Paragraphe 2 : Les
enseignements liés à la protection
La protection dans le contexte ivoirien a
révélé des insuffisances dont il est utile de tirer les
enseignements ci après en vue d'affiner et d'adapter le cadre de
protection. Ces enseignements se situent sur plusieurs plans notamment au plan
organique et normatif interne et au plan des mécanismes internationaux
de protection des droits de l'enfant et de répression des crimes commis
sur les enfants dans les contextes de crise et post conflictuels.
A. Quant au cadre organique et normatif :
nécessité de réformes
Le contexte de crise étant le facteur aggravant des
violations des droits de l'enfant, la solution à ces violations passera
nécessairement par un une normalisation de la situation politique et
militaire, la réunification du territoire et l'établissement
complète de l'autorité sur l'ensemble du pays. Cela permettra,
par ailleurs de rendre plus efficace l'activité des ONG dont la
répartition doit viser désormais à couvrir l'ensemble du
territoire a travers une coordination efficiente de leurs activités les
unes avec les autres afin d'éviter les chevauchements. Tant que le
territoire est partitionné les violations seront difficiles à
éviter et à réprimer.
Relativement au cadre normatif il est impérieux que
l'Etat de Côte d'Ivoire ratifie les instruments internationaux relatifs
aux droits de l'homme et des enfants, notamment les deux protocoles
additionnels facultatifs à la convention relative aux droits de
l'enfant. Il doit également ratifier, sans délai, le statut de la
CPI qui est un juridiction complémentaire des juridictions nationales et
la seule capable, dans ce contexte, de poursuivre et juger de façon
efficace et impartiale, les auteurs des violations graves commises à
grande échelle sur les enfants.
Il parait aussi urgent que la législation ivoirienne,
notamment le code pénal et le code de procédure pénale,
soit adaptée à l'évolution de la criminalité en
prévoyant et en punissant, à travers une définition claire
des éléments constitutifs, chaque infraction qui peut être
identifiée.
S'agissant de la justice juvénile, devant les
difficultés que rencontrent les acteurs judiciaires dans l'application
des différentes mesures aux enfants, il s'avère important et
utile d'opérer une réforme législative qui
établirait la compétence exclusive des sections des mineurs des
parquets pour le règlement de leurs dossiers dès le
déferrement. Cela permettra d'éviter les retards dans l'examen de
leurs dossiers et les mettra à l'abri d'une longue cohabitation avec des
majeurs criminels et d'un risque d'exposition à la transmission des
leçons du crime. Il semble aussi nécessaire d'imposer des
délais de rigueur spécifiques aux juges des enfants pour
clôturer l'instruction préparatoire, pour limiter les lenteurs
enregistrées dans l'instruction des dossiers des enfants. Une
rationalisation des dispositions législatives en matière de
mesures de restriction de la liberté des mineurs parait aussi
nécessaire. La solution pourrait consister à limiter le recours
à la détention préventive pour certaines catégories
bien précises et limitées de mineurs délinquants, par
exemple à ceux qui sont appelés à être jugés
par la cour d'assises des mineurs (mineurs de plus de 16 ans
soupçonnés d'être les auteurs de crimes).
Le législateur ivoirien, qui a eu pour souci de
conférer à la justice juvénile un caractère
spécial, doit compléter sa législation dans le sens de la
déjudiciarisation et de la transaction pénale concernant les
infractions commises par les mineurs.
A propos du cadre organique l'Etat doit construire des centres
d'observation des mineurs sur l'ensemble du territoire. Pour pouvoir être
réellement efficaces, ces centres doivent être situés
à l'extérieur des enceintes des maisons d'arrêt de
manière à éviter toute interférence des majeurs
détenus dans les maisons d'arrêt dans le processus de
rééducation des mineurs.
Afin de garantir une meilleure protection des mineurs au cours
de la phase policière de l'enquête préliminaire, il sera
utile de créer dans chaque ressort territorial une brigade des mineurs
et de lui accorder une compétence exclusive sur les affaires impliquant
des mineurs et prévoir une formation spécialisée pour les
officiers de police judiciaire dans ces brigades.
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