II. Le détournement du
militantisme politique au profit des actions militaires ou violentes
Les FANCI avaient subi de lourdes pertes dans les semaines qui
ont suivi le coup d'Etat manqué qui s'est mué en guerre civile.
Le recrutement de militants dont des enfants dans les milices
progouvernementales devrait permettre de contrer l'avancée des troupes
rebelles. Cela était d'autant nécessaire pour le gouvernement que
les soldats des FANCI n'avaient aucune tradition de combat face à des
rebelles intrépides et mieux entrainés. Les jeunes militants
mobilisés et bien endoctrinés avec des idées
xénophobes à travers les mouvements de jeunesse du parti au
pouvoir, étaient prêts à défendre " la patrie en
danger" et s'érigeaient en remparts humains susceptibles de
résister à "l'envahisseur venu de l'étranger".
D'ailleurs les termes de "résistance", de
"libération" et de "patriotique" apparaissent dans la
dénomination de la plupart de ces milices. C'est un lien bien
unificateur dans la patrie en danger face aux ennemis extérieurs
nommément désignés et stigmatisés.
Relativement au recrutement d'enfants-soldats sur la base du
volontariat, plusieurs motivations peuvent l'expliquer: la fascination
pour la vie militaire, l'uniforme, le prestige ; le désir de
venger la mort d'un proche durant le conflit ou simplement de participer au
combat pour la libération de son peuple ; le besoin de protection
de la famille, du pays ou de sa localité. De plus, le manque
d'accès à l'éducation est un facteur aggravant: les
enfants n'étant pas ou plus scolarisés doivent trouver une
occupation lucrative. L'engagement dans l'armée est alors une
alternative au problème d'emploi.
Au plan politique, en 2000, M. Laurent Gbagbo n'a
réussi à chasser du pouvoir le général GUEI que
grâce aux manifestations de rue qui se sont appuyées sur la
candeur de jeunes militants. Cette stratégie qui a payé, continue
à être utilisée comme recette depuis lors et le parti au
pouvoir se sert toujours des jeunes pour bloquer les artères des villes
et exprimer, non pas des préoccupations touchant à la condition
de ces jeunes, mais les siennes propres lorsque les voies officielles ou
diplomatiques se révèlent inopérantes. Ainsi en janvier
2006, lorsque le Groupe de Travail International sur la Côte d'Ivoire
avait publié un communiqué qui constatait la fin du mandat
constitutionnel de l'Assemblé Nationale dont le FPI dispose de la
majorité, le président Laurent Gbagbo a laissé les
militants de son parti politique lancer les jeunes patriotes à l'assaut
des biens et du personnel des Nations Unies, d'où il en était
résulté six tués par balles dont deux enfants.
Face à cette stratégie faite de mélange
sous fond de xénophobie, les enfants qui, de par leur
vulnérabilité, sont exposés en pareilles situations ne
mesurent pas ou mesurent à peine les risques auxquelles ils s'exposent
et cèdent facilement à ce charme en comparaison des avantages
qu'ils pourraient en tirer.
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