B- Le choix de la soumission au Parlement
La latitude d'opérer un choix se présente
à l'Exécutif au moment de la négociation dans la forme de
l'accord, de la modalité d'obtention de l'autorisation de ratifier et du
moment de requérir cette autorisation.
S'agissant de la forme de l'accord, le droit international
à côté des traités au sens
étroit32 consacre la catégorie des accords en forme
simplifiée. Ce sont des accords internationaux devenant obligatoires par
la seule signature. Celle-ci remplit selon le professeur Ruzié une
quadruple fonction : authentification du texte, précision du lieu et de
la date, consentement des plénipotentiaires, force
obligatoire33. Pour ce type d'accord, le traité est
définitivement conclu dès qu'il est signé. Il n'est plus
nécessaire qu'intervienne après cette signature un
deuxième acte quelconque, que ce soit la ratification, l'acceptation ou
l'approbation34. Or comme le relèvent les professeurs Nguyen
Quoc Dinh, Patrick Daillier et Alain Pellet, aujourd'hui les traités en
forme solennelle ne constituent qu'une catégorie, largement minoritaire,
d'accords internationaux35. Le pouvoir Exécutif a donc la
possibilité en optant pour ce type d'accords de soustraire à la
procédure de ratification et donc de l'office de l'Assemblée
nationale un certain nombre d'engagements.
En effet, la constitution camerounaise contrairement à
celle de la France par exemple, ne contient aucune disposition relative
à ces accords ; l'article 43 disposant juste que les traités et
accords lorsqu'ils sont du domaine de la loi sont soumis avant ratification
à l'approbation en forme
30 L'article 23-3 de la Loi fondamentale allemande
dispose : « Avant de concourir aux actes normatifs de l'Union
européenne, le gouvernement fédéral donne au Bundestag
l'occasion de prendre position. Dans les négociations, le gouvernement
fédéral prend en considération les prises de position du
Bundestag » cité par « L'Assemblée nationale et
l'Union européenne », Connaissance de l'Assemblée
N° 9, février 1998, p. 181.
31 Ibid.
32 Selon l'expression de David Ruzié. David
Ruzié Droit international public, Paris, Dalloz, Mémentos,
14ème édition, 1999, p. 23.
33 Ibid. p. 29.
34 Nguyen Quoc Dinh, Patrick Daillier, Alain Pellet Droit
international public, Paris, LGDJ, 7ème édition,
2002, p. 143.
35 Ibid. p. 142.
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législative du Parlement. La ratification est-elle
obligatoire dès lors que l'accord est du domaine de la loi ? Ou
l'approbation du Parlement n'est requise q'une fois que le traité est
soumis à ratification ? Dans tous les cas, le constituant camerounais
aurait sans doute gagné en précision et en clarté en
énonçant une obligation pour l'Exécutif de requérir
une autorisation parlementaire pour les accords les plus importants.
Aux termes de l'article 36 alinéa 1 de la Constitution
du 18 janvier 1996, le président de la République peut
après consultation du président du Conseil constitutionnel, du
président de l'Assemblée nationale et du président du
Sénat, soumettre au référendum tout projet de
réforme qui, bien que relevant du domaine de la loi, serait susceptible
d'avoir des répercussions profondes sur l'avenir de la Nation et les
institutions nationales. Il s'agit notamment « des projets de loi
tendant à la ratification des accords ou des traités
internationaux présentant, par leurs conséquences, une importance
particulière ». Le président de la République
dispose ainsi de la possibilité de soustraire le Parlement de la
procédure de ratification lorsqu'il estime que celui-ci serait hostile
à un accord international qui aurait l'appui du peuple. Cette
hypothèse est possible lorsqu'en raison d'une différence entre
majorité présidentielle et majorité parlementaire, le Chef
de l'Etat nouvellement élu dispose de la sympathie des populations face
à un Parlement qui lui serait hostile. Bien que cette hypothèse
reste un pur cas d'école dans le contexte camerounais actuel et que le
recours au referendum n'ait jamais été effectué pour une
autorisation de ratification au Cameroun, il n'en demeure pas moins que le
président de la République dispose d'une véritable option
dans le choix de la modalité d'obtention de l'autorisation de
ratifier.
Le pouvoir Exécutif même lorsqu'il décide
de requérir l'approbation en forme législative du Parlement,
dispose d'un pouvoir discrétionnaire dans le choix du moment. En effet,
il n'existe aucune indication textuelle du moment où l'Assemblée
nationale doit être saisie aux fins d'obtenir une autorisation de
ratifier. Ce qui explique sans nul doute le long délai en moyenne
observé entre la signature et la ratification. Les députés
de l'Assemblée nationale s'en sont d'ailleurs plusieurs fois plaints en
relevant « la période anormalement longue entre l'adoption de
la convention et le dépôt du texte sollicitant de
l'Assemblée nationale l'autorisation de ratifier
»36 ou encore « pourquoi le Cameroun compte
toujours parmi les derniers pays à ratifier les conventions ?
»37. A
36 Rapport de la Commission des affaires étrangères
sur le Projet de loi N° 751/PJL/AN autorisant le président de la
République à ratifier la Convention sur l'assistance en cas
d'accident nucléaire ou de situation d'urgence radiologique,
adoptée le 26 septembre 1986 à Vienne, mars 2004,
Inédit.
37 Rapport de la Commission des affaires étrangères
sur le Projet de loi N° 752/PJL/AN autorisant le président de la
République à ratifier la Convention sur la notification rapide
d'un accident nucléaire, adoptée le 26 septembre 1986 à
Vienne, mars 2004, Inédit).
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ces interrogations le représentant du gouvernement
répondra en faisant valoir soit le caractère délicat et
sensible du nucléaire qui nécessitait au préalable des
larges concertations, ou encore le caractère scientifique du sujet qui
« importait de bien comprendre et d'en connaître toutes les
implications avant de les ratifier »38. Quoi qu'il en
soit, l'Exécutif dispose d'un véritable pouvoir
discrétionnaire pour la soumission de l'engagement international au
Parlement et en cas d'autorisation de ratifier sur la prise d'effet de
l'engagement.
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