DEUXIEME PARTIE
L'ASSEMBLEE NATIONALE ET LES ENGAGEMENTS
INTERNATIONAUX DE L'ETAT
L'accord résultant de l'engagement international n'est
pas nécessairement juridique. Ainsi dans ses conclusions reproduites
à la suite de la Résolution adoptée à sa session de
Cambridge par l'Institut de droit international le 29 août 1983, le
professeur Michel Virally affirme : « Ne constituent pas des textes
internationaux ayant une portée juridique dans les relations mutuelles
entre leurs auteurs les textes comportant des engagements à
l'égard desquels les Etats qui les ont acceptés ont entendu se
lier seulement sur le plan politique et qui déploient tous leurs effets
sur ce plan. »25. Nous nous intéresserons par
conséquent aux seuls engagements internationaux juridiques de l'Etat.
Sur ce plan le Parlement camerounais à travers l'Assemblée
nationale, unique chambre fonctionnelle, joue un rôle contrasté
selon que l'on s'intéresse à la naissance de l'engagement
(chapitre III) ou à sa mise en oeuvre (chapitre IV).
18
25 Cité par Jean Salmon Op. Cit. p
19
CHAPITRE III : LE ROLE DE L'ASSEMBLEE NATIONALE DANS LA
NAISSANCE DES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX DE L'ETAT
La Constitution camerounaise du 18 janvier 1996
révisée énonce à son article 43 : « Le
Président de la République négocie et ratifie les
traités et accords internationaux. Les traités et accords
internationaux qui concernent le domaine de la loi, défini à
l'article 26 ci-dessous, sont soumis avant ratification, à l'approbation
en forme législative par le Parlement. ». De cette
disposition, il ressort clairement une prééminence de
l'Exécutif incarnée par son Chef dans la conclusion des
engagements internationaux (section I) pour lesquels l'Assemblée
nationale n'a en réalité qu'un rôle marginal et
résiduel (section II).
SECTION I : UN ROLE PASSIF AU REGARD DE LA
PREEMINENCE
CONSTITUTIONNELLE DE L'EXECUTIF.
L'Assemblée nationale et le Parlement dans son ensemble
ont peu d'emprise sur la décision d'engager l'Etat sur la scène
internationale. C'est au président de la République seul, chef de
l'Exécutif, qu'appartient l'initiative de l'engagement (paragraphe I) et
une fois l'engagement conclu la décision finale de lier l'Etat
(paragraphe II).
Paragraphe I- L'initiative de l'Exécutif.
Le pouvoir d'initiative de l'Exécutif se manifeste
à travers sa compétence exclusive d'élaboration de
l'engagement international (A) et de la discrétion dont il dispose pour
la soumission de cet engagement au Parlement (B).
A- Compétence exclusive d'élaboration de
l'Exécutif.
« Négocier ne saurait être le fait de
plusieurs, et rien de ce qui touche aux relations d'un peuple avec ses voisins
ne peut être préparé dans le tumulte d'une assemblée
délibérante. Cependant, il n'y a pas de question sur lesquelles
un gouvernement puisse être exposé à compromettre les
intérêts publics d'une façon plus grave qu'en
matière de politique extérieure. Les vrais principes veulent que
le gouvernement ait les mains complètement libres pour toutes les
négociations diplomatiques, mais qu'il ne puisse jamais engager
définitivement sa signature, qui est celle de la nation, sans l'avis
préalable des représentants de la nation»26.
Ces propos d'Eugène
26 Eugène Pierre cité par Laurent Fabius, «
L'Assemblée nationale et les Relations internationales »,
Connaissance de l'Assemblée N° 11, septembre 1998, p.5.
20
Pierre, secrétaire général de la chambre
des députés en 1902, illustrent et résument assez bien la
logique qui a conduit à la consécration d'une compétence
exclusive de l'Exécutif pour l'élaboration des traités et
conventions. Ainsi, les plénipotentiaires de l'Etat dans les
négociations internationales sont les représentants du pouvoir
Exécutif. Qu'il s'agisse du Président de la République, du
Premier ministre, du ministre des affaires étrangères, de
l'ambassadeur ou de tout autre agent de l'Etat désigné à
cet effet, le plénipotentiaire est issu du pouvoir Exécutif dont
il applique la politique et les directives. Même dans les
hypothèses où, comme dans la pratique camerounaise, il arrive que
le Président de l'Assemblée nationale représente l'Etat
à un forum international ou au sein d'une organisation internationale
c'est toujours, selon la formule consacrée, en qualité de «
représentant personnel du Chef de l'Etat ». Comme l'affirme pour le
regretter madame Ann-Cathrine Haglund, membre du Riksdagen de la Suède,
« les gouvernements ne consultent presque jamais leurs parlements
nationaux avant de signer une convention ».27
Cette compétence exclusive de l'Exécutif dans
l'élaboration et la négociation des traités et accords
internationaux est précédée par une décision
discrétionnaire de participer ou non à la négociation. En
effet, conformément à l'article 5 de la constitution
camerounaise, c'est le Président de la République qui
définit la politique de la nation dont le gouvernement est chargé
de la mise en oeuvre28. Les engagements internationaux de l'Etat
faisant partie de la politique extérieure de la nation et
influençant la politique interne, il est logique que celui qui a en
charge de définir la politique de la nation, soit seul apte à
décider quels engagements doivent intéresser l'Etat du Cameroun.
Ces prérogatives constitutionnelles du Président de la
République sont accentuées dans la pratique camerounaise
où la politique étrangère fait partie du « domaine
réservé » du chef de l'Etat.
Le souhait exprimé par madame Tarja Halonen,
vice-présidente de l'Assemblée parlementaire de l'Europe, de voir
les parlementaires avoir connaissance des instruments internationaux auxquels
leur pays n'est pas encore partie ou ne l'est que partiellement afin de faire
pression sur les gouvernements afin qu'ils les ratifient ou y
adhèrent29 reste un voeu pieu dans le contexte camerounais.
L'on est encore loin de la pratique allemande où en vertu de l'article
23-3 de
27 « Mise en oeuvre au niveau national des instruments des
droits de l'Homme. Rapport introductif présenté par Ann-Cathrine
Haglund, membre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe
», Le Parlement : gardien des droits de l'Homme, symposium
interparlementaire, Budapest 19-22 mai 1993, UIP, série « rapports
et documents » N° 21, 1993, p. 71.
28 Article 11 alinéa 1 de la Constitution.
29 « Responsabilité et Rôle du Parlement pour
assurer le respect et la protection des droits de l'Homme et des
minorités. Rapport introductif présenté par Madame Tarja
Halonen, membre du Parlement de la Finlande, vice-présidente de
l'Assemblée parlementaire de l'Europe », Le Parlement : gardien
des droits de l'Homme Op. Cit. p. 23.
21
la Loi fondamentale30, lorsque le Bundestag s'est
prononcé sur un projet d'acte communautaire, le gouvernement
fédéral « tient compte » de cette position dans les
négociations au sein du Conseil. Même si ces avis n'ont pas de
caractère juridiquement contraignant, ils ont cependant un poids
significatif au niveau politique. Si le Gouvernement fédéral
souhaite s'écarter de l'avis du Bundestag, il doit se justifier
vis-à-vis de ce dernier31. Au Cameroun, l'exclusion du
Parlement du processus d'élaboration se double d'une totale
liberté de l'Exécutif du moment où l'Assemblée
nationale doit être associée au processus.
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