5.2-Analyse et comparaison des effets des
modalités tutorales observées.
Cette section, comme le chapitre précédent,
apportera des éléments de réponse à certaines des
questions que nous nous sommes posées au début de la
réalisation de ce mémoire, ainsi qu'à la
problématique formulée. Il s'agira d'un bilan réflexif
contenant des observations générales, permettant de faire le
point sur les conclusions déjà abordées tout au long de
l'analyse des données collectées (voir Chapitre 4). De plus, il y
aura des recommandations qui pourront être utiles à l'AF et
à d'autres tuteurs ou dispositifs de formation à distance. Nous
pourrons donc apprécier dans quelle mesure les rôles et les
stratégies mis en place par les tuteurs pour gérer les
interactions exercent un effet sur le processus d'apprentissage dans une
formation à distance (motivation des apprenants). Ensuite, en comparant
brièvement les effets des MiT observées nous pourrions confirmer
l'hypothèse qu'une MiT proactive a un impact direct sur l'engagement des
apprenants, leur participation et leur assiduité (voir Chapitre 2 :
1.2.4, page 17). De la même manière, nous pourrons confirmer
qu'une MiT centrée sur le pôle socio-affectif aboutit à de
meilleurs résultats chez les apprenants (participation plus active, plus
d'interactions dans les espaces d'échanges), aide à pallier les
contraintes techniques propres au contexte où cette FOAD s'est
développée, ainsi qu'aide à combler les manques que la
distance impose (voir Chapitre 2 : 1.3.3, page 21).
Nous n'avons pas enregistré de différences
statistiquement significatives (voir Chapitre 3, 3.2.2 page44), en termes de
quantité et de qualité des taches réalisées, entre
les deux groupes dont les tuteurs étaient proactifs
90 Voir Annexe 19, questions 1-4
74
Gestion des interactions dans un
dispositif hybride : rôles et stratégies des tuteurs. Le cas du
présentiel réduit de l'Alliance française de La
Havane.
(G1-T1 et G2-T2). Pourtant, on a constaté une
différence entre ces deux groupes et celui dont le tuteur a mis en
oeuvre MiT réactive, centrée sur le pôle
intellectuel-pédagogique. En fait, les apprenants qui ont répondu
les plus nombreux au questionnaire final sont, précisément, ceux
des deux Groupes (G1 et G2) dont les tuteurs ont été plus
proactifs. Le nombre le plus élevé des réponses correspond
au groupe dont le tuteur a mis en oeuvre la MIT proactive la plus
socio-affective. En revanche, ceux qui se sont montrés le plus
réticents à répondre au questionnaire et l'envoyer ont
été les apprenants du groupe 3, dont le tuteur (G3-T3) a
été à peine91 réactif (voir Chapitre 2 :
1.2.3, page 16).
Dans le Chapitre 3 (Analyse des données recueillies
pages41-44), on a pu constater que :
- Les apprenants des groupes 1 et 2 (tuteurs proactifs T1 et
T2) avaient été plus assidus, participatifs et productifs. Il
ressort donc que la MiT proactive est plus efficace et a permis d'obtenir de
meilleurs résultats au niveau des groupes et des performances
individuelles.
-Les apprenants du groupe 2, dont le tuteur a
développé une MiT centrée sur le pôle socio-affectif
(encouragement, émoticônes) ont intervenu davantage dans les
forums d'échanges (soit les évaluatifs, soit ceux destinés
exclusivement à la communication).Ces résultats rejoignent ceux
des études qui tendent à montrer que les interactions des
étudiants dans les échanges asynchrones sont plus
élevées quand ils sont suivis de manière proactive. Ainsi,
les résultats de ce cours, observés dans le chapitre 3,
coïncident avec ces recherches révélant qu'une MiT proactive
ciblée sur la socio-affectivité92favorise
l'instauration d'un climat de confiance, la quantité d'interactions et
la qualité, la perception des progrès réalisés,
ainsi que la motivation et l'engagement des étudiants dans la
formation.
-Les étudiants du groupe 3, « réactif
» se démarquent des autres par un engagement nettement plus faible
(contributions, assiduité et surtout échanges).
Les tuteurs et les apprenants se rencontrent physiquement ou
parlent directement très peu de fois tout au long du cours, par
conséquent une partie de la « distance » subsiste dans la
communication qui a lieu par le biais du courriel et des forums
d'échanges et le rapprochement qu'il permet93. Comme nous
l'avons déjà vu, l'utilisation de marques d'expression -comme les
émoticônes- dans les messages des tuteurs s'avère donc
fortement conseillable. Nous avions fait l'hypothèse que le besoin de
soutien socio-affectif est surtout marqué au début de la
formation (de la relation pédagogique) et moins nécessaire de
l'entretenir par la suite, car le manque socio-affectif est moindre. Cependant,
le manque socio-affectif ne semble pas être totalement
comblé ni par les dix séances présentielles prévues
(qui résultent insuffisantes94), ni par une pratique tutorale
proactive (T1 et T2) ou une MiT socio-affective vers la fin de la formation. Du
côté des apprenants, le poids de l'évaluation semble
présent dès le début de leurs premières
interventions jusqu'à la fin des leçons analysées plus en
détail (Leçons 1-4). Ils se sentent évalués
à la fois par les tuteurs et par leurs collègues sur leurs
productions évaluatives (tâches) et sur celles à
caractère nettement communicationnelle (forum d'échanges). Ainsi
les tuteurs sentent le besoin de corriger toutes les interventions des
apprenants, même celles faites sur
91 Voir Annexe 19, question 3
92Marques
énonciatives, valorisation des contributions d'autrui, utilisation de
pronoms inclusifs et d'émoticônes, centration sur l'apprenant,
cohésion du groupe, ...
93 86% des apprenants ont dit qu'ils vouvoyaient leur
tuteur lors des échanges sur la plateforme (courriel/
forums).
9471% des apprenants ont
déclaré qu'ils auraient voulu avoir plus des séances de
regroupement en présentiel et 98% les ont estimées utiles, dont
88% pour pratiquer la communication en français.
75
Gestion des interactions dans un
dispositif hybride : rôles et stratégies des tuteurs. Le cas du
présentiel réduit de l'Alliance française de La
Havane.
les forums d'échanges. Les tuteurs doivent insister
dès le début du cours, comme un élément important
du contrat didactique de cette formation, sur la différence (en termes
d'objectifs pédagogico-comunicationnels) entre les travaux
évaluatifs (à être postés sur les forums
consacrés aux tâches pour qu'ils soient « jugés »
par les tuteurs) et la décontraction (« liberté linguistique
») que peuvent se permettre les étudiants lors des interactions
nettement communicatives (qui ont lieu sur les forums d'échanges). Il
serait pertinent qu'au début du cours, les tuteurs soient plus actifs
dans les forums d'échanges, en y faisant plus d'activités visant
la naissance du groupe, et qu'ils sensibilisent davantage les apprenants sur
l'importance de la sociabilité pour leur apprentissage (voir Chapitre 2
: 1.2.1, page 14). D'autre part et toujours du côté de
l'apprenant, l'appréhension à la technologie ne disparaît
pas complètement, même si au fur et à mesure les apprenants
se familiarisent avec le fonctionnement de la plateforme et la dynamique du
cours, car les problèmes de connectivité persistent. Dans un
contexte de la sorte, les tuteurs, loin de pouvoir s'éloigner au long de
la formation et devenir à chaque fois plus réactif, doivent
rester fortement proactifs et coopératifs. Ceci ne concerne pas
seulement les tuteurs mais également l'AF (en apportant des solutions
matérielles) et l'informaticien responsable qui doit, à mon avis,
agir comme un tuteur et mettre en pratique un soutien technique et
socio-affectif, dans le but d'offrir aux apprenants un encadrement plus
efficace les aidant à mieux exploiter les outils et
fonctionnalités disponibles sur une plateforme (voir Chapitre 2 : 1.2,
page 13 ; 1.2.3, page 16).
Les trois tuteurs de ce dispositif ont disposé de
fonctionnalités leur permettant d'envoyer des courriels
personnalisés, individuels ou groupés, de suivre l'avancement du
travail individuel des apprenants et du travail collectif des binômes, de
composer des équipes d'apprenants ou d'aider les apprenants à les
composer. Par ailleurs, je croie que la personnalité des tuteurs
impliqués, leurs représentations du dispositif et de
l'environnement numérique de formation, la formation, ainsi les
pratiques culturelles habituelles dans un contexte d'enseignement-apprentissage
quelconque peuvent influencer fortement la nature du soutien qu'un tuteur offre
ou estime devoir apporter, ainsi que la façon dont un tuteur intervient,
échange, communique à distance avec des apprenants (voir Chapitre
2 : 1.2.3, page 16). À l'instar de Ben Sallah (2010), je suis
persuadée qu'au lieu de confier des tâches de tutorat à des
professeurs qui sont, dans la plupart des cas, plus aptes à enseigner
qu'à encourager (ou guider) les apprenants dans leurs parcours de
formation, le recrutement des tuteurs pourrait privilégier d'autres
profils (psychologues, technologues, ...), ou d'autres compétences
professionnelles autres que les connaissances approfondies de la langue
cible.
Cette étude de la gestion des interactions faite par
les tuteurs dans le cadre du dispositif hybride décrit dans ce travail,
n'arrive pas à traduire ou décrire d'une façon très
précise les rôles et les stratégies tutorales en termes de
comportements plus ou moins adéquats des tuteurs. Par ailleurs, il est
difficile de savoir si certains comportements des tuteurs relèvent des
caractéristiques individuelles propres à chaque tuteur ou de la
spécificité du distanciel. Il pourra être utile pour
l'étude d'autres dispositifs hybrides ou d'une autre étape de
celui que nous avons étudié ici, l'analyse
détaillée des séances présentielles : comportement
des tuteurs et des apprenants, activités mises en route et documents
distribués pendant ces séances, comparaison entre les
interactions verbales en présentiel et à distance, entre autres
éléments. Il serait également utile de vérifier les
résultats de cette étude ou d'une autre correspondant à
une nouvelle édition de ce dispositif hybride, en les
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Gestion des interactions dans un dispositif hybride :
rôles et stratégies des tuteurs. Le cas du présentiel
réduit de l'Alliance française de La Havane.
confrontant à l'analyse des comportements de tuteurs dans
le cadre d'une formation traditionnelle, ou en le confrontant au comportements
d'autres tuteurs dans une autre formation hybride.
Pour finir, je considère qu'il serait intéressant
d'étudier quels sont les étudiants qui profitent le plus ou le
moins d'une MiT déterminée, à partir de l'étude des
profils des apprenants et en établissant des variables relatives
à leurs caractéristiques individuelles.
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Gestion des interactions dans un
dispositif hybride : rôles et stratégies des tuteurs. Le cas du
présentiel réduit de l'Alliance française de La
Havane.
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