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Des identités de papier à  l'identité biométrique

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par David Samson
Ecole des hautes études en sciences sociales - Master 2 de théorie et analyse du droit 2009
  

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Chapitre V:La sécurisation biométrique des documents de voyage et d'identité p.

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Seuls 5 Etats membres n'utilisent pas d'examens médicaux dans cette procédure8i6. Deux de ces Etats s'appuient uniquement sur les estimations faites par l'officiel en charge de la demande (le plus souvent un agent des forces de l'ordre). Ces examens peuvent inclure des entretiens avec des docteurs et des psychiatres, un examen visuel par des spécialistes, des examens dentaires, sanguins, radiologiques ou encore des « tests de développement sexuel ». Ils sont souvent combinés à d'autres modes d'estimation, tels que le recueil de données de recensement ou d'autres documents pertinents$17. Techniquement, les examens médicaux ne parviennent qu'à donner une estimation approximative de l'âge, avec des marges d'erreur de plusieurs années (pour les rayons X, une marge d'erreur de deux ans)818.

Juridiquement, la procédure du relevé d'empreintes pour ces mineurs est assujettie à la Convention européenne des droits de l'homme et à la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant (dont l'art. 3 mentionne « l'intérêt supérieur de l'enfant »; l'art. 16 défend le droit à la vie privée (« privacy ») de l'enfant, et l'art. 22 traite des dispositions spécifiques s'appliquant aux mineurs requérant le statut de réfugié). S'ajoutent à ces deux conventions les « guidelines » du manuel du HCR sur les procédures et les critères pour déterminer le statut de réfugié sous la Convention de 1951 et le Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés, qui, bien que n'ayant pas « force de loi », sont d'importantes « sources de droit »819. L'art. 197 de ce manuel souligne la difficulté pour les demandeurs d'asile d'apporter des preuves de leur situation réelle et de leurs besoins; l'art. 203 leur accorde le « bénéfice du doute » en cas de preuves insuffisantes; et l'art. 214 insiste sur le « degré de développement mental et de maturité » en tant que critère permettant de considérer qu'un mineur puisse jouir du statut de réfugié. En d'autres termes, cet article s'oppose à la détermination d'un âge objectif fixe, au profit d'une « maturité » plus flexible selon les personnes, dépendant, selon l'art. 216 de ce manuel, du « contexte personnel, familial et culturel ». Dans le cadre de l'examen de l' « amendement Mariani » à la loi Hortefeux, le Comité consultatif national d'éthique a pu également insister sur l'importance de la prise en compte de la « maturité » de l'enfant, plutôt que de s'arrêter au simple « âge biologique », « physiologique » ou « juridique ». Pour le CCNE, l' « âge réel » ne se réduit en effet ni à la fiction juridique établissant celui-ci

816Ibid., p.17 817Ibid., p.18 818 Ibid., p.21 819Ibid., p.16

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d'autorité, ni « à une image, une mensuration ou une manifestation d'un développement pubertaire »820.

En outre, la directive du Conseil n°2005/85 du ler décembre 2005, concernant les standards minimums des procédures dans les Etats-membres pour accorder et retirer le statut de réfugié, énonçait plusieurs dispositions spécifiques pour les mineurs. Si cette directive ne s'applique pas directement à EURODAC, puisqu'elle concerne d'abord l'ensemble du cadre juridique relatif à l'examen des demandes d'asile, elle peut être considérée, selon le rapport conjoint du CEPD et des autorités nationales de protection de données personnelles, comme une « source d'inspiration ». Ce rapport insiste sur le fait que l'art. 17 de cette directive permet, sans obliger, l'examen médical à des fins de détermination de l'âge. Celui-ci est assujetti à une information du sujet, à son consentement, à « l'intérêt » de l'enfant et au fait que le refus de consentir à un tel examen ne doit pas forclore l'examen de la demande d'asile.

Ces examens peuvent représenter une intrusion dans la vie privée et contre l'intégrité des personnes, et doivent donc être réglementés de façon claire et accessible, selon la jurisprudence de la Cour européennes des droits de l'homme au sujet de l'art. 8 protégeant la vie privée$21. Les médecins, en particulier, soulignent non seulement l'inexactitude relative de ces examens, mais aussi leur caractère potentiellement traumatisant pour ces mineurs en situation de vulnérabilité, les manquements possibles à l'éthique médicale dans le fait d'utiliser à des fins administratives des procédures médicales, et leur effet potentiellement nocif. Ces deux derniers points concernent en particulier les examens radiologiques, producteurs de radiations plus graves que l'échographie ou l'IRM$22.

Nonobstant la variété des examens utilisés selon les Etats, et donc la disparité de traitement des demandeurs d'asile mineurs selon les Etats, le rapport préconise ainsi l'abandon pur et simple de ce seuil de 14 ans utilisé pour le relevé des empreintes digitales dans EURODAC, d'autant plus que, pour ce qui concerne les procédures générales d'asile, le seuil de 18 ans est utilisé. Etant donné que le règlement Eurodac vise à l'implémentation du règlement Dublin II, « il n'y a pas de lien entre l'objectif de

82° CCNE, avis n°88 « sur les méthodes de détermination de l'âge à des fins juridiques », 23 juin 2005.

821 Ibid., p.20

822 Ibid. , p.22

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faciliter l'application des règles de Dublin et le prélèvement des empreintes digitales d'enfants de moins de 18 ans. »$~3 Ces prises d'empreintes ne correspondent ni au principe de nécessité, ni au principe de proportionnalité, selon le CEPD et les autorités nationales de protection des données. Si cette mesure n'était pas suivie, le rapport préconise a minima la prohibition des examens médicaux « invasifs », c'est-à-dire contrevenant au droit à la vie privée. La détermination de ce qui constitue un examen non invasif reste ouverte; du moins, les examens radiologiques sont considérés par un Etat-membre comme contrevenant au droit à l'intégrité$24.

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823 Ibid., p.22

824 Ibid., p.18

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5. L'identité biométrique, des étrangers aux citoyens

De l'expérimentation concernant le Fichier automatisé des empreintes digitales (FNAED) et le fichier dactyloscopique de l'OFPRA à la constitution de bases de données européennes visant l'ensemble des étrangers, à des fins de contrôle de l'immigration mais aussi dans une optique de lutte contre le terrorisme, thème sécuritaire qui justifie aussi l'encartement biométrique de l'ensemble des citoyens demandant un passeport et, bientôt, probablement, une carte d'identité, le chemin parcouru depuis 1984, date à laquelle la CNIL autorisa l'expérimentation concernant le FNAED, suffit amplement à accréditer la méfiance des organisations de défense des droits de l'homme à l'égard des fichiers, mettant en avant le risque important de « détournement de finalité » (function creep). La règle, en effet, veut qu'un fichier créé pour un usage précis, encadré par la législation, soit progressivement, à la faveur des réformes, étendu à d'autres usages.

Ainsi, en un peu plus d'une décennie, sous l'effet à la fois du durcissement de la politique nationale d'immigration et de l'établissement d'une politique européenne concernant l'immigration et le droit d'asile, menée dans le cadre d'abord de la Justice et des Affaires intérieures (JAI), puis de la « coopération judiciaire et pénale », le fichier de l'OFPRA a vu la durée de conservation de ses données doubler, en 1995, puis être utilisé à des fins de comparaison avec les données recueillies par d'autres Etats membres de la Convention de Dublin (arrêté du 9 décembre 1999), procédure systématisée par la mise en place du système EURODAC, qui inclut désormais, aux côtés des demandeurs d'asile, tous les étrangers de plus de 14 ans appréhendés à l'occasion du franchissement illégal d'une frontière, tandis que les empreintes digitales de tout étranger en situation irrégulière peuvent être comparées aux demandes d'asiles déjà effectuées. Symbolique, parce que révélateur d'une tendance à englober le droit d'asile dans une politique générale de l'immigration, la mise en place progressive du fichier de l'OFPRA et d'EURODAC dévoile aussi le rôle ambigu des instances juridiques ou « para juridiques », du Conseil constitutionnel, lors de l'examen de la « loi Debré », aux autorités de protection des données: tout comme la CNIL en ce qui concerne les dispositifs biométriques de contrôle d'accès, ces

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instances régulent et encadrent l'usage de ces systèmes biométriques tout en légitimant, sur le fond, leur existence. Aussi les questions principales abordées par les autorités de protection des données, G29, CEPD, CNIL, etc., sont-elles celles du respect de certaines garanties: droit d'accès, notamment, mais aussi durée de conservation des données, degré d'interconnexion possible, seuils d'âge, mesures à prendre concernant les personnes qui ne peuvent, par incapacité physique, avoir leurs caractéristiques biométriques enrôlées par le système, etc. Le respect des instruments juridiques de protection des données personnelles, fondés sur quelques grands principes (proportionnalité, finalité, etc.) dont l'interprétation est partagée entre ces autorités de protection et les instances dirigeantes (qui diffèrent, dans l'Union européenne, selon que l'on est dans le cadre du ier pilier ou du 3e pilier), conduit ainsi à l'éclatement de ces systèmes d'information (ainsi, en France, VISABIO, FNAD, ELOI, fichier de l'OFPRA, FNAED, TES pour les passeports biométriques, etc.). Des passerelles sont toutefois aménagées entre ces systèmes (le SIS II, tout comme, en France, le Fichier des personnes recherchées, étant consulté dans nombre de cas), tandis que le thème de la sécurité a conduit à accorder un accès de plus en plus large à l'ensemble de ces fichiers non seulement aux autorités en charge de la lutte contre le terrorisme, mais aussi à celles en charge de la prévention et de la répression des « infractions pénales graves », catégorie élastique incluant aussi bien le « terrorisme » et les prises d'otage que le « trafic de stupéfiants » et l' « aide à l'entrée et au séjour irrégulier ».

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984