D/ L'IDENTIFICATION PAR LE FACE-À-FACE,
PAR L'ÉCRIT, ET PAR LA BIOMÉTRIE:
L'APORIE DES CONTRÔLES D'IDENTITÉ
Bien que facultative en France, la plupart des Français
disposent d'une carte nationale d'identité. En effet, celle-ci se
révèle quasi-indispensable lors de nombre de démarches
administratives; elle constitue en outre un quasi-sésame lors d'un
contrôle d'identité, procédure qui s'est largement
banalisé depuis la loi « Sécurité et libertés
» du 2 février 1981. En effet, le cadre juridique
des contrôles d'identité, qui relevaient auparavant exclusivement
d'une opération de police administrative$~5, s'est
progressivement étendu, à la fois au sens d'une judiciarisation
de l'interpellation, qu'elle relève de la police judiciaire ou
administrative, et au sens d'une extension des possibilités d'effectuer
des contrôles judiciaires et administratifs. Le jour n'est
peut-être pas si loin où le contrôle d'identité se
fera biométrique (projet VINSI826); à certains
égards, il l'est déjà, comme le montre la procédure
de vérification d'identité. Analyser la biométrie sous cet
angle conduit à insister non pas sur les conséquences qu'elle
aurait au regard du droit à la vie privée, mais plutôt
envers la liberté d'aller et de venir, principe de valeur
constitutionnelle827.
Il convient donc d'analyser maintenant le cadre juridique de
ces contrôles, non seulement eu égard aux systèmes
biométriques qui ont progressivement été instaurés,
mais aussi en les mettant en perspective par rapport à la logique de
reconnaissance par le face-à-face, qui dominait les rapports sociaux
avant l'encartement généralisé de la population. Il
deviendra ainsi clair que non seulement l'identification par l'écrit ne
s'est pas substituée à la reconnaissance visuelle, mais l'a
825 Cf. l'arrêt Friedel du 5 jan. 1973, qui place les
contrôles d'identité, alors exclusivement considéré
comme des opérations de police administrative, « sous
contrôle » des juges judiciaires (Cass., crim., n°72-90278 ,
Bulletin Crim., Cour de Cass., Chambre crim. N. 7 P. 15), et
qui précède ainsi la loi « Sécurité et
libertés » qui « légalise » les
contrôles.
826 « Vérification d'identité
numérique sécurisée itinérante », programme de
recherche mis en oeuvre par Thales (délib. n°2008-084 du 27 mars
2008, cf. supra, chap. III)
827 Conseil constitutionnel, arrêt du 12 juillet 1979
(Rec. 1979, p.31), cité in Concl. de l'avocat
général Dontenwille, recueil Dalloz Sirey, 1985, 24e cahier (Cour
cass., crim., 25 avril 1985, arrêt Bogdan et Vuckovic). Voir aussi
Conseil d'Etat statuant au contentieux , 22 mai 1992, n°
87043, mentionné dans les tables du recueil Lebon (annulation circulaire
du 28 nov. 1986 imposant un visa de sortie à certains
étrangers)
Chapitre V:La sécurisation biométrique des
documents de voyage et d'identité p. 295
recouverte, de même que l'identification à
distance s'est superposée aux relations sociales de proximité,
mais que l'identification biométrique elle-même ne fait pas
disparaître ces registres anciens de l'identification policière et
administrative.
Ce faisant, nous verrons que l'interpellation, moment sur
lequel peut dépendre l'ensemble de la procédure judiciaire, mais
aussi phase par excellence de l'activité de police, qu'elle soit
judiciaire ou administrative, se double d'une interpellation première,
effectuée dès la demande d'un «certificat d'identité
» dans les locaux administratifs. Si Althusser avait pu utiliser, avec
humour, l'interjection policière du « hé, vous,
là-bas ! » comme scène théâtrale du
processus d'interpellation constitutif du sujet$28, celui-ci sortant
de son anonymat lorsqu'il se retourne pour obéir à l'injonction,
ne pouvons-nous pas déplacer le « lieu » de cette
interpellation (qui en vérité a toujours «
déjà eu lieu », les individus étant «
toujours-déjà des sujets ») pour la situer dès la
phase d'enrôlement des caractéristiques biométriques, phase
qui permet toutes les interpellations ultérieures, la personne
étant alors, sinon « signalée », du moins « connue
» de l'administration?
La juxtaposition des logiques de face-à-face et
d'identification par l'écrit, qui implique une superposition de
l'identité physique, corporelle, médiatisée par son
appréhension subjective ou sa description, et l'identité civile
et juridique, médiatisée par les papiers, s'expose
particulièrement dans ce qui apparaît comme une double contrainte
contradictoire (« double bind »), selon laquelle le
contrôle d'identité doit reposer « exclusivement sur des
critères objectifs », sans « discrimination » et en
excluant les critères d'apparence physique$29. Bien qu'elle
ne soit pas nouvelle, ayant fait l'objet de débats lors de la
Révolution française83°, l'intensité
potentiellement
aga Althusser, Louis (1970) « Idéologie et appareils
idéologiques d'État. (Notes pour une recherche). », La
Pensée, n°151, juin 1970. Republié in Positions
(1964-1975), pp. 67-125. Paris : Les Éditions sociales, 1976, 172
pp.
829 Cf. Tchen, Vincent (2006) « Encartement et
contrôles d'identité » in Xavier Crettiez & Pierre Piazza
(dir.), Du papier à la biométrie, identifier les individus,
Presses de Sciences-Po, p.139-168.
83O Ainsi, selon G. Noiriel, « Ducastel met
parfaitement en valeur le « talon d'Achille » de la technologie des
identités de papier telle qu'elle s'est développée
jusqu'aujourd'hui. Puisque les éléments qui définissent
l'identité légale d'une personne ne se voient pas,
comment empêcher la police de se livrer au « délit de
faciès » (...) sans imposer les contrôles d'identité
à tous les citoyens (...) ? (...) cette question nous rappelle
que, si la technologie des papiers d'identité a permis une immense
économie du travail de surveillance policière, elle n'a pas
supprimé le moment de l'interaction, du face-à-face, qui met aux
prises l'individu soumis à ces entreprises identificatrices et le
représentant de l'Etat qui est chargé de les appliquer. »
(Noiriel, G., 1998 ; p.464 éd. Belin, 2001).
Chapitre V:La sécurisation biométrique des
documents de voyage et d'identité p. 296
explosive de cette tension entre deux logiques
contradictoires, l'écrit et l'apparence, augmente en fonction de
l'extension du cadre des contrôles d'identité, du durcissement de
la politique de l'immigration831, ainsi que de l'intégration
régionale de l'Europe, perçue comme un continent « blanc
»832. Un magistrat a ainsi obtenu, non sans peine, le droit
d'écrire que « les contrôles d'identité au
faciès sont non seulement monnaie courante, mais se multiplient
»833. Enjeu stratégique en ce qui concerne la politique
de l'immigration, puisque 94 % des étrangers placés en
rétention administrative le sont à la suite de contrôles
d'identité834, ces derniers doivent en effet obéir aux
logiques contradictoires de la « politique du chiffre » tout en
respectant les normes encadrant les contrôles d'identité.
Or, celles-ci tentent elles-mêmes de respecter la
contradiction entre le principe républicain de la citoyenneté,
qui fait abstraction de toute origine ethnique, et le fait de relever des
« signes extérieurs d'extranéité »,
seule façon d'introduire le critère de l'apparence et du
signalement dans le droit sans pour autant conduire à des
discriminations fondées sur le physique ou le corporel. Le droit tente
ainsi de concilier l'interdiction de « toute discrimination » d'une
part, et des contrôles d'identité généralisés
et discrétionnaires d'autre part, à la possibilité de
contrôler la régularité de la présence
d'immigrés sur le sol national, mesure qui relève de la police
administrative, le droit des étrangers ressortissant des mesures de
police835. Le juge judiciaire est toutefois compétent pour
statuer sur l'irrégularité, invoquée par
l'étranger, de l'interpellation ou de la garde à
vue836. Seuls « des critères objectifs » doivent
donc guider la pratique des vérifications des titres de séjour,
vérification qui
831 En particulier à partir de la loi «
Sécurité et Liberté » du 2
février 1981, qui introduit le « contrôle
d'identité administratif». Les contrôles de titre de
séjour étaient effectués en vertu du décret de 1946
(cf. entre autres Joulin, 011iver (2009), « Contrôles
d'identité et chasse à l'étranger », Plein droit,
n°81, juillet 2009).
832 Torpey, John (2000), op. cit.,, p.194: « l'un
des effets les plus importants de l'intégration régionale en
Europe a consisté à inciter les personnes chargées de la
surveillance des frontières nationales à renforcer l'attention
portée aux différences raciales ».
833 Syndicat de la magistrature (2009), «
L'affaire « vos papiers ! » : un marathon judiciaire pour la
liberté d'expression », 17 juin 2009 (lien vers les arrêts et
l'avis du procureur général de la Cour de cassation).
834 Statistiques du Ministère de la Justice
citées par Joulin, 011ivier (2009), art. cit.
835 L'art. 6-1 de la Convention
européenne des droits de l'homme (droit à un procès
équitable) ne s'applique pas en matière de contentieux des
mesures d"éloignement des étrangers (C.E.D.H., Gde. Ch., 5 oct.
2000, Maaouia c/ France, Bull. inf. C. cass.
2000, n° 1256.).
836 Cour cass., arrêts Bechta, Mpinga, et Massamba du 28
juin 1995 (cf. S. Trassoudaine,
« L'intervention judiciaire dans le maintien des
étrangers en rétention administrative et en zone d'attente
», BICC, n°hors-série, juin 2001)
Chapitre V:La sécurisation biométrique des
documents de voyage et d'identité p. 297
peut conduire à une identification de la
personne837. Soulignons au passage qu'en droit, un
dépositaire de l'autorité publique ne peut, à strictement
parler, commettre de « discrimination » lors d'un contrôle
d'identité, mais tout au plus une « irrégularité
»838.
Il faut donc d'abord établir de façon objective
le statut étranger de la personne avant de pouvoir établir de
manière également objective qu'elle est en infraction eu
égard au droit des étrangers. C'est cette « double
détermination » qui suscite des contentieux: selon la Cour de
cassation, « la seule question véritablement posée par la
notion de discrimination concerne-t-elle l'interpellation, et donc
l'identification préalable de l'étranger par les forces de police
»839. Il existe en droit deux manières
d'établir « objectivement » l'extranéité de la
personne: s'attacher à des « signes extérieurs
d'extranéité », lorsqu'il s'agit d'un « contrôle
de réglementation », ou bien la découvrir de façon
fortuite et accidentelle à la suite d'un « contrôle de
sécurité », judiciaire ou administratif, poursuivant une
autre finalité84o
Toutefois, cette deuxième solution se heurte à
une aporie : comment déterminer qu'une personne est
étrangère et donc procéder à un contrôle de
la régularité de sa
837 DC n°93-325 du 13 août 1993,
à propos de l'art. 5 de la « loi Pasqua »
(n°93-1027). Selon le Conseil constitutionnel, « la
mise en oeuvre des vérifications [des titres de séjour] ainsi
confiées par la loi à des autorités de police judiciaire
doit s'opérer en se fondant exclusivement sur des critères
objectifs et en excluant, dans le strict respect des principes et règles
de valeur constitutionnelle, toute discrimination de quelque nature qu'elle
soit entre les personnes. »
838 Ceci a été
rappelé par le procureur général de la Cour de cassation
lors de l' « affaire Schouler », du nom du magistrat ayant
écrit Vos papiers! Que faire face à la police? et
poursuivi pour diffamation. Cf. Syndicat de la magistrature, art. cit., et
art. 432-7 du Code pénal: « La discrimination définie
à l'article 225-1, commise (...) par une personne dépositaire de
l'autorité publique (...) est punie (...) lorsqu'elle consiste : 1°
A refuser le bénéfice d'un droit accordé par la loi ;
2° A entraver l'exercice normal d'une activité économique
quelconque. » Dès lors, a priori, seul des contrôles
d'identité répétitifs entravant l'exercice normal d'une
activité économique pourraient être doté d'un
caractère discriminatoire.
839 « Alors que l'État s'est, de tout
temps, reconnu des prérogatives de haute police sur les
étrangers, dictées par des considérations d'ordre public,
et plus récemment, de maîtrise des flux migratoires, en vue
d'assurer le cas échéant le contrôle et
l'éloignement du territoire national de ces ressortissants, ainsi que
leur rétention temporaire pour l'exécution de cette mesure,
l'examen de la situation administrative et/ou pénale des
étrangers en situation irrégulière sur le territoire
national postule la nécessité d'une double
détermination, tenant d'une part, à la qualité
d'étranger -- et non de citoyen ressortissant de l'État -- de
l'intéressé, et d'autre part, au caractère
irrégulier de l'entrée ou du séjour de l'étranger
sur le territoire national. Aussi, dans les contentieux civils ou
répressifs auxquels cela donne lieu, la seule question
véritablement posée par la notion de discrimination
concerne-t-elle l'interpellation, et donc l'identification préalable de
l'étranger par les forces de police. Et, à cet égard,
le juge judiciaire doit nécessairement se prononcer sur toute
irrégularité, invoquée par l'étranger, de la
vérification ou du contrôle d'identité dont il a
été l'objet, car tout vice l'affectant retentit sur l'ensemble
des actes subséquents. » (rapport 2008 de la Cour de cassation --
nous soulignons).
84o Nous utilisons ici la distinction adoptée
par Vincent Tchen (2006).
présence alors même qu'elle a prouvé son
identité sans pour autant exposer sa nationalité, puisque tout
justificatif d'identité peut être présenté ? Une
telle aporie n'a cependant pas suscité, semble-t-il, de contentieux,
ceux-ci portant sur le moment de l'interpellation lui-même, et non sur le
passage du contrôle d'identité effectué en vertu de l'art.
78-2 du Code de procédure pénale au contrôle du titre de
réglementation.
Par ailleurs, la distinction entre « contrôle de
réglementation », régi pour ce qui nous concerne par le
CESEDA, et les contrôles de sécurité, régis par le
Code de procédure pénale, tend à s'estomper841.
On peut même considérer qu'il est « vain » de «
tenter une trop subtile distinction » à cet égard, puisque
ces deux actes consistent « bien à « interpeller », au
sens étymologique du terme, une personne jusque-là anonyme, en un
lieu public », conduisant ainsi à son identification et à
une restriction de sa liberté d'aller et de venir842. Ces
contrôles obéissent à une « logique en cascade »:
en cas de contentieux, la Cour peut examiner d'abord, selon les arguments
invoqués par les parties, si le contrôle pouvait avoir
été effectué dans le cadre du contrôle de
réglementation, donc s'il y avait des « signes extérieurs
d'extranéité » autorisant celui-ci. Si ce n'est pas le cas,
elle examinera alors s'il eut pu être effectué dans le cadre du
contrôle judiciaire, qui requiert des « indices » ou «
raisons plausibles » de soupçonner une infraction imminente (art.
78-2 al.i). Si ce n'est pas le cas, elle examinera alors s'il eut pu être
effectué dans le cadre administratif de la prévention d'une
« atteinte à l'ordre public » (art. 78-2 al. 3)843.
Le contrôle sur réquisition du procureur de la République
(art. 78-2 al. 2) obéit à une autre logique, puisqu'il
dépend de l'autorité judiciaire et couvre une zone
déterminée. Nous examinerons donc les contrôles dans cet
ordre, en laissant pour la fin la question de la vérification de
l'identité.
841 Cf. Tchen, V. (2006)
842 Conclusions de l'avocat général Dontenwille,
recueil Dalloz Sirey,1985, 24e cahier. Jurisprudence (Cour cass., crim., 25
avril 1985).
843 Cf., pour un exemple d'une telle argumentation à
double détente, Cour d'appel Lyon, 4e ch. A, 19 avril 1994, Min. pub. c/
M...: « l'interpellation était dès lors légalement
fondée sur les dispositions de l'art. 78-2, al. 1 (...) Attendu au
surplus, que la rédaction de l'art. 3 de cet article, résultant
de la loi n°93-992 du 10 août
1993, permet le contrôle de toute personne, quel que soit son
comportement, pour prévenir une atteinte à l'ordre public (...)
Que dès lors, les motifs justifiant le contrôle sont réels
et pertinents, au sens d la décision du Conseil constitutionnel du 5
août 1993 » (et note de Gérard Blanc,
Jurisclasseur, « procédure pénale. Art. 78-1
à 78-5 », fasc. 10, par Jacques Buisson).
Chapitre V:La sécurisation biométrique des
documents de voyage et d'identité p.
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1. Les contrôles de réglementation
Les contrôles des titres de séjour, auparavant
permis par les décrets du 18 mars 1946 et du 3o juin 1946, et
aujourd'hui effectués en vertu de l'art. L611-1 du CESEDA, sont des
contrôles de réglementation, à l'instar des contrôles
des titres de transport, du permis de chasse ou de conduire, ou encore des
livrets de circulation. Si la personne contrôlée est en infraction
à la législation sur les étrangers (ILE), le
contrôle peut se prolonger en vérification de son identité.
Inversement, un contrôle d'identité « classique »,
effectué en vertu du Code de procédure pénal, peut, depuis
1986, se prolonger en contrôle de réglementation: tout
étranger peut être tenu de présenter, en sus d'une preuve
de son identité, ses titres de séjour. Ceci révèle,
selon N. Ferré, « la finalité première des
contrôles d'identité »844: la répression de
l'immigration illégale.
Contrairement aux autres contrôles de
réglementation, les contrôles de titre de séjour visent une
catégorie spécifique d'individus, les étrangers, en
principe non détectable à l'oeil nu (contrairement à un
automobiliste ; relevons que la catégorie des personnes devant porter
sur soi un livret de circulation n'est pas non plus détectable à
l'oeil nu845).
Cela pose un problème évident de discrimination,
qui a conduit la Cour de cassation, par une création prétorienne
de 1985, à affirmer que le contrôle du titre de séjour
effectué en-dehors du « contrôle de sécurité
» prévu par le Code de procédure pénale ne pouvait
s'effectuer que « lorsque des éléments objectifs
déduits de circonstances extérieures à la personne
même de l'intéressé sont de nature à faire
apparaître celui-ci comme étranger »846. Suivant
les conclusions de l'avocat général Dontenwille, qui
considérait que « dissocier le contrôle reviendrait à
faire éclater la
844 Ferré, Nathalie (1997), « Une obsessionnelle
présomption de clandestinité », Plein droit,
n°35, septembre 1997
845 Elle concerne les individus n'ayant pas de
domicile fixe depuis plus de six mois: il faut donc départager les
individus entre ceux ayant un domicile fixe et les autres, et ensuite entre les
« S.D.F. » l'étant depuis moins de six mois et les autres. Il
s'agit-là, encore, d'une double détermination qui ouvre la porte
à une discrimination possible.
846 Cour cass., crim., 25 avril 1985 (arrêts
Bogdan et Vuckovic). Cf. Trassoudaine (2001).
300
notion unitaire des droits de l'homme », et qui
soulignait déjà que l'interpellation était le «
soutien lui-même de toute l'action publique engagée », en
étant son « point de départ »847,
l'arrêt de la Cour place donc les contrôles de titres de
séjour et le choix opéré par les agents entre
contrôle réglementaire et contrôle de sécurité
sous l'appréciation du juge judiciaire -- qui apprécie non la
nature du contrôle effectué en fait, mais sa description faite
dans le procès-verbal (l'art. 78-2 al.7 du CPP impose au policier de
mentionner les motifs du contrôle), qui fait foi jusqu'à preuve du
contraire.
Qu'est-ce donc qu'un « signe extérieur
d'extranéité » ? En l'espèce, la Cour avait
considéré qu'être passager d'un véhicule
immatriculé à l'étranger constituait un tel
élément objectif et extérieur (arrêt Bogdan). Plus
tard, comme l'a souligné la circulaire du 21
février 2006848, la Cour de cassation a pu exclure
l'usage d'une langue étrangère des « critères
objectifs »849, En revanche, le contrôle
d'étrangers revendiquant publiquement leur statut de « sans-papiers
» a été jugé régulier85°.
847 Ibid.
848 Circulaire du 21 février 2006
relative à aux conditions de l'interpellation d'un étranger en
situation irrégulière, garde à vue de l'étranger en
situation irrégulière, réponses pénales. CRIM 2006
05 E1/2102-2006. NOR : JUSD0630020C (Bulletin officiel du ministère
de la justice, n° 101 (ier janvier au 31 mars 2006)
849 Civ. 14 déc. 2000, req.
N° 99-20089 (citée par la circulaire du 21
fév. 2006); cf. aussi Civ. 2, 25 nov. 1999,
pourvoi n° 98-50.045, M. Demingha c/ préfet de la Moselle
(inédit) (cité par Trassoudaine, 2001).
85° Civ. 2e, 12 nov. 1997 ,
req. N°96-50070, bull. ciu. II, n° 269, p.
158 (il s'agit d'un arrêt donné à
l'occasion de l'évacuation de l'Eglise Saint-Bernard) ; Civ.
2e, 14 juin 2005 ; req. n° 04-50068
Chapitre V:La sécurisation biométrique des
documents de voyage et d'identité p.
Chapitre V:La sécurisation biométrique des
documents de voyage et d'identité p. 301
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