II L'indispensable innovation
A- Capitalisme et innovation
L'histoire de l'innovation est intimement liée à
celle du capitalisme. Pour Schumpeter (1912) le capitalisme repose sur deux
fondations essentielles: l'entreprenariat et l'innovation. Mais qu'est-ce
que le capitalisme ? Il s'agit d'un terme très vague, diachronique
et souvent polémique qui doit être éclairci pour gagner en
valeur et pertinence. Sa définition encyclopédique est la
suivante : « système économique et politique
caractérisé par la liberté d'échange et la
prédominance des capitaux privés ».10(*) Il est souvent associé
au libéralisme économique.
La révolution industrielle11(*) amorcée par l'invention
de la machine à vapeur en 1765, a donc permis l'essor d'une vaste
société marchande au travers de laquelle les
individualités, essence même du capitalisme, pouvaient s'affirmer
et s'arracher à leur statut social de naissance. Et même si le
capitalisme ne nait pas avec la révolution industrielle12(*) (Braudel, 1985), cette
dernière agit comme un moteur à son expansion. De cette
association vertueuse, découle la liberté économique
induisant la liberté d'entreprendre, la liberté du marché,
la liberté des prix, du jeu de l'offre et de la demande et surtout la
notion de propriété privée13(*).
C'est l'agrégation de ces éléments qui
crée un cadre propice nécessaire au développement des
initiatives individuelles, de l'entreprenariat et donc, a fortiori, de
l'innovation.
D'innombrables individus se sont ainsi fondus dans l'histoire
du capitalisme de par leurs brillantes innovations : Henry Bessemer
(célèbre par le procédé d'affinage industriel de la
fonte pour fabriquer de l'acier), Werner Von Siemens (qui établit le
principe de la dynamoélectrique), Thomas Edison (inventeur prolifique,
pionnier de l'électricité, il revendique un nombre record de 1093
brevets), Henry Ford (révolutionne le mode de production automobile, son
nom est associé au fordisme14(*)), Sakichi Toyoda (inventeur et industriel japonais,
il est le père du toyotisme), Akio Morita (co-fondateur de la compagnie
japonaise Sony), André Citroën (ingénieur polytechnicien
français, pionnier de l'industrie automobile), Thomas Watson
(président et fondateur d'IBM) ou Steve Jobs (cofondateur de la marque
Apple).
« Virtuellement tout l'accroissement de la production
survenu depuis le XVIIIe siècle peut en fin de compte être
attribué à l'innovation. Sans elle, le processus de croissance
aurait été insignifiant » (Baumol, 2002).
Ces successions de révolutions technologiques semblent
bien montrer un lien de cause à effet qui existe entre capitalisme,
libéralisme économique, entreprenariat et innovation. Et il
n'existe pas dans l'histoire de période plus riche en matière
d'innovations que celle du capitalisme de marché. Même si, les
civilisations moyennes-orientales et chinoises catalysèrent, à
leur apogée, une myriade d'inventions (comme par exemple l'imprimerie,
le papier, la poudre, le gouvernail, la porcelaine, les horloges hydrauliques,
etc.). Cette profusion d'inventions géniales trouve son explication dans
la loi du plus grand nombre. Il y a en effet plus de probabilités qu'une
idée brillante émerge, là où se situent des foyers
majeurs de peuplement. De plus, ces inventions, en l'absence de marché
capitaliste, ne pouvaient se matérialiser en innovation.
Enfin, elles n'étaient pas le fruit d'une
expérimentation rationnelle, d'une démarche économique
visant à atteindre un objectif précis, comme c'est le cas
aujourd'hui.
* 10 Source de la définition :
Encyclopédie Encarta (encarta.msn.com)
* 11 Expression créée par
Adolphe Blanqui qui désigne le processus historique du XIXe
siècle se caractérisant par le passage d'une
société à dominante agraire et artisanale à une
société commerciale et industrielle.
* 12 Fernand Braudel note que les
activités du capitalisme marchand et financier sont déjà
largement développées à la fin du Moyen Âge, dans
des régions comme le nord de l'Italie ou l'actuelle Hollande.
* 13 Qui s'institutionnalise dans le
domaine de l'innovation par l'établissement des brevets. La
première véritable législation attribuant un monopole
pour les inventions apparaît à Venise en 1474.
* 14 Se reporter à l'annexe 1.A -
"L'innovation chez Ford"
|