III L'innovation, inépuisable
richesse pour l'entreprise ?
A- L'impact positif de l'innovation au niveau
micro-économique
La description de l'environnement macroéconomique, nous
a permis d'appréhender les contraintes extérieures qui conduisent
les entreprises à innover. L'entreprise subit cet environnement
extérieur et doit donc innover pour survire (Strasser & al.
1982). Pourtant, la recherche et l'innovation ne doivent pas être
regardées comme des dépenses inutiles aux résultats
incertains et confus. Elles sont au contraire, des potentielles sources
d'avantages concurrentiels durables, des éléments de
différenciation à haute valeur ajoutée pour l'entreprise.
« Innovation is the ability to see change as an
opportunity - not a threat », Steve Jobs.
L'innovation est un facteur essentiel de
compétitivité. Michael Porter (1985) souligne
qu'elle est la clef de la compétitivité des entreprises parce
qu'elle conditionne leur capacité à maintenir des avantages
concurrentiels durables sur des marchés évolutifs.
Elle est en effet, un moyen pour l'entreprise
d'améliorer sa compétitivité
hors-prix20(*)
(aussi appelée "compétitivité-produit" ou "structurelle")
et de maintenir ainsi un avantage concurrentiel sur le plus long-terme.
La personnalisation/différenciation de l'offre produit
par exemple, est indispensable pour se positionner sur des marchés
mondiaux où la concurrence est exacerbée. Ainsi, grâce
à une innovation de rupture, une entreprise peut devancer la concurrence
et assoir une position de chef de file sur son marché.
C'est ainsi que Samsung, au bord de la faillite en 1997, est
devenue l'un des leaders mondiaux de l'électronique haut de gamme.
Grâce, en effet, à une judicieuse stratégie de
différenciation vis-à-vis de ses concurrents chinois (avec
lesquels l'entreprise coréenne ne pouvait plus rivaliser en termes de
compétitivité prix), ajouté à d'importants
investissements en R&D, Samsung put concevoir dés 2003, le premier
téléphone à 65 000 couleurs (contre 4 000 jusqu'ici), puis
l'année suivante le premier écran télé LCD21(*) de 54 pouces. Aujourd'hui
encore, l'entreprise est la seule capable de fabriquer un écran plat de
ce type. Sa rente de monopole est donc demeurée intacte22(*).
La mise en oeuvre de nouvelles techniques de production
(innovations de procédés) permet également de gagner en
compétitivité structurelle lorsque ces dernières
améliorent la qualité des produits. C'est le cas par exemple, de
la découpe industrielle au jet d'eau23(*) qui permet d'attaquer des matériaux
très épais avec une haute-précision, sans
déformation de la matière.
Ces innovations de procédés, sont dans la
plupart des cas, synonymes de gains importants de
productivité. Cela peut se traduire, d'un point de vue
mercatique, par une stratégie d'écrémage (accroissement
des marges) ou de pénétration (baisse des coûts). Ces
innovations peuvent donc contribuer à renforcer la
compétitivité-prix de l'entreprise. Le
fordisme, est de ce point de là, un exemple notoire. La "taylorisation"
de la production de la Ford T a permis d'accroitre de façon
considérable la productivité des usines d'assemblage, grâce
en particulier, au convoyage automatique des produits en cours
d'élaboration entre les postes de travail. Entre 1910 et 1925, le prix
d'une automobile Ford T avait été pratiquement divisé par
dix24(*).
L'innovation sous toutes ses formes est donc largement
favorable à la dynamique de l'entreprise. De façon plus globale,
elle peut être une réponse adéquate aux
problématiques suivantes :
- Conquêtes de nouveaux marchés (de nouveaux
produits permettent d'aller chercher des clients sur des niches encore
inoccupées par la concurrence).
- Réponse à des besoins latents (innovation
tirée par la demande ou "demand-pull", démarche d'anticipation et
de veille).
- Création de nouveaux besoins (l'offre qui crée
sa propre demande ou "technology-push").
- Maîtrise des contraintes exogènes (en restant
à la pointe des nouvelles technologies une entreprise peut
maîtriser le flux de leur diffusion et limiter les impacts
négatifs d'une innovation de rupture).
- Fidélisation du personnel (l'engagement à
innover peut être un facteur de motivation pour le personnel et aider
à le retenir dans l'entreprise).
- Amélioration de l'image de l'entreprise (des
entreprises innovantes telles que Sony, Google ou bien encore Apple figurent en
tête de classement parmi les entreprises les plus admirées
mondialement selon une étude réalisée par le magasine
Fortune en 2010).
Les entreprises ont pour la plupart pleinement
intégré l'importance que revête l'innovation pour leur
compétitivité. Hage & Powers (1992) ont observé, une
augmentation remarquable, et parfois historique (+12,8%) des ressources
allouées à la recherche et au développement de nouveaux
produits au sein des 300 plus grandes entreprises mondiales. Cette hausse des
dépenses, bien que spectaculaire, s'inscrit dans une logique
stratégique plus ancienne qui trouve son origine dans les
prémices de la révolution informatique amorcée dans les
années 1970.
Une autre étude étaye cet état de
fait : réalisée en 1982 par Booz, Allen et Hamilton (1982)
sur 700 entreprises américaines elle relève que le
développement de nouveaux produits comptait pour près de 30% de
leurs chiffres d'affaires respectifs. Une autre étude similaire
menée par l'institut scientifique du marketing en 1990, rappelle que 25%
des ventes de produits au niveau macro-économique trouvaient leur
origine dans une innovation qui datait de moins de trois ans.
* 20 La
compétitivité hors-prix est une forme de
compétitivité moins visible que le prix de vente. Elle recouvre
des facteurs tels que la qualité, le contenu en innovation, l'ergonomie
et le design des produits offerts.
* 21 Acronyme anglais se
traduisant par "écrans à cristaux liquides".
* 22 Source de l'exemple :
Association Oeconomia (Oeconomia.net).
* 23 Le découpage au jet
d'eau est un procédé de fabrication qui utilise un jet d'eau
projeté à une vitesse très élevée pour
découper la matière.
* 24 Source de l'exemple :
Banque de Ressources Interactives en Sciences Économiques et Sociales
(brises.org)
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