'est parce que les
résolutions qui y sont prises sans engager l'Etat au sens du droit
international, n'en ont pas moins une certaine portée.
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