4. Une vérification biométrique de
l'identité?
Que ce soit dans le cadre du contrôle judiciaire ou
administratif, le sujet contrôlé est tenu de faire la preuve de
son identité « par tout moyen » (art. 78-2, al. 1), ce qui
inclut tout justificatif d'identité, au sens large, que ce soit par un
document comportant, ou non, une photographie (carte d'identité,
passeport, permis de conduire, de chasse, carte d'étudiant, mais aussi
carte Vitale, carte d'électeur, carte de donneur de sang, etc.) ainsi
que la possibilité de faire appel à des témoins
extérieurs.
Certes, en cas d'insuffisance des preuves, une «
vérification d'identité » peut être effectuée,
sur place ou au commissariat. La carte d'identité n'étant pas
obligatoire, l'appréciation de la nécessité de cette
vérification est laissée à l'appréciation des
forces de l'ordre. En droit, la possibilité même du contrôle
pouvant être conditionnée au fait qu'il soit «
déjà connu », circonstance qui fournit une « raison
plausible », la procédure d'identification, a fortiori
celle de vérification d'identité, peut être largement
fictive. Depuis 1983, et surtout 1986, cette procédure peut inclure la
prise d'une photographie de la personne et le relevé des empreintes
digitale « après autorisation du procureur de la République
ou du juge d'instruction », et ce « si la personne interpellée
maintient son refus de justifier de son identité ou fournit des
éléments d'identité manifestement inexacts (...) lorsque
[ce relevé] constitue l'unique moyen d'établir
l'identité de l'intéressé8 » (art.
78-3 CPP).
875 Nous soulignons. Ce faisant, la loi n°86-1004
« relative aux contrôles et vérification d'identité
» alourdit notamment les procédures prévues par la loi
n°83-466 du 10 juin 1983, qui avait posé comme principe
général : « Les opérations de vérification
d'identité ne peuvent donner lieu à la prise d'empreintes
digitales ou de photographies. »
La loi de 1983 avait admis comme seule exception à ce
principe les cas où ce relevé anthropométrique
était « impérativement nécessaire à
l'établissement de l'identité de la personne interpellée
» et était pratiqué « dans le cadre d'une enquête
pour crime ou délit flagrant ou d'une enquête préliminaire
ou d'une commission rogatoire ou de l'exécution d'un ordre de recherche
délivré par une autorité judiciaire », et la
soumettait à l'autorisation du procureur de la République ou du
juge d'instruction (selon le cadre).
La loi de 1986 a été entérinée par le
Conseil constitutionnel, qui a précisé qu'elle n'était pas
« contraire à la conciliation qui doit être
opérée entre l'exercice des libertés constitutionnellement
reconnue et les besoins de la recherche des auteurs d'infraction et de la
prévention d'atteintes à l'ordre public, nécessaires,
l'une et l'autre, à la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle.
» (décision n°86-211 DC du 26 août 1986)
Chapitre V:La sécurisation biométrique des
documents de voyage et d'identité p. 312
A quoi ces empreintes sont-elles donc comparées? Depuis
1987876, avec le FNAED (Fichier automatique des empreintes
digitales), où sont enregistrées les traces, et les empreintes
dans certaines circonstances, lors d'enquêtes877, ainsi que
les empreintes des prisonniers; depuis 2005, le FNAED comporte aussi empreintes
palmaires et clichés anthropométriques$'$. Les officiers de
police judiciaire (OPJ) ou l'autorité judiciaire doivent pour cela se
référer au service d'identité judiciaire879.
Par ailleurs, les empreintes relevées depuis 1987 lors d'une demande de
carte d'identité peuvent aussi être comparées à
celles relevées lors du contrôle s'il s'agit d'un contrôle
judiciaire88°. Toutefois, lors de l'établissement de ce
relevé en 1987, aucun fichier n'avait été
constitué: ces empreintes sont donc conservées dans les dossiers
individuels des demandeurs, ce qui complique leur utilisation à des fins
d'identification judiciaire.
Par ailleurs, la loi Debré a introduit la
possibilité, en cas de contrôle réglementaire, de comparer
les empreintes de l'étranger appréhendé au FNAED (L611-4
CESEDA). A partir de 2006, l'accès de BIODEV II, qui enregistre les
empreintes de toute personne ayant demandé un visa (qu'elle l'ait
reçu ou non), est aussi étendu aux OPJ des services de la
Préfecture de police, des commissariats centraux de Lille, Lyon et
Marseille, « individuellement désignés et
spécialement habilités (...) pour des missions de
vérification d'identité » dans le cadre de l'art. 78-2
876 Décret n°87-249 du 8 avril 1987 (FNAED).
877 Les traces sont relevées dans le cadre
d'enquêtes pour « crime ou délit flagrant »; «
enquête préliminaire »; « commission rogatoire » ou
« exécution d'un ordre de recherche délivré par une
autorité judiciaire » (art. 1); pour le relevé d'empreintes,
pris dans un cadre identique, il faut des « indices graves et concordants
» de « nature à motiver l'inculpation » ou celui-ci doit
concerner une personne mise en cause dans une procédure pénale
« dont l'identification certaine s'avère
nécessaire »; le relevé des empreintes des
détenus est aussi effectué pour « s'assurer » de leur
« identité certaine » et « établir les cas de
récidive » (art. 3). Depuis le décret n°21305-585, le
FNAED comprend aussi les « empreintes palmaires ». De plus, l'art. 1
a été élargi aux enquêtes ou instructions pour
« disparition inquiétante ou suspecte », tandis que l'art. 3 a
été modifié pour autoriser, dans le cadre d'enquêtes
précité, le relevé d'empreintes de personnes «
à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants
rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme
complice, à la commission d'un crime ou d'un délit ».
Conformément à l'art. 24 de la loi de sécurité
intérieure de 2003, le FNAED comprend aussi « les traces et les
empreintes digitales et palmaires transmises par des organismes de
coopération internationale en matière de police judiciaire ou des
services de police étrangers en application d'engagements
internationaux. »
878 Décret n°21305-585 précité.
Conservées 25 ans, les empreintes relevées lors d'enquêtes
« peuvent être effacées à la demande de
l'intéressé, lorsque leur conservation n'apparaît plus
nécessaire compte tenu de la finalité du fichier. » (art.
8)
879 Décret n°87-249, art. 8.
88° Décret n°87-179, art. 2-al. 2
(transféré à l'art. 6 du décret
n°55-1397 instituant une carte d'identité, par le
décret n°99-973)
Chapitre V:La sécurisation biométrique des
documents de voyage et d'identité p. 313
et 78-3$$1. Rebaptisé VISABIO en 2007,
l'accès à ce fichier est permis afin de
« faciliter » les vérifications
d'identité menées dans le cadre de l'art. 78-3, ainsi que
« l'authenticité des visas et de la
régularité du séjour » (en ce cas, toutefois, la
consultation des empreintes digitales est exclue)882.
L'art. 78-5 prévoit en outre une peine
d'emprisonnement en cas de refus de se soumettre à cette
procédure, un précédent qui sera
réitéré lors de l'instauration du Fichier national des
empreintes génétiques (FNAEG). Le relevé
anthropométrique effectué à cette occasion doit toutefois
être détruit si l'identification n'est suivie
« d'aucune procédure d'enquête ou
d'exécution adressée à l'autorité judiciaire »
(art. 78-3). Après quatre heures de rétention, la personne doit
être libérée, qu'elle ait été ou non
identifiée, sauf s'il y a « une ou plusieurs raisons plausibles de
soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction
», la rétention étant alors prolongée en garde
à vue (art. 77 CPP883), ce qui peut être le
cas si l'étranger est en situation irrégulière
(arrêt Mpinga, 1985884). La garde à vue peut aussi
être prolongée par une rétention administrative (ou une
rétention en zone d'attente885) si
l'irrégularité du séjour ou de l'entrée est
découverte au cours de celle-ci, le juge judiciaire contrôlant la
régularité de la garde à vue886.
881 Décret n°2006-470 du 25 avril 2006 (art. 4)
882 Décret n°2007-1560 du 2 nov.
2007
883 Avant la loi n°2002-307 du 4 mars 2002,
cela n'était possible que s' « il existe des indices
faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre une
infraction. »
a84 Civ. 2, 28 juin 1995, Bull.
n° 212, p.122, Mme Mpinga Mesu c/
préfet du Calvados.
88 S'il est contrôlé aux frontières avec des
documents falsifiés ou usurpés.
886 Trassoudaine (2001): arrêt Mpinga
précité; et, transposé à la zone d'attente, Civ.
2, 24 févr. 2000, pourvoi n°
99-50.002, M. Kamyntankeu Peteiam c/ ministre de l'Intérieur
; 24 févr. 2000, pourvoi n°
99-50.001, Mlle Akueson c/ ministre de l'Intérieur
(inédits).
Chapitre V:La sécurisation biométrique des
documents de voyage et d'identité p. 314
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