L'usage de la dactyloscopie s'est cependant
émancipé très tôt du cadre pénaliste et
criminalistique dans lequel elle a véritablement émergé.
Peu de temps après sa naissance, ou plutôt renaissance moderne au
XIXe siècle (celle-ci ayant été utilisée dans la
Chine antique (sous les Tang) et même, en tant que signature, depuis le
Néolithique137), dans le Raj britannique, un administrateur
colonial belge propose, en 1914, de l'utiliser à des fins
d'établissement de l'état civil pour parer aux lacunes de
l'administration localel38. Pour des motifs analogues, le Nigeria,
la Malaisie ou le Kosovo ont eu recours à cette technique pour
délivrer les cartes d'identité139. Depuis peu,
beaucoup de pays ont adopté, pour des motifs variés
(sécurité, anti-terrorisme, contrôle de l'immigration,
contrôle des récipiendaires d'allocations ou/et de prestations
sociales, ainsi que la tendance allant vers l'administration
électronique ou « e-government »,
etc.1°), des cartes d'identité
électroniques, dotées d'une puce électronique, qui
comporte souvent les empreintes digitales numérisées du porteur,
ainsi que sa photographie numérisée. Il s'agit non seulement de
pays riches ou industrialisés (carte d'identité
électronique italienne ou espagnole', projet britannique prévu
par l'Identity Cards Act de 2006, Smart ID de Hong-Kong,
carte d'identité biométrique en Israël, projet de carte
d'identité biométrique mexicaine annoncé en
2009142, etc., sans oublier le passeport biométrique
français) mais aussi de pays « en voie de développement
», où l'administration de l'état civil peut être plus
fragile, pour différentes raisons (budget étatique insuffisant,
conflits, etc.), tels que
137 Mordini, Emilio et Massari, Sonia (2008), « Body,
Biometrics and Identity », Bioethics Volume 22
Number 9 2008 pp 488-498 ; ISSN 0269-9702 (print); 1467-8519 (online)
doi:1o.1111/j.1467-8519.2008.00700.x.
138 Sankar, Pamela (2001), « DNA-Typing: Galton's
Eugenic Dream Realized? » in Caplan & Torpey (2001), p.273-291
189 CNIL, 21e rapport d'activité 2000,
p.107.
140 Lyon, David (2007), « National ID Cards:
Crime-Control, Citizenship and Social Sorting », Policing
20071(1):111-118; doi:1o.1o93/police/pamol5
141 CNIL (2005), « La carte d'identité
électronique en Europe: Belgique, Italie, Espagne, Pays-Bas,
Grande-Bretagne, Allemagne », accessible sur
http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/approfondir/dossier/CNI-biometrie/identite-electronique-EUROPE.pdf
142 Find Biometrics (2009), « Biometric ID
Card Program for Mexico », 29 juillet 2009. En ligne sur
http://www.findbiometrics.com/articles/i/7182/
Chapitre II:Le rêve biométrique confronté
aux défis technologiques p. 72
l'Angola143, la Côte d'Ivoire, ou la
Malaisie, qui a introduit en 2001 la première «
smart card » (carte à puce) : dénommée MyKad
(une version existe pour les enfants, MyKid), cette carte qui stocke
photographies et empreintes digitales sur une puce, dotée d'une
signature électronique, a une finalité multifonctionnelle, valant
en tant que titre d'identité et de voyage, permis de conduire, carte de
crédit, carte de santé, etc.
Plus de 4o pays ont déjà introduit des
passeports biométriques. Des bases de données dactyloscopiques
ont aussi été créées au sein de l'Union
européenne et en France, afin d'enregistrer les empreintes des
demandeurs de visas (VIS) et des candidats au droit d'asile (EURODAC) ou aux
Etats-Unis (IAFIS, US-VISIT). Les progrès informatiques expliquent sans
doute la possibilité de passer d'une utilisation davantage judiciaire et
pénale de la dactyloscopie à sa généralisation dans
l'état civil et dans l'identification des citoyens, ainsi que des
non-citoyens (c'est-à-dire des étrangers) à travers les
différents documents d'identité.