La protection de l'enfance dans les pays africains sortant d'une crise armée : cas de la Côte d'Ivoire( Télécharger le fichier original )par Sedjro Leonard SOSSOUKPE Universite de Nantes - Master 2 2009 |
Paragraphe 2. Le fonctionnement de l'appareil étatiqueLes affrontements militaires violents de 2002 ont abouti à la partition du pays, les rebelles contrôlant une portion de près de 60% du territoire caractérisée par la disparition totale des organes étatiques. Cette situation, préjudiciable aux droits humains et notamment aux droits des enfants, est bien résumée par les propos de Mme Louise Arbour : « A l'issue d'un conflit, les pays souffrent de la faiblesse ou de l'inexistence de l'état de droit, de l'insuffisance des moyens disponibles pour appliquer la loi et administrer la justice et de la multiplication des violations des droits de l'homme...».50(*) Ces propos expriment assez bien la situation de la Côte d'Ivoire caractérisée par la désaffection de l'administration et l'interruption du service public social. A. Destruction de l'administration territorialeLe contexte ivoirien actuel est caractérisé par la division du territoire en deux zones. D'une part, dans la zone contrôlée par les rebelles, les autorités de fait ne se sentent pas liées par les engagements internationaux souscrits par le gouvernement légal, et d'autre part tous les organes étatiques ont été enraillées de cette zone. D'ailleurs, la restauration de l'autorité de l'Etat en cours se fait par priorité accordée aux régies et établissements financiers et à l'administration territoriale. Les structures déconcentrées de l'Etat chargées des affaires sociales et de la solidarité sont encore absentes des zones FN. En zone rebelle, les administrations judiciaire et territoriale et les services de l'état civil ont complètement disparu jusqu'en 2007, année à laquelle des magistrats, préfets et sous préfets ont été à nouveau déployés de façon ponctuel pour exécuter l'opération d'audiences foraines destinée à délivrer les jugements et extraits de naissance dans le cadre du processus d'enrôlement électoral. Juste à la fin de cette opération, ces fonctionnaires se sont encore repliés à leurs postes dans la zone gouvernementale. Ce n'est qu'en fin 2008 que certains tribunaux et services de l'administration territorial sont redevenus opérationnels, cohabitant avec des chefs de guerre qui continuent de détenir une parcelle importante du pouvoir de police administrative alors que dans la plupart des cas, ils n'en ont ni la formation, ni la culture. B. Interruption du service publicA la faveur des affrontements militaires et des exactions perpétrées par les rebelles contre certaines populations civiles pendant la guerre, ces dernières ont déserté les zones occupées pour se refugier dans les zones gouvernementales. Ceci s'est traduit par l'interruption de la scolarité des enfants et la dislocation des familles à la recherche d'abris. Des enfants s'en sont retrouvés éloignés de leurs parents biologiques, auprès des personnes qui ne se sentent pas ou ne sont pas obligés par le même degré de prise en charge vis-à-vis de ces enfants. Pendant ce temps, sur place dans les zones occupées, les agents des services sociaux, à corps défendant, ont aussi déserté, abandonnant écoles, hôpitaux, centres sociaux etc. Cette situation a d'ailleurs été aggravée par l'occupation et/ou la destruction par les rebelles de certains bâtiments publics (écoles, centres sociaux, établissements financiers, camps militaires brigades de gendarmerie, etc.). Par ailleurs, la création des milices et l'occupation par celles-ci de centres sociocommunautaires (foyers de jeunes, centres sociaux etc.) a compromis sérieusement les droits à l'éducation, aux loisirs, et aggravé la mortalité infantile. Dans ces conditions (rebelles encore en armes, désarmement opaque et sans cesse reporté, démobilisation des milices non réalisée, déminage non effectué, cessez-le-feu violé de façon répétée, structures étatiques désaffectées et service public interrompu), il est difficile d'assurer une protection efficace de l'enfance. Cela est d'autant ardu que l'application des instruments juridiques internes qui ont vocation à assurer aux enfants la protection nécessaire à leur statut est profondément affectée par des facteurs structurels, situation d'ailleurs compliquée par le faible engagement de l'Etat ivoirien dans les traités de protection des droits de l'homme. * 50Louise Arbour, Haut Commissaire aux droits de l'homme, in Les instruments de l'état de droit dans les sociétés sortant d'un conflit, programme de réparation, avant propos, Nations Unies, New York et Genève, 2008, p. V |
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