4.4-Gestion des interactions à travers la
plateforme: les enjeux d'un contexte contraignant
À continuation, nous réaliserons une analyse des
interactions ayant eu lieu à travers la plateforme (en distanciel), tout
au long du cours. Notre analyse comprendra également la gestion que les
tuteurs ont faite de ces interactions. Pour ce faire, nous avons recueilli et
tabulé des informations portant sur :
-la quantité de contributions faites par les apprenants de
chaque groupe,
55 Voir Annexe 4 : Calendrier
57
Gestion des interactions dans un
dispositif hybride : rôles et stratégies des tuteurs. Le cas du
présentiel réduit de l'Alliance française de La
Havane.
-la quantité de réponses que les tuteurs (T1, T2,
T3) de chaque groupe (G1, G2, G3) leur ont donné,
-et finalement la quantité d'interventions
spontanées (proactives) faites par les tuteurs.
Figure 4-15 : Attentes des apprenants envers le
rôle du tuteur
Ces chiffres pourraient nous permettre d'observer les pratiques
tutorales tout en faisant une comparaison entre les pratiques de suivi de
chaque tuteur. Ainsi nous découvrirons-nous celui qui serait plus ou
moins « présents à distance », ou bien, plus ou moins
réactif.
Nous avons déjà traité auparavant des
questions de cause-effet concernant :
- les consignes des exercices/ activités et
tâches,
- le genre d'activités étant
préféré ou négligé par les apprenants,
- le déploiement technique nécessaire pour la
réalisation de certaines activités,
- les difficultés de connexion,
- les attentes des apprenants vis-à-vis du cours,
- l'attitude des tuteurs (réactive ou proactive).
Nous allons nous concentrer à présent sur les
interactions et les espaces conçus pour les échanges à
distance au sein de cette formation. C'est-à-dire qu'avec
l'observation des Forums de discussion et des Forums
prévus pour les « tâches finales »,
nous pourrons analyser des particularités de chacun. D'après
l'enquête
initiale, 68% des apprenants se croient autonomes,
indépendants du professeur.
Figure 4-16 : Idée des apprenants sur leur niveau
d'autonomie
Les tableaux qui seront montrés à continuation et
les recueils quantitatifs qu'ils révèlent nous permettront
d'établir une relation (directe ou non) entre le nombre de contributions
produites par les apprenants et la quantité d'interventions des tuteurs.
La quantité de réponses que ces derniers ont données aux
apprenants y est aussi représentée. De cette manière, nous
essayerons d'arriver à des conclusions cause-effet à ce sujet,
toujours cantonnées à ce dispositif, et à ce cours. La
propre enquête initiale pourrait donner des pistes. Les apprenants se
sont déclarés plutôt autonomes et indépendants du
professeur, alors qu'ils préfèrent les explications du tuteur (sa
présence) au moment de s'approcher d'un nouveau contenu, au lieu de le
découvrir touts seuls. Mais les apprenants ont surtout besoin de la
confirmation du tuteur (réponse, évaluation, feedback) pour
savoir s'ils vont bien. Ils préfèrent l'opinion/intervention du
tuteur (79%) à celle des camarades. Cela confirmerait que les apprenants
inscrits à cette formation sont, eux aussi, demandeurs de la
présence d'un tuteur, comme tant d'autres qui sont immergés dans
des contextes/ dispositifs de FOAD de
58
Gestion des interactions dans un
dispositif hybride : rôles et stratégies des tuteurs. Le cas du
présentiel réduit de l'Alliance française de La
Havane.
ce genre (voir 1.2.1). Néanmoins, les trois professeurs
ont dit préférer que les apprenants échangent davantage
entre eux.
Voyons tout d'abord, le tableau correspondant à la
Leçon 1.
Les groupes 1 et 2, ayant une quantité majeure de
contributions des apprenants (colonnes G1, G2), montrent également un
nombre plus élevé d'interventions faites par leurs tuteurs
(colonnes T1, T2). C'est-à-dire qu'il y a eu plus d'interactions entre
ces deux groupes et leurs tuteurs respectifs.
Figure 4-17 : Interactions Leçon 1
Ces comportements sont relativement stables pour le reste des
leçons (voir en bas les tableaux correspondants aux leçons 2, 3
et 4).
Comme nous pouvons apprécier ci-dessous sur la colonne
T3 du tableau portant sur la leçon 2, le tuteur 3 est même peu
réactif car il n'a pas toujours répondu aux interventions des
apprenants dont les corrections étaient obligatoires (5). Ce qui serait
important de souligner c'est que le groupe 3, dont le tuteur intervient moins
ou presque pas (voir colonnes G3-T3), présente quant à lui un
nombre inférieur (par rapport aux deux autres groupes G1, G2)
d'apprenants ayant fait les activités évaluatives. Les apprenants
de ce groupe 3 ont été peu productifs même face aux
exercices autocorrectifs alors que ces derniers étaient d'une
préférence déjà évoquée (voir 4.3
page 48). En fait, le G3 présente également un nombre
inférieur d'apprenants ayant fait les activités orales dont la
correction ou l'envoie de feedbacks par le tuteur était facultatif.
59
Gestion des interactions dans un
dispositif hybride : rôles et stratégies des tuteurs. Le cas du
présentiel réduit de l'Alliance française de La
Havane.
Figure 4-18 : Interaction Leçon 2
On en déduit que dans le cadre de cette formation, le
groupe qui interagit le moins avec son tuteur, a une tendance à
être moins productif sur la plateforme (voir 1.1.4).
Cela concerne les espaces prévus pour les
échanges, les espaces conçus pour les productions
évaluatives (écrites/orales), ainsi que ceux où les
apprenants savent préalablement qu'ils ne recevront aucun commentaire du
tuteur. Les différentes manières dont les tuteurs de cette
formation interviennent influence le déroulement de la formation et les
résultats qui en découlent (voir 1.2.4).
Comme nous pouvons l'observer sur les tableaux (Leçons
1 et 2 en haut et Leçons 3 et 4 en bas), pour les professeurs aussi bien
que pour les étudiants, les activités de production orale
s'avèrent les plus difficiles. Les premiers sont aussi affectés
que les apprenants par des contraintes techniques, mais notamment à
l'heure de faire face aux corrections. Citons quelques exemples 56:
difficultés de connexion, manque de micro et de casques, installation
inapproprié de logiciels (dont Audacity), fonctionnement
incorrect des ordinateurs du laboratoire multimédia de l'Alliance (sur
lesquels ils travaillent), disfonctionnement de l'éditeur de textes de
la plateforme (WYSIWYG). D'ailleurs, en raison de ces problèmes
techniques, les propres tuteurs se sont retrouvés empêchés
d'entrer sur la plateforme, de corriger les travaux des apprenants (surtout les
productions orales) et de leur envoyer des messages
réactifs/proactifs.
Analysons les interactions qui se sont produites dans le cadre
de la Leçon 3. Comme nous avions déjà vu, les
interventions des apprenants et des professeurs deviennent moins nombreuses
à partir de la 3e leçon (voir tableau ci-dessous).
56 Voir Annexe 20
60
Gestion des interactions dans un
dispositif hybride : rôles et stratégies des tuteurs. Le cas du
présentiel réduit de l'Alliance française de La
Havane.
Figure 4-19 : Interactions Leçon 3
Le forum est l'outil de communication qui a été
privilégié par les concepteurs du cours, ainsi que, durant le
déroulement de la formation, par le tuteur du groupe 1. D'ailleurs, les
trois tuteurs ont déclaré, lors du questionnaire initial, que le
Forum d'échanges « professeur - étudiant » leur
semblait l'espace le plus nécessaire pour les interactions sur la
plateforme. Cependant, nous pouvons constater sur les 3 tableaux (ci-dessus)
portant sur les interactions que très peu d'échanges se sont
effectués au moyen de cet outil de communication, notamment à
partir de la Leçon 3. Les Tuteurs 2 et 3 n'ont pas répondu aux
messages postés par leurs apprenants, sans doute parce que ces messages
portaient-ils sur des difficultés techniques Dans le meilleur des cas,
ils ont transféré le message/le doute à l'informaticienne
du projet. Les résultats montrés par ces tableaux feraient penser
que, au fur et à mesure que le cours avançait et que les
apprenants se sentaient de plus en plus à l'aise sur la plateforme
(manipulation et navigation). Nous avons remarqué qu'ils devenaient plus
autonomes et avaient de moins en moins besoin de poser des questions au tuteur,
à propos du fonctionnement du cours, de la plateforme, de la progression
pédagogique ou touchant le contenu.
Le tableau de la Leçon 3 (en haut) et celui faisant
référence à la Leçon 4 (à continuation)
montrent que même un tutorat proactif remarquable ne garantirait pas
toujours que les échanges aient lieu soit dans les forums, soit sur le
système de messagerie la plateforme. Dans le cas de figure de cette
formation, notons qu'une fois que les apprenants ont gagné en autonomie,
et qu'ils arrivent à communiquer plus simplement avec leurs
tuteurs/camarades via le courriel ou le téléphone, le forum ne
leur résulte plus nécessaire.
61
Gestion des interactions dans un dispositif hybride
: rôles et stratégies des tuteurs. Le cas du présentiel
réduit de l'Alliance française de La Havane.
Figure 4-20 : Interactions Leçon 4
Après l'analyse quantitative des échanges qui
ont eu lieu sur la plateforme, nous faisons constat que c'est essentiellement
via le courriel (une autre fonctionnalité accessible depuis la
plateforme) et par le biais d'autres systèmes de messagerie hors la
plateforme que les étudiants de cette FOAD ont collaboré entre
eux, ont communiqué avec leurs tuteurs et avec l'informaticienne.
D'autre part, d'après des entretiens avec les tuteurs, c'est
fondamentalement à travers le courriel que les tuteurs (surtout celui du
groupe 3, T3) ont assuré une partie du suivi de leurs apprenants,
à savoir : ce qui concernait l'organisation et la logistique, la
progression pédagogique, le côté socio-affectif, ainsi que
des questions relatives au contenu (Tuteur 3, groupe3). Malheureusement, il n'y
a pas de traces / preuves de ces échanges.
4.4.1 Les interactions qui ont eu lieu hors la plateforme :
gestion et particularités.
Les apprenants et les tuteurs 2 et 3, avaient leurs usagers de
Moodle configurés, par défaut, de façon à ce qu'ils
recevaient les messages générés à
l'intérieur de la plateforme dans les boîtes aux lettres de leurs
systèmes de messageries habituels (Internet ou Intranet). Il
n'était pas indispensable de se connecter à la plateforme pour
lire les messages et y répondre. Surtout dans le cas des
étudiants qui n'avaient pas d'accès facile à Internet, ce
système leur économisait du temps et leur permettait d'être
au courant de dernières nouvelles. Mais comme nous avons
déjà vu, ils n'avaient pas besoin d'entrer à la plateforme
pour se rendre sur un forum de discussion.
Voyons les messages envoyés pendant les 5 mois de
formation :
? Messages envoyés à travers le
système de messagerie de la plateforme Moodle :
Tuteur 1 : 24 collectifs mais
personnalisés57 (4,8 messages par mois) et 21 individuels/
personnalisés. En fait, certains
messages-réponses n'ont pas été envoyés
individuellement au destinataire mais de façon collective, en incluant
d'autres informations. T1 n'a pas affiché d'adresse personnelle sur son
profil d'usager de la plateforme. Ses apprenants devaient donc se connecter sur
Moodle pour communiquer
57 Voir l'Annexe 16.7. Traces sur la plateforme,
interventions/ feedbacks du tuteur 1.
62
Gestion des interactions dans un dispositif hybride
: rôles et stratégies des tuteurs. Le cas du présentiel
réduit de l'Alliance française de La Havane.
avec lui.
T2 : 10 dont 1 collectif et 9
personnalisés. T2 n'a pas montré d'appréhension
préalable à l'envoi de messages par le biais de la plateforme
(questionnaire initial), il se peut qu'il n'ait pas su qu'il pouvait supprimer
son adresse personnelle de son profil de la plateforme, pour qu'elle
n'était plus disponible.
T3 : 8 dont 1 personnalisé. Les
messages étaient des rendez-vous pour les
séances présentielles.
Informaticienne : 8 réponses
individuelles
? Messages envoyés utilisant un autre
système de messagerie :
Tuteur 1: Le Tuteur 1 a utilisé un
système autre que Moodle pour envoyer des messages aux
apprenants seulement au moment où les apprenants
n'avaient pas encore leurs codes pour accéder à la plateforme.
Éventuellement, si un apprenant lui écrivait sur sa boîte
personnelle (18), T1 lui répondait brièvement et lui demandait de
le faire à travers le forum ou le système de messagerie de
Moodle.
T2 : 37 messages-réponses, dont 5
collectifs, aux 71 messages qui lui avaient envoyés
les apprenants.
T3 : Ce tuteur, qui avait
déclaré avoir utilisé le système de messagerie de
l'Alliance « Word Client » pour communiquer avec ses apprenants,
n'a pas fourni d'information concernant les quantités ou les types de
message. T3 n'a pratiquement jamais utilisé le forum de discussion de la
plateforme « échanges professeur-étudiants ».
Informaticienne : 260 messages envoyés
(276 messages reçus et). Cette information inclut les messages
échangés avec les tuteurs.
D'après la réponse à la question 12 du
premier questionnaire, mené auprès des apprenants avant le
commencement du cours, 92% préférait interagir (avec le
professeur comme nous l'avons déjà vu) via un système de
messagerie. Comme les chiffres le montrent, les apprenants se sont servis
plutôt d'un système de messagerie, soit de la plateforme soit d'un
système extérieur (Yahoo, gmail, Outlook), que des forums de
Moodle.
L'espace d'échanges de la plateforme le plus «
important » pour eux (95%) était le forum destiné aux «
tâches » et aux évaluations. Cette réponse
donnée à priori par les apprenants, pourrait indiquer qu'ils
conféraient aux interactions sur la plateforme Moodle un
caractère principalement didactico-pédagogique, plutôt que
relationnel ou socio-affectif. D'après l'expérience pratique,
leurs doutes figurant dans les messages (messagerie ou forums) ne touchaient
fondamentalement ni le contenu (la langue), ni les évaluations/
tâches. Toutefois, leurs messages concernaient surtout la manipulation de
la plateforme et des sujets organisationnels. Signalons d'autre part, que la
plupart des messages (notamment les initiaux) ont été
envoyés par les apprenants à l'informaticienne via le courriel
(de la plateforme ou externe). Cela indiquerait que les échanges,
bilatéraux pour la plupart, ont cherché principalement à
couvrir un manque d'information technique. Alors, il se peut que ces apprenants
aient préféré en principe, recevoir de l'appui
socio-affectif via le courriel (au lieu des forums), à travers des
échanges plus personnalisés et individuels avec le tuteur et
l'informaticienne.
63
Gestion des interactions dans un dispositif hybride
: rôles et stratégies des tuteurs. Le cas du présentiel
réduit de l'Alliance française de La Havane.
Un autre outil qui a été utilisé par les
apprenants, les professeurs et l'informaticienne pour interagir entre eux, au
cours de cette formation est le téléphone. À Cuba, il
reste un moyen pas négligeable car le téléphone fixe est
très économique, il est beaucoup plus habituel d'en avoir un chez
soi que de posséder un ordi ou d'accéder à Internet.
D'ailleurs, les Cubains sont
en général à l'aise au
téléphone, et presque 80% des apprenants ont estimé qu'ils
le voyaient
|
|
Figure 4-21 : Questionnaire1-apprenants, Q13 :
préférences pour les échanges
|
comme l'un des moyens les plus importants pour les
échanges durant le cours. Cet appareil permet d'une part
d'établir des échanges hors plateforme et d'alterner avec
l'écrit (sur d'autres forums et des systèmes de messageries
externes). Il favorise, de plus, le développement d'autres
compétences, et viendrait s'ajouter aux espaces pour les échanges
personnalisés (qui sont en principe non évaluatifs) dans la
langue cible ou dans la langue maternelle.
En fait, c'est au téléphone que le
deuxième questionnaire de l'enquête a finalement abouti. Environ
12 messages collectifs avaient été envoyés aux apprenants
(des trois groupes) durant deux mois et depuis des adresses différentes
(gmail, Yahoo, intranet cubaine, intranet de l'Alliance) sans obtenir les
résultats escomptés. Ces messages cherchaient à les
sensibiliser à l'importance que cette enquête (2e questionnaire)
avait pour l'Alliance, pour l'amélioration du cours, des pratiques des
tuteurs, ainsi que pour ce travail de mémoire. Les réponses n'ont
été nombreuses qu'à partir du moment où les
apprenants ont été contactés par téléphone,
et ont reçu oralement les explications concernant « l'importance
» de leurs opinions, de leurs vécus pour les futures
éditions de cette formation. Cet outil n'a pas été
officiellement intégré au dispositif. C'est sans doute pour ceci
qu'il n'a pas été utilisé davantage par les tuteurs. Il
pourrait tout de même être incorporé d'une façon ou
d'une autre dans une nouvelle édition de cette FOAD. Le
téléphone a constitué un arrangement « artisanal
» qu'a permis aux tuteurs d'assurer une partie du suivi, même aux
moments où il n'y pas eu de connexion possible. Les objectifs de
l'enseignant ont alors été atteints, au détriment de ceux
de l'observateur qui s'est trouvé sans traces de ces interactions.
? En guise de conclusions
Tel que les apprenants ont déclaré dans la
question 13 du premier questionnaire, la grande majorité
préfère échanger directement avec le tuteur au lieu de le
faire avec leurs collègues. Les interactions entre les apprenants (via
le courriel, le forum d'échanges/ de tâches) aussi
régulières soient-elles, ne suffiraient pas pour compenser
l'absence du tuteur sur la plateforme, ou son manque d'interventions (un tuteur
non proactif et même peu réactif). Les apprenants ont par
conséquent besoin d'un tutorat proactif et d'un tuteur habituellement
présent.
Tout au long de cette formation, la plupart des apprenants ont
tendance à considérer l'enseignant comme le destinataire final de
leurs actes communicatifs, ce qui est récurrent en situation
d'enseignement
64
Gestion des interactions dans un
dispositif hybride : rôles et stratégies des tuteurs. Le cas du
présentiel réduit de l'Alliance française de La
Havane.
/apprentissage (Mangenot, 2004). L'enseignant est finalement
et assez souvent, le seul lecteur et l'évaluateur de ce que les
apprenants écrivent. Ces écrits poursuivent sur tout la pratique
de la langue qu'ils prétendent apprendre.
La majorité des apprenants, enquêtés avant
le commencement du cours, ont dit que les espaces d'échanges
proposés sur la plateforme allaient être utiles fondamentalement
pour être en contacte avec le tuteur58. Alors, les
échanges directes entre les étudiants ont été rares
(seulement 5% des apprenants a déclaré le
préférer). Les échanges spontanés, à savoir
en dehors des tâches évaluatives, n'ont presque pas eu lieu par le
biais de la plateforme. De la même manière, les échanges
à travers les forums de discussion ont aussi été
très peu nombreux. S'il y en avait eu, cela aurait impliqué
l'acceptation des collègues en tant que destinataires (eux aussi) du
discours communicatif. Mangenot signale en outre que les échanges
directes entre les étudiants dans une formation à distance,
voient le jour un peu plus tard que dans une situation
d'enseignement-apprentissage en présentiel, même si cela est
explicitement encouragé dans la situation d'enseignement-apprentissage
étudiée (T1) dès le début de la formation. D'autre
part, Mangenot (2004) souligne la difficulté pour l'enseignant de
créer un groupe (une « communauté d'apprentissage »),
en jouant à la fois sur les aspects cognitif et socio-affectif. Cela
semble avoir fonctionné de la même manière dans le cas de
la FOAD étudiée dans ce mémoire. Ce sont donc le
rôle joué par le tuteur, ses pratiques d'encadrement ainsi que les
stratégies mises en place pour gérer les interactions, ce
faciliterait la cohésion entre les membres du groupe, et ce qui pourrait
rendre les discours des acteurs à de moins en moins distants et de plus
en plus personnels (voir 1.2.4). Ces stratégies de gestion des
interactions s'avèrent forcement différentes de l'enseignement en
présentiel car, en distanciel, l'évolution du groupe et des
interactions est indiscutablement plus lente (et là-dessus nous
rejoignons Mangenot). Mais ces stratégies de gestions des interactions
doivent être encore plus différenciées dans un contexte
où les interactions à travers le cyberespace, et la participation
à des forums virtuels ne constituent pas une habitude. Comme nous
l'avons vu dans le chapitre consacré aux notions théoriques
servant de référence à ce travail, communiquer c'est
co-agir en adéquation avec une interaction sociale donnée.
Figure 4-22 : Exemple d'intervention d'un
apprenant
Quand on propose des tâches ressemblant à la vie
réelle de l'apprenant mais non y ancrées, on peut le faire
réagir, communiquer avec ses pairs sous la contrainte relationnelle qui
les unit les uns aux autres. Au final, l'apprenant peut aller jusqu'à
faire semblant de communiquer avec un pair ou avec un personnage fictif
(proposé dans la consigne). Néanmoins, il s'adressera en
réalité à son évaluateur, son enseignant (voir
1.3.3). Parfois, comme dans cet exemple, ils ne suivent pas les suggestions
des
58 Voir Annexe 13
65
Gestion des interactions dans un dispositif hybride
: rôles et stratégies des tuteurs. Le cas du présentiel
réduit de l'Alliance française de La Havane.
consignes (Faire une fiche personnelle avec ses
coordonnés et la poster sur le forum pour que les camarades aient les
informations personnelles des membres du groupe et puissent entrer en contact
facilement), et ils adressent leurs productions directement aux
tuteurs.
Ce mémoire a pour but de montrer que les interactions
langagières en ligne, qui ont eu lieu dans le cadre de cette formation
à distance, diffèrent par rapport à l'enseignement
traditionnel présentiel car il s'agit d'un cadre didactique dans lequel
l'enseignant est l'un des destinataires puisqu'évaluateur (voir 1.3.3).
Mais aussi, les interactions langagières à distance
diffèrent-elles par rapport à l'enseignement traditionnel
présentiel selon les stratégies mises en place par les tuteurs
dans la gestion des interactions (voir 1.3). La gestion des interactions par le
tuteur peut aider à pallier ou transformer les effets que la distance
elle-même et d'autres facteurs produisent sur les interactions en
ligne.
Il est convenable de tenir compte de la
spécificité du contexte de la FOAD que ce travail analyse. Ce
contexte touche les voies/ outils de communication
préférés/utilisés étant les plus
accessibles, les modes d'expression, les implications de l'éloignement
géographique, l'impossibilité d'une connexion fréquente et
de qualité, le manque de temps des inscrits et des facteurs culturels
(c'est-à-dire, une certaine appréhension à la technologie
ainsi qu'une culture d'apprentissage très paternaliste). Les situations
techniques qui ont orbité autour de cette FOAD, constituent une
contrainte supplémentaire face aux questions culturelles
déjà mentionnées par les apprenants dans les
enquêtes, en les empêchant d'utiliser davantage les forums. Entrer
dans les forums (après avoir fait et posté leurs travaux), puis
se mettre à faire des commentaires sur les travaux des camarades,
répondre ensuite aux questions que quelques collègues auraient
posées au tuteur (sur le fonctionnement de la plateforme, la progression
pédagogique, le contenu de la leçon, etc.) n'est pas toujours
possible techniquement. Le temps qu'ils ont pour poster un travail/ commentaire
sur un forum et y revenir, afin de lire le feedback du tuteur ou d'un autre
apprenant, est déjà trop restreint technologiquement parlant. Ils
ne peuvent pas se permettre à tout moment de se délecter en
créant une communauté virtuelle, ou en étant un membre
actif de la communauté virtuelle qu'un tuteur (même le plus
proactif) essaye de créer pour eux. Ces mêmes situations, ainsi
que l'absence d'une culture d'appartenance à une communauté
virtuelle, auraient pu provoquer chez certains tuteurs une appréhension
leur obstruant encore plus la manipulation de cet outil. Il en a
été de même à l'heure de favoriser chez les
apprenants l'utilisation des forums.
Alors, si les questions posées par les apprenants (de
type : organisationnelles, didactiques, évaluatives et/ou concernant le
contenu du cours) passent par un système de messagerie, car les
professeurs l'utilisent davantage, les apprenants risquent de ne pas voir la
vraie utilité des forums. N'oublions pas qu'ils n'ont pas l'habitude
d'interagir à travers des forums de discussion, et que lors du
questionnaire initial ils les ont négligés comme une voie pour
les interactions avec le professeur.
66
Gestion des interactions dans un
dispositif hybride : rôles et stratégies des tuteurs. Le cas du
présentiel réduit de l'Alliance française de La
Havane.
Figure 4-23 : Questionnaire-apprenants, Q12 : espaces
d'échanges les plus importants
Si la plupart des messages échangés ont
portés sur les difficultés techniques rencontrées, et ont
été envoyés et reçus par l'informaticienne, il
serait peut-être convenable d'évaluer (à nouveau) la place
de cette dernière dans ce dispositif, de manière à
accentuer et rendre plus évident ou public son rôle dans le suivi
des apprenants. Une participation plus active de la part de la technicienne
dans les forums de la plateforme lui éviterait de répondre autant
de fois la même chose dans des centaines de messages individuels. De
plus, la présence de l'informaticienne sur les forums et la
possibilité réelle pour les apprenants d'y trouver, dans ses
interventions, la réponse aux questions qu'ils se posent servirait
à les appâter. Cela favoriserait à la fois la formation de
la communauté virtuelle que les apprenants inscrits à cette FOAD
sont censés créer sur la plateforme.
Par ailleurs, le fait d'accepter ou dédramatiser
l'emploi de la langue maternelle (pour le moins) dans les forums
d'échanges « professeur-étudiants », où les
contributions ne sont pas évaluatives, offrirait aux apprenants inscrits
à cette formation, un espace de liberté. L'objectif ne serait
donc pas forcément le fait de communiquer en français mais de
communiquer tout simplement, d'interagir, de faire naître le groupe, de
faire émerger une communauté virtuelle. Le but de leur
apprentissage en collaboration ne serait pas seulement celui de
développer une compétence langagière mais aussi sociale,
à travers la « co-élaboration » de réponses
communes (voir 1.3.2). Dans ce sens, il faudrait également mettre en
cause la pertinence des corrections publiques sur les forums d'échanges,
qui peuvent être utiles pour l'apprentissage de la langue cible, mais
contreproductives pour la face des apprenants, pour créer un climat de
confiance, ainsi que pour favoriser les interactions via les forums.
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